Minaret, Burqa... : Mais pourquoi a-t-on peur du musulman ?
Le vote de la peur
Dimanche dernier, la Suisse s’est exprimée sur la construction de minarets, et ceci par référendum. Scrutin proposé par la droite nationaliste dont le parti UDC, instigateur du mouvement anti-minarets, et le petit parti chrétien de droite UDF.
Déjà quelques mots sur cette initiative en elle même, qui est des plus grotesques. Déjà parce qu’elle entre en contradiction évidente avec l’esprit de la Constitution Suisse. Le Conseil fédéral avait d’ailleurs souligné que ce projet portait en particulier atteinte à la liberté religieuse. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg et le Pacte de l’ONU relatif aux droits civils et politiques, ils admettaient certaines restrictions à cette liberté, "mais à des conditions qui ne sont pas remplies ici. Une interdiction générale de construire des minarets ne saurait être justifiée par la sauvegarde de la sécurité et de l’ordre public [...] ".
D’après Eveline Widmer-Schlumpf, cette initiative a : « violé le principe de non-discrimination, car visant un symbole religieux de l’islam et non les édifices similaires d’autres religions ».
Les projets de construction d’un temple bouddhiste ou hindou peuvent susciter en effet, des oppositions de voisins, mais rarement une telle levée de boucliers.
Une initiative dangereuse aussi car elle porte plus que jamais aujourd’hui en vue des résultats, atteinte à l’image de la Suisse dans le monde entier. La Suisse serait constitutionnellement le seul pays à se livrer à une forme de discrimination religieuse visant les seules mosquées.
Du jamais vu !
Tout cela orchestré par des partis nationalistes, effrayant à renfort d’affiches dignes de la propagande nazi, mettant en valeur cette espèce de prolifération de préjugés qui collent à l’islam et aux musulmans, d’une manière très tenace (des minarets perçant le drapeau suisse et une femme en burqa), alimentant ainsi cette islamophobie rampante, depuis les attentats du 11 septembre, semant la discorde là où elle n’a pas lieu d’être.
Comme le disait Albert Camus, « La propagande, et la torture » ne sont-ils pas « des moyens directs de désintégration ».
C’est facile, trop facile de jouer sur cette corde-là : l’extrémisme islamique, la burqa, l’immigration, les minarets, l’identité nationale, l’insécurité, autant de sujets sans fondement concrets mais réveillant une peur, la peur de ce que l’on ne connaît pas, la peur de ce qui devient trop visible, la peur d’être envahit.
Des inquiétudes, reflet d’une humanité influencée, et des relents de nationalisme, attitudes banale de défense, « rendue nécessaire par la faiblesse de l’état ». (Jacques Bainville]
Alors finalement ... pour ou contre ?
A la surprise général , 57,5% des votants plébiscitent l’interdiction de la construction de minarets. Un vote massif de la peur qui déroute nombre d’analystes, lesquels pronostiquaient un rejet de la proposition de la droite nationaliste à hauteur de 53%. Un véritable échec pour ceux qui espéraient des temps meilleurs, des temps de paix, .
Oui, C’est une vrai peur qu’ont exprimé les suisses, une peur qu’il faut obligatoirement prendre en considération et comprendre .
Un minaret, c’est obligé ?
Avant cela, il faut s’exprimer sur la question du minaret . Il est intéressant d’écouter l’avis d’une femme musulmane convertie et française n’ayant pas subi le poids des traditions, n’ayant jamais visité de toute sa vie un pays musulman , ayant embrassé l’islam comme foi, conviction, et non pas du folklore.
Ainsi je vous témoigne de mon véritable embarras face à cette question.
Il est clair que selon moi, ce débat n’a pas lieu d’être, construire une mosquée avec un minaret , un obélisque, ou une tour Eiffel, est une liberté naturelle, enfin jusque là je croyais qu’elle était naturelle...
Personnellement, cela m’est égal. Ce à quoi doit répondre une mosquée, c’est sa justice.
Est-elle juste économiquement, écologiquement, spirituellement et peu importe la forme.
Ce que je sais du minaret, c’est sa première fonction, qui est l’appel à la prière. La hauteur permet à la voix humaine (sans micro à l’époque ) de se faire mieux entendre. Ainsi je lui reconnais cette fonction-là, et bien sûr esthétiquement c’est plutôt jolie.
Mais dans un lieu ou l’appel à la prière est interdit, je n’en vois pas vraiment l’utilité, même plutôt du désintérêt vu son prix . C’est juste du symbolisme, elle ne représente rien, en tout cas à mes yeux, des cœurs qui s’élèvent sont préférables à des pierres qui s’élèvent.
