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Accueil du site > Actualités > Santé > A quoi bon ?

A quoi bon ?

Depuis quelques années, on constate une aggravation du pervertissement dans les relations humaines, que ce soit dans la sphère privée, ou dans le monde du travail. Cela est facilité, entre autres, par le développement des moyens de communication à distance, la multiplication des déplacements personnels et par l’application de la notion d’interchangeabilité des personnes.

Autrefois, dans notre vie, nous étions rapidement engagés de fait : un regard, une promesse, et notre destin était lié. Tout se passait, plus ou moins, sous le regard de chacun. Il y avait bien des adultères, soupapes de l’inéluctabilité de ces engagements, mais ils demandaient des trésors d’imagination pour rester clandestins. On se contentait parfois d’une maîtresse officielle qui agrémentait l’ordinaire conjugal. Point.

De nos jours, le territoire de l’intime s’est étendu. Si ce qui se passait entre soi et le net ne pouvait être dissimulé, cela aurait peu de conséquences sur les conduites amoureuses de la population. Mais c’est l’inverse qui se produit : même sur son lieu de travail, avec un pseudonyme, on peut entretenir plusieurs relations à tonalité amoureuse et érotique, sans aucune conséquence familiale ou sociale (enfin, soi-disant...). L’ordinateur est devenu, entre autres, un instrument de passage à la réalité de fantasmes qui, jusque-là, restaient cachés dans le secret des consciences.

Qu’est-ce que cela induit ? Comme à chaque fois que l’on aborde les rivages de la perversité ou de la perversion : il se produit une instrumentalisation de l’autre. Avec la particularité que, sur le net, l’autre est censé avoir la même posture. Ce qui n’était que jeu masturbatoire devient réalisable dans l’échange avec un autre. Et facile. Mais je ne parle pas que des pratiques sexuelles, c’est le mode de relation à autrui, qui est en question. Puisque, à tout moment, s’il déplaît, ou simplement parce qu’un nouveau arrive, on peut le mettre sur liste noire, le rayer du cercle de ses interlocuteurs du net sans que rien ne se passe. Pour soi, en tout cas...

On sait que, dans l’association de deux pervers, il ne se crée pas un équilibre ou rarement. Dans la guerre du pouvoir, c’est le plus pervers qui l’emporte.

Dans une relation d’instrumentalisation réciproque, c’est le plus "instrumentalisant", le plus distancié de ses sentiments, qui va l’emporter. C’est l’autre qui sera "chosifié", donc souffrant. Je caricature un peu, bien sûr, pour faire simple.

Ce n’est pas qu’un jeu. D’abord, comme on vient de le voir, il y en a qui jouent plus que d’autres. Et, par conséquent, d’autres qui souffrent davantage.
Et puis, il n’est pas anodin de penser la relation en termes purement utilitaristes, sans égard pour les sentiments d’autrui, ni même, pour les siens propres. Cette « impunité », où aucun sentiment de culpabilité n’est renvoyé, ni par celui qui est tombé dans le no-man’s land des profits et pertes, ni par la société qui n’est pas au courant, nous remet dans la situation pré-œdipienne de l’enfant « pervers-polymorphe », comme le disait Freud.

Ce n’est pas sans conséquence, car c’est plus facile, et donc, cette pente savonneuse peut mener facilement d’un côté aux conduites les plus destructrices d’autrui sans aucun sentiment de responsabilité ("il savait à quoi il pouvait s’attendre, il n’avait qu’à se protéger...") et, d’un autre côté et au bout d’un certain temps, à un nihilisme déprimant. Car, si tout le monde est interchangeable, à quoi bon ?

Cette interchangeabilité des personnes n’est pas que le fait du net et ne concerne pas que les relations amoureuses. Dans le monde du travail aussi, et depuis plus longtemps, les systèmes de management et les tactiques de licenciement et de recrutement sont basés sur une "chosification" de l’homme. De même que les négriers évaluaient la musculature et la denture des hommes qu’ils achetaient, de même les directions évaluent la force de travail et le coût d’un salarié, indépendamment de toutes les valeurs humaines qui nous ont permis de nous extraire de l’animalité. On rejette des personnes de 50 ans, compétentes, parce que cinquantenaires, sans même qu’une transmission avec les plus jeunes puisse se faire. On ne félicite pas les employés travaillant bien : on augmente le niveau de leurs objectifs. Sans parler du harcèlement à but d’allègement de masse salariale. Tout cela avec des conséquences négatives, bien sûr ! Car l’homme, étant un homme, a besoin de reconnaissance, d’estime, de chaleur humaine, de plaisir à être avec ses congénères, etc. Toutes choses que le fait de risquer à tout moment d’être rejeté comme un outil hors d’usage, même s’il travaille bien, met à mal.

