Très bonne occasion pour revenir sur le sujet, oh combien périlleux, des relations entre la maçonnerie et la politique… Le thème, à n’en point douter, agite autant en dehors qu’à l’intérieur des Loges. Car si l’ensemble des obédiences (les fédérations de Loges comme la GLNF, le GO, le Droit Humain…) se veulent apolitiques, l’influence des idéaux maçonniques sur plusieurs lois historiques (la séparation de l’Église et de l’État, la pilule, l’IVG ou, plus près de nous, la fin de vie …) et la présence régulière de maçons dans les plus hautes sphères de l’État alimentent toujours les même phantasmes sur les relations prétendument ambiguës entre la politique et les « enfants de la veuve », comme les maçons aiment à s’appeler eux-mêmes.
Profitons de l’actualité électorale pour aller à la rencontre du « vote franc-maçon », quitte à tordre le coup à quelques idées reçues !
Maçonnerie rive gauche, maçonnerie rive droite.
« De toute façon, vous les francs-maçons, vous êtes tous de Gauche ! ». Voilà ce que j’entends la plupart du temps lorsque je parle du sujet avec mes amis, tant la vision du maçon « laïcard » et progressiste reste prégnante dans l’imaginaire collectif.
Pourtant, loin de ce « socialisme cassoulet », la maçonnerie d’aujourd’hui rassemble bien l’ensemble du spectre politique de notre pays. Il y a effectivement des maçons de Droite, comme le prouve le « coming out » récent de Xavier Bertrand … Il existe même une maçonnerie de Droite, représentée justement par cette GLNF médiatisée par le récent dossier du Point et dont les colonnes (là où se tiennent les maçons en Loge) sont plutôt « bleues horizon ». Cette maçonnerie traditionnelle (voire « traditionaliste ») ne serait pas, selon certains, absente des rangs de l’extrême droite, dans l’ouest parisien ou sur la Côte d’Azur notamment…
Non ! Les maçons ne sont donc pas tous de Gauche, loin s’en faut ! Ce qui était vrai jusqu’à la 1e moitié du XXe siècle, par opposition à une Droite catholique et encore majoritairement antirépublicaine ne l’est plus depuis que l’ensemble des forces politiques de Gouvernement partagent, peu ou prou, le socle idéologique de la maçonnerie : séparation de l’Église et de l’État, démocratie représentative et liberté de conscience.
Ma Loge, par exemple, si elle penche légèrement du côté du PS, comporte un bon tiers d’électeurs du Modem ou de l’UMP, ce qui correspond bien à la sociologie locale. Le reste se répartissant entre socialistes, électeurs d’Europe Écologie, du Parti de Gauche, plus quelques communistes ou aficionados de Besancenot. Pas plus à Gauche que la moyenne nationale des dernières élections donc ! Ce qui fut également le cas lors des élections présidentielles de 2007 où, si j’avais effectué un sondage, les résultats n’aurait pas été beaucoup différents que dans les urnes !
« Pourtant », me rétorque-t-on, « j’ai toujours entendu dire qu’il y avait des obédiences de Gauche et des obédiences de Droite ! ».
Oui et non… Passons sur le cas de la GLNF qui, bien qu’officiellement apolitique, recrute clairement dans un électorat de Droite en raison de sa « régularité » maçonnique (série de règles que doit observer une obédience pour être reconnue par la Grande Loge d’Angleterre) : non mixité, croyance au Dieu chrétien, sacrement sur la Bible…
Les autres obédiences sont bien moins monolithiques ! Si le GODF (le Grand Orient de France, principale obédience française avec plus de 50 000 membres) est clairement classé à Gauche, avec des dirigeants souvent proches du PS ou des ses alliés, la physionomie de ses Loges est souvent bien plus variée. L’inverse est vraie avec la Grande Loge de France, traditionnellement plus marquée à Droite (car moins active dans les combats sociaux et politiques) mais dont les membres se répartissent également entre les deux bords politiques. Même chose pour le Droit Humain, dont les dirigeants et les prises de paroles le situe à la gauche de la Gauche mais qui regroupe une population bien plus élargie, notamment du fait de sa mixité.
Cette situation est d’autant plus vraie en Province, dans les petites villes, où l’offre maçonnique se résume souvent à une, voire deux loges. Là, pas le choix de l’Atelier qui correspond le plus à ses convictions. D’autant qu’un maçon, une fois initié, peut être amené à changer de Loge selon ses déplacements et son rythme de vie.
Chaque Atelier est donc le plus souvent représentatif des équilibres politiques de la ou des villes où il est installé. Ni plus, ni moins !
« Ils en sont tous ! »
Au niveau national donc, la maçonnerie ne serait au service d’aucun parti ! Localement, en revanche, on peut retrouver parfois de fortes collusions entre certaines Loges et telles ou telles sections d’un parti politique, notamment sur des territoires qui sont déjà le fief d’une organisation politique unique. Mais on reste bien loin de l’omerta et il est très rare que les conséquences de telles situations aillent au-delà de quelques coups de pouces personnels. Conséquences que l’on peut trouver certes injustes mais pas différentes de ce qui se pratique ailleurs avec les réseaux d’anciens élèves, les grands corps de l’État ou, tout simplement, le parvis de l’Église ou l’amicale des joueurs de boules !
Si appartenir à la Franc-maçonnerie est incontestablement un atout pour se construire un réseau, surtout en Province, elle ne constitue nullement le sésame immédiat à une brillante carrière que veulent bien s’imaginer certains. Ce serait oublier la lenteur du parcours maçonnique (l’apprentissage oblige à 2 ans de silence) et son aspect toujours sulfureux qui pourrait bien amener à un homme politique plus d’ennuis que d’avantages objectifs… D’autant que les Loges ne rassemblent pas que des notables influents mais aussi et surtout des personnes comme vous et moi sans beaucoup d’utilité pour un ambitieux !
Cela explique peut-être pourquoi, contrairement à ce que l’on pense, les hommes politiques restent peu nombreux dans les Loges. Car si, oui, on trouve proportionnellement plus d’initiés chez les élus que dans d’autres catégories de la population (pour des raisons essentiellement sociologiques, comme c’est le cas pour les avocats, les médecins, les fonctionnaires…), on est bien loin des images d’Épinal !
Si il y a chez nos élus des maçons sincères, les 2 ou 3 exemples que j’ai vécus de « Rastignac » rentrant en maçonnerie en pensant se construire un réseau à moindre frais se sont avérés calamiteux : les « nouveaux frères » repartant, au bout de quelques mois, le tablier entre les jambes, n’ayant réussi à se récolter…Qu’une bonne contre-publicité !
Finalement, le principal intérêt de la maçonnerie pour un élu local est, qu’en regroupant des individus souvent très impliqués dans les structures « profanes » (associations locales, syndicats, rotariens, éducation populaire…) elle permet d’avoir un accès direct à un « concentré de société civile » toujours utile pour prendre le pouls de la situation.
Alors si Maires, Députés, Ministres, Présidents ou partis politique font bien garde d’amadouer un réseau qui garde toute son influence, le vote maçon reste un vieux phantasme sans substance.