Je reste donc révoltée par le débat coté suisse nationaliste, face à la rareté de ces tours « silencieuses » (4 en Suisses).
C’est un procédé qui nous contraint à une uniformisation des sociétés. Un véritable asservissement architecturale, dès lors qu’on nous cantonne au quotidien à un modèle unique de consommation, et de pensée.
Et puis, j’ai aussi, d’un autre côté, du mal à saisir l’attachement des musulmans à cette édifice. Je respecte, mais je ne saisis pas, d’autant plus que les premières mosquées du temps du prophète (paix soit sur lui) et après son décès, n’avaient pas de minaret . Ceux-ci se sont développés en Syrie, bien longtemps après et tous les lieux qui ont été influencés par la très ancienne tradition arabe n’en comportent pas, notamment l’Afrique orientale et Oman.
Sans vouloir faire de concessions , nous pouvons réfléchir au sens du débat dont l’origine réside dans quelques pierres montées les unes sur les autres et ce qu’il reflète de notre société.
Le lapsus révélateur
Il existe véritablement une spécificité des réactions face à des implantations musulmanes, qui a certes des racines dans l’histoire, mais s’alimente aussi à des craintes que nourrissent quotidiennement les images que nous transmettent les médias sur les turbulences qui agitent différentes régions du monde musulman.
En fait, nous nous en prenons au minaret par ce qu’il symbolise. Celui-ci arrive à cristalliser toutes les préoccupations qui se manifestent autour de l’islam ou des musulmans. C’est donc un déplacement du débat vers le symbolique.
Ainsi par l’édification des minarets, les musulmans manifesteraient d’une certaine façon , leur volonté de prendre progressivement le contrôle de l’espace dans lequel ils se sont installés.
Or, si cette pensée existe, elle est plus que minoritaire , fruit d’une imagination un peu trop prolifique. La communauté musulmane d’Europe a d’autre souci que de penser à prendre un quelconque contrôle ou une volonté d’islamisation de la société et cette construction n’a rien à voir avec l’affirmation d’un pouvoir politique.
Elle est aujourd’hui et à regret spectatrice. Elle n’agrée pas pour la plupart ses représentants légaux nationaux quant aux locaux, ils sont bien plus souvent occupés dans leurs querelles internes.
Elle manque cruellement d’organisation, de gestion, en particulier dans les moyennes villes même si des progrès se font parce que sa jeunesse est en demande, elle est loin, très loin, d’avoir des prétentions de domination.
La communauté musulmane , a plus besoin de se connaître, et de comprendre la faille de sa stagnation .
Elle doit se défendre de tous ces préjugés, et en connaître les origines, car le silence pourrait paraître pour un consentement.
Visibilité
On ne parle pas de ce qui ne dérange pas, et ce qui dérange c’est la visibilité.
La multiplication des préjugés sur l’islam et sur les musulmans est révélatrice de la nouvelle représentation et de l’image que l’on a de l’islam et des musulmans et en particulier des femmes musulmanes depuis la nouvelle visibilité des musulmans d’Europe et d’occident (augmentation de la pratique religieuse, ramadan, port du foulard pour les femmes, conversion)
L’ignorance
L’inconnu fait peur, l’inconnu effraie
Il existe une grande ignorance dans les sociétés européennes sur l’Islam et une grande ignorance au sein de notre propre communauté. Celle-ci ayant beaucoup d’origines : manque d’enseignement, d’instruction, défaillance dans l’éducation familiale et nationale, un manque de penseurs et d’intellectuels musulmans (et ceux qui existent, sont gentiment forcés de se taire ), manque de dialogue, communautarisme, médiatisation des « mauvais exemples » au détriments des « bons » .
Mensonges
Durant des siècles, l’islam et le prophète (paix soit sur lui) , ont été diabolisés à travers des légendes effrayantes, alimentées bien souvent par l’église catholique (les méchants sarrasins !)
Historiquement parlant, il y a donc cette peur héréditaire qui perdurent aujourd’hui. Et puis il faut quand même savoir qu’il y a des personnes qui ont pour but de salir l’islam à travers la peur de l’islam, de nous éloigner voire d’éliminer toute forme de croyance et de religion.
Leurs armes nous entourent, jusqu’à l’intérieur de nos chaumières.
Ces personnes favorisent le matérialisme, le capitalisme. Elles avancent l’idée que l’homme est l’inventeur de sa religion, de son Dieu, et devient lui même divinité, ou se projette lui même dans la divinité (voir Hégel, Nieshte , Karl Marx, Sartre, Luc Ferry) .