Qu’est-ce que ces situations ont en commun, qui aggrave le mal-être général de la population ? C’est la perte de sens. Risquer être rejeté dans une relation du jour au lendemain, sans raison et sans signe annonciateur, c’est, par définition, un traumatisme. Rejet ou abandon, disqualification, les sentiments induits seront d’autant plus forts qu’ils seront soudains. C’est ce qui désigne le traumatisme : un débordement d’affects pour un psychisme qui n’y est pas préparé.

Quand les traumatismes se répètent, on se met à s’y préparer. Comment ? En désinvestissant. C’est ce que l’on observe.

Dans le domaine amoureux, cela donne pour certains une sur-consommation de relations, la multiplicité des personnes garantissant le non-engagement ; pour d’autres, c’est le célibat et la chasteté choisie. Dans le domaine professionnel, la solution qui s’impose sera souvent la limitation volontaire de l’investissement professionnel. C’est ce que l’on constate, et la diminution de la productivité est, à mon sens, au moins partiellement la conséquence de ce "à quoi bon ?", induit par ces conduites managériales déshumanisées.

Sans compter, dans tous les cas, les effets délétères sur le plaisir de vivre, avec tous les inconvénients en termes de santé physique et psychique dont les médecins généralistes, psychiatres et médecins du travail constatent tous les jours l’augmentation.


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23 réactions à cet article    


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 22 avril 2008 12:00

    Comme vous dites : à quoi bon ? Travailler plus ? On sera davantage écrasé. Aimer plus ? On se fera utiliser. Ne rien faire ? On se retrouvera tout seul dans son coin. Maintenant que vous nous avez bien démoralisés, en tant qu’homme de l’art, avez-vous quelques pistes de sortie de ce marasme ?


    • LilianeBourdin 22 avril 2008 14:05

      Que le constat ne soit pas optimiste, certes... Quant à trouver des solutions et les exposer en quelques lignes, c’est un défi que je ne saurais, hélas, relever...

      Cependant, il existe des ouvertures. Si l’on se réfère aux études sur les groupes, on a compris depuis longtemps comment fonctionnaient les systèmes à médiation perverse, c’est-à-dire, déshumanisants. Les relations dans un groupe sont normalement le résultat d’équilibres entre liaison et déliaison. Individualité et sens du collectif. Pacification et agressivité. Relation hiérarchiques, et relations transversales. Etc... Dans un groupe toxique, il existe une diminution des éléments de liaison (diminution des éléments d’échange entre les membres) compensée par une augmentation de l’importance du leader, et de l’adhésion à la loi commune. Ce qui fait d’ailleurs qu’un dirigeant a intérêt à utiliser ces stratégies de déliaison pour assurer son pouvoir.

      C’est facile à comprendre : si l’on se parle entre nous de l’abus d’un chef, son pouvoir de nuire diminue. Il peut même être renversé. Si des victimes d’un pervers commencent à parler, il va en prison. Etc...

      Donc, de même que notre société et les stratégies politiques et commerciales, nous poussent de plus en plus à un consumérisme sans pensée, et individualiste, de même notre humanité nous amène à en souffrir et à tenter de trouver des solutions. L’une des plus nettes et efficaces, étant la communication par internet, qui me permet aujourd’hui d’écrire ceci et d’être lue.

      Donc, des solutions ? Faire passer le message, privilégier l’humain et les relations personnelles dont l’engagement n’est pas exclu, nommer les abus, désigner les abuseurs, ne pas avoir honte d’avoir été dupé, garder l’esprit libre pour savoir voir les tentatives d’emprise. Ne pas adhérer à la pensée dominante.

      Sortir du "aquoibonisme" justement...


    • Vilain petit canard Vilain petit canard 22 avril 2008 14:12

      Merci de votre réponse, qui ajoute une touche d’espoir à un tableau bien noir. Mais il est parfois très difficile de trouver contre qui il faut diriger sa critique : on a affaire à des systèmes pervers, qui par définition, ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre aux acteurs, y compris aux persécuteurs.

      Au passage, vous excuserez j’espère mon erreur grammaticale : j’aurais dû invoquer votre avis en tant que "femme de l’art".


    • tvargentine.com lerma 22 avril 2008 13:13

      Permettez moi de constater que votre article aurait pu etre signé par Mr DUGUE tellement elle se ressemble !

      C’est peu etre un simple hasard


      • Vilain petit canard Vilain petit canard 22 avril 2008 14:40

        Mon pauvre garçon....


      • Jason Jason 22 avril 2008 13:28

        Je crois que c’est notre relation au temps et à la parole qui ont changé, et ce assez rapidement ces trente dernières années. Au temps, il faut faire toujours plus vite et satisfaire ses désirs avec une notion souvent cachée d’efficacité. La parole devient de plus en plus facile, légère, n’engageant personne, et donc jetable. Internet étant le lieu par excellence de la parole jetable.

        La cause ? Economique, médiatique (modèles de comportements mimétiques accrus), frustrations entretenues, fuite en avant vers des désirs aux apparences nouvelles, désir de fuir un mal être permanent.

        Le remède ? Se tenir éloigné du "bruit et de la fureur", et avoir "une arière boutique toute sienne" comme le conseillait Montaigne. Se prêter sans se donner est un art difficile. Sans oublier que la bêtise, la traitrise et le mensonge nous accompagnent toujours, et depuis longtemps.


        • zenohit zenohit 22 avril 2008 15:17

          C’est une "chute" lente depuis 30 ans ? je ne crois pas, l’état d’esprit des années 60/70, chez les personnes qui se disaient "hippies" entre autres, n’était-il pas mû par cette force : celle du désespoir, du rejet de la vie matérielle ?

          Et le libertinage dans les sociétés bourgoises ? Fard et perruques pour chasser les témoins du temps qui passe ?

          Et le romantisme allemand ?

          Vous vous souvenez de "ô temps suspend ton vol", et quand est-ce que ça a été écrit ?

          Ca fait des milliers d’années qu’on sait que la vie est souffrance, qu’on cherche le bonheur. Simplement, les manifestations sont différentes car adaptées au temps, et propre à chaque personnalité.

          Désir, besoin, désespoir, malheur, sont des mots qui font partie de la langue française depuis plus de 30 ans. Si les mots existent, c’est parce que les concepts ont été définis par ceux qui ont créé ces mots.

          Alors les causes du malheur sont les maux de notre temps, ou de notre esprit ? la faute à celui qui a inventé le mot ou pensé la notion ? ou la faute à la personne qui emploie ce mot ?

          Je crois que ce "malheur" qui nous pèse est quelque part notre héritage culturel, je parle du romantisme plus précisément. Ce mélange constant d’espoir et de désespoir. L’innassouvi, la peur... etc.

          Et la voie du milieu dans tout ça ?


        • LilianeBourdin 22 avril 2008 21:09

          Pour répondre à Zenoit, la question du malheur de vivre, du sens de la vie, est inhérente à l’humanité. Cela donne nos meilleurs livres et nos plus belles oeuvres d’art. Mais ce que j’ai essayé de décrire est différent : il s’agit d’une souffrance induite par une déshumanisation généralisée des relations humaines, ce dont parle Annie dans son commentaire. Cette déshumanisation se développe rapidement, et pervertit un grand nombre de nos relations humaines. Je ne dis pas que c’est nouveau : c’est la généralisation du phénomène qui est inquiétante et qui a des effets visibles.

          La souffrance dont il est question n’a rien de romantique, elle se traduit en termes de stress au travail, troubles musculo-squelettiques, dépressions réactionnelles à du harcèlemnt, ou suicide. Par exemple, le premier traitement de la dépression induite par des conduites harcelantes au travail, c’est l’arrêt maladie. S’il s’agissait d’une neurasthénie d’origine interne à la persone, la sortie du milieu professionnel ne changerait rien.

          Il ne s’agit pas, pour moi, de la recherche du sens de la vie, et de la constatation de l’inanité de celle-ci puisqu’elle conduit à la mort. Et le pervertissement que l’on constate, ne concerne pas seulement le fait de quelques nantis oisifs qui s’amusent comme ils le souhaitent, ce qui a, effectivement, et particulièrement dans les sociétés décadentes, toujours existé. Non, il s’agit de l’application à tout le groupe humain de nouveaux codes remplaçant l’ancienne morale liée à la religion, et les principes humanistes issus du siècle des lumières. Ces codes annihilent aussi les usages habituels entre individus destinés à vivre ensemble.

          Les présupposés de ces codes tiennent à ce qui est dit ici dans les commentaires : "le plus important c’est d’être un gagnant", "le perdant a tort, de même que l’individu non-conforme"," celui qui ne respecte pas l’obéïssance aux diktats du groupe mérite d’être mis à l’écart" (idéologie très en vogue dans les collèges, et qui aboutit à des horreurs, mettant en jeu la santé psychique et physique de nombreux collégiens), "l’important, c’est de s’adapter, pas d’avoir une pensée libre", "ce qui est ancien est dépassé", "ce qui est nouveau est bien", "l’important, c’est d’être en mouvement", etc... N’avez-vous pas entendu "il faut savoir s’adapter" ? Et partout on retrouve les stratégies managériales par projets, chacun remplaçant le précédent, sