Le djihad islamique
Le djihad islamique, terme que l’on traduit généralement par guerre (Cfr.Wikipédia) mais qui signifie également effort, est l’objet d’immenses malentendus, eux-mêmes amplifiés par les discours haineux de groupes islamistes extrémistes et par l’ethnocentrisme de certains Occidentaux qui sont trop contents de coller sur la religion de « l’autre » des étiquettes infâmantes.
Un récit ancien offre une idée bien différente de ce que signifie en fait ce qu’on appelle « le grand djihad ». Dans un combat corps à corps avec un ennemi de l’islam, Ali, guerrier modèle, immobilise son opposant. Ce dernier lui crache au visage dans un sursaut de haine. Aussitôt, Ali lâche prise et remet son épée au fourreau. L’ennemi surpris lui demande le motif de ce geste. Ali répond que jusqu’alors il avait combattu pour la vérité (Al-Haqq), mais qu’après avoir reçu le crachat au visage, il a éprouvé un sentiment de rage. Cela l’empêche de continuer à combattre, parce qu’il ne veut pas agir poussé par la colère.
On peut découvrir beaucoup d’exemples semblables au comportement chevaleresque d’Ali, affirme l’Iranien Seyed Hossein Nasr[2]. Que l’on songe à l’Emir Abd el Kader s’opposant au colonialisme français en Algérie et au commandant Massoud, assassiné en Afghanistan par des extrémistes islamistes. L’histoire de ces combattants restés fidèles à leur tradition illustre un des aspects majeurs de l’éthique des sociétés traditionnelles, à savoir la noblesse de coeur. Mohammed aurait lui-même distingué le grand djihad, à savoir le travail sur soi et la lutte contre ses passions, du petit djihad, à savoir la guerre contre l’ennemi extérieur.
Cette insistance, au sein de l’islam, sur le travail spirituel intérieur est peu entendue aujourd’hui, l’extrémisme islamique occupant le terrain médiatique. Mais il n’a nullement disparu pour autant, pas plus qu’une grande tolérance envers toutes les religions. Déjà le grand Ibn Arabi se réjouissait des saints qu’il trouvait dans les synagogues et les églises... et il ne craignait pas de dénoncer les gens haineux qu’il trouvait dans les mosquées. Belle indépendance d’esprit[3], et attitude qui contraste avec le silence d’intellectuels musulmans d’aujourd’hui à l’égard de leurs coreligionnaires allumés qui parlent et tuent au nom de leur foi.
La tolérance, cependant, n’est pas morte en terre d’islam. Des intellectuels rappellent ce hadith de Mohammed utile à méditer : « L’encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs ». Un homme tel que cheikh Khaled Bentounès se prononce ainsi sur les diverses traditions spirituelles : « Les prophètes des religions sont comme les différents grains d’un chapelet et la spiritualité est le fil qui relie l’ensemble des grains. Tous les prophètes sont ainsi reliés les uns aux autres au-delà de leurs différences » [4]. Nous sommes loin des anathèmes véhéments envers les « infidèles » ! Quant au cheikh algérien Ahmed Tidjani, fondateur de la confrérie soufie Tidjaniya, très répandue en Afrique de l’Ouest, il affirmait « Allah aime aussi l’infidèle ... ».
Le grand spécialiste des traditions africaines, Amadou Hampâté Ba, rapporte que son maître spirituel Tierno Bokar disait : « Je ne m ‘enthousiasme que pour la lutte qui a pour objet de vaincre en nous nos propres défauts »[5]. Il précisait que cette lutte n’a rien à voir avec la guerre que se font les fils d’Adam au nom d’un Dieu qu’ils déclarent aimer beaucoup, mais qu’ils aiment mal puisqu’ils détruisent une partie de son oeuvre. « En Dieu, frères de toutes les religions, abaissons les frontières qui nous séparent. A bas toutes les créations artificielles qui opposent les humains les uns aux autres ». Voici des paroles sorties d’une modeste case de terre séchée au coeur du pays Dogon.
Il est rafraîchissant d’entendre cette voix sereine et fraternelle. Cela nous change de celle des barbus furibonds. En voici un autre écho, qui permet de deviner tout ce que renferme de beauté et d’ouverture une pensée spirituelle vraiment ancrée dans la profondeur : « Volons comme un aigle aux ailes puissantes vers l’union des coeurs, vers une religion qui ne tendra pas à l’exclusion des autres credo mais à l’union universelle des croyants libres de leur personne et moralement libérés des appétits de ce monde (...). La religion, celle que veut Jésus et qu’aime Mohamed, est celle qui, comme l’air pur, est en contact permanent avec le soleil de Vérité et de Justice, dans l’Amour du Bien et la Charité pour tous ». En cela il s’inspirait directement du Coran dont un verset dit « et lorsqu’ils (les croyants) sont apostrophés par les ignorants, ils disent ‘Paix’ »[6]. Dignité, noblesse et tolérance. Voilà campées de belles qualités. Rappelons-nous qu’il s’agit d’idéaux-types, donc d’abstractions généralisatrices, et non d’une description empirique de ce que vit chaque individu du groupe concerné. La réalité concrète est hybride.
Extrait p. 150-151, DES RACINES POUR L’AVENIR, Cultures et spiritualités dans un monde en feu, Thierry VERHELST
Plus menace le nivellement matérialiste, plus grande est la quête des fondements. Cette quête se doit de viser la profondeur. Faute d’être fondamentale, elle risque de devenir fondamentaliste. Il faut le répéter, les courants fondamentalistes sont autant sinon davantage ancrés dans l’angoisse générée par la modernité et dans l’humiliation provoquée par l’arrogance des dominants que dans la conviction religieuse. Il faut combattre l’intolérance, et non la religion. L’économie actuelle est donc contestable non seulement parce qu’elle va à l’encontre de la justice sociale et du respect de l’environnement, mais encore parce qu’elle est à la source des deux grandes préoccupations qui agitent l’Occident aujourd’hui, le fondamentalisme et l’immigration clandestine.
Extrait p. 131, DES RACINES POUR L’AVENIR, Cultures et spiritualités dans un monde en feu, Thierry VERHELST.
Enfin, pour information, notons que le prénom Mahomet n’existe pas. Mahomet est une déformation de langage datant du Moyen-âge. Le seul et véritable prophète d’Allah est MOHAMMED. Extrait ci-dessous du livre « Vers une approche du Monde Arabe », de Jean-Jacques Schmidt, Aux éditions du Dauphin, 2000.
[“Mahomet”, “mahométisme” et “mahométan”] Voilà trois termes qu’il faut, une fois pour toute, bannir de votre vocabulaire. Il n’existe pas et il n’a jamais existé de “Mahomet” parmi les prénoms masculins arabes. La meilleure orthographe est Mohammed ou Mouhammad : celui qui est loué, louangé.
“Mahomet” est une déformation qui remonte au Moyen-âge chrétien et qui, hélas, persiste de nos jours. "Mahomet" est une appellation juive dérivant de « Ma houmid » qui signifie explicitement « le Non Béni » sinon « l’Exécré »
Au XVIIIième siècle, Voltaire, en particulier, a contribué à imposer cette dénomination notamment dans une pièce qu’il a intitulée : “Mahomet ou le fanatisme”, par laquelle il a dénigré l’Islam et son Prophète.
Beaucoup plus grave est l’expression : “mahométisme” par la signification qu’elle véhicule. Pourquoi grave ? Parce que l’on a tôt fait de mettre en parallèle “mahométisme” et “christianisme” en les opposant. Ainsi assimile-t-on la “croyance” dans le Christ (rendue par la terminaison “isme” (=christianisme) à la “croyance en Mahomet (=mahométisme)”. Or, il faut rappeler que si le christ est bien l’objet d’adoration et de croyance en tant que fils de Dieu, d’une essence supérieure aux autres mortels, Mohammed, lui, n’est la source d’aucune croyance, ni l’objet d’aucune adoration. Quant à “mahométan”, il laisse entendre que “Mahomet” aurait des fidèles qui l’adoreraient, comme les chrétiens adorent le Christ. Or, dans l’Islam, seul Dieu est adoré.
Mohamed, ainsi que le Christ, sont respectés dans cette religion en tant que prophètes, des hommes comme les autres que Dieu a choisis pour transmettre Son Message à l’humanité
Source : http://www.yabiladi.com/forum/comparatif-mahometmohamed-80-1654018.html
Notes
[1] « Une étude américaine esquisse le profil-type du terroriste d’Al-Qaida », Le Monde, 10/8/2004, p. 3. Cette étude du prof. Marc SAGEMAN de l’université de Pennsylvanie, un ancien opérationnel de la CIA en Afghanistan, fait état d’un nouveau terroriste-type qui serait « global et nihiliste ».
[2] Seyed Hossein NASR, « Le terrorisme islamique et la profanation d’un terme sacré », article repris en traduction dans Espérance des peuples, N° 415, mai 2004.
[3] Jean MOUTAPPA, « Mais que font les intellectuels musulmans ? », Le Monde des religions, janvier-février 2006, p. 17.
[4] Entretien avec Marc DE SMEDT, Nouvelles Clés, N° 11, automne 1996. Le cheikh Khaled BENTOUNES, maître de la grande confrérie soufie Alawiya, est le descendant d’une lignée de maîtres soufis qui remonte jusqu’au prophète Mohammed. Voir www.fondationdiagonale.org
[5] Amadou Hampâté BA, Vie et enseignement de Tierno Bokar, Le sage de Bandiagara, Seuil, 1980, pp. 158 et 244.
[6] Soheib BENCHEIKH, ancien Grand Mûfti de Marseille dans un débat publié par La Libre Belgique à l’occasion de l’affaire des caricatures de Mohammet, mardi 7 février 2006, p. 31.
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