C’est sur terre que se trouve le paradis, et ses délices sont l’argent et le pouvoir. Alors, Carpe Diem ! Profitons du jours présent , puisque la mort nous attend !
Ces personnes combattent toute forme de religion, sans comprendre qu’ils se créent eux même leur nouvelle religion avec leur codes. Elles donnent du sens à leur vie par l’engagement, et se dépassent dans une forme de transcendance. C’est LE mouvement de pensée occidentale que l’on tente de nous inculquer, et c’est un faux processus.
Des savants à la fatwa facile
Avec tout le respect que j’ai pour les savants et leur travail, il existe parmi eux, certains qui n’ont pas d’autres préoccupations que de légiférer sur le caractère licite ou illicite de la photographie ou du port du costume européen. Cela amène les musulmans à se focaliser sur des questions secondaires et à délaisser le prioritaire, et engendre des malentendus et des incompréhensions côté non musulman, ouvrant les portes à de nouveaux préjugés (comme s’il n’y en avait pas assez ! )
Des Dévoués Niais
Certains ont donné de l’islam une image honteuse et repoussante au regard des gens non avertis. Parfois ce sont des groupes, ou des dirigeants de pays, plutôt des despotes, dont les médias sont très friands.
Ils ne réfléchissent et ne comprennent pas, ils ne saisissent plus les signes divins visibles dans le coran, signes révélés à l’intention des gens « qui comprennent « et « qui savent » comme il y est écrit. Ils inventent des choses qui n’existent pas dans la religion musulmane. La publicité médiatique de leur méfaits, laisse croire en des actions agrées majoritairement par les musulmans dans le monde alors quelle le sont plus que singulièrement.
Une communauté qui s’est oubliée
La communauté musulmane ne correspond plus à la description qu’en fait Dieu dans le Coran : « Vous êtes la meilleure communauté qui ai été donnée comme exemple aux hommes : vous recommandez les bonnes actions et réprouvez ce qui est répréhensible et vous croyez en Dieu » SIII vers 110
Hormis quelques exceptions notre communauté n’ordonne plus le bien et ne réprouve plus le mal. Elle s’est écartée du juste milieu, s’est transformée en une communauté désunie, elle a oublié Dieu, or elle n’a pas de sens sans l’islam.
Le manque de spiritualité
La communauté musulmane oublie bien souvent ses force spirituelles, en favorisant sa part de matérialité.
Elle a besoin de revenir à l’essence : Nous Sommes des créatures, dotées d’une raison, c’est la seul différence qui nous sépare du reste de la création (animaux, végétation, astres).
Ces éléments obéissent au créateur et suivent son décret, quand nous , nous transgressons l’ordre divin, par choix, car Dieu nous a créé doté de cette liberté. De celle-ci nous en jouissons, oubliant qui nous la octroyé.
Au lieu d’être en conformité avec les éléments, la nature, les plantes, (c’est-à-dire être en conformité c’est obéir au créateur) , comme ses créatures le font, nous , nous nous égarons, nous nous rebellons, nous refusons et nous courons à notre perte.
Cette communauté a besoin de ce réveil et quand les âmes changent, la société suit forcement, et l’histoire prend un autre cours : Dieu ne dit-il pas dans le coran : « Dieu ne modifie rien en un peuple avant que celui-ci ne change ce qui est en lui. ».
Humilité de reconnaître ce qui ne va pas et dignité d’y résister, aujourd’hui et toujours .
Conclusion
C’est incontestablement la peur et l’ignorance qui ont fait voté les Suisses contre les minarets, un vote injuste que les musulmans de Suisses ne méritent pas.
Une peur, fruit de siècles et de décennies d’amalgames , de préjugés, d’idées reçues, et de faits divers alimentés.
Une ignorance, qui engendrent l’intolérance, et une paranoïa maladive.
Ne voyons plus ce vote comme un vote de haine mais plutôt comme un vote révélateur d’un problème. Il fallait peut être cette sonnerie d’alarme-là pour nous réveiller, nous pousser à renouveler notre façon de dialoguer, de nous exprimer, de montrer que la richesse réside dans la pluralité et d’expliquer, si tant est qu’on nous en donne les moyens et la possibilité, afin de rapprocher, plus que jamais, ceux qui se croient éloignés.
Laura Asma
Sur OuktiAsma.com, voilà 3 ans que nous avons débuté ce travail de rectification des préjugés sur l’Islam, de dialogue et d’ouverture. Parlez de nous autour de vous, et rejoignez-nous ! [email protected]
Quelques sources :
Jonathan Gornall, "Survivors of our spiritual past", The National, 13 septembre 2009).
http://religion.info/french/articles/article_445.shtml par Jean-François Mayer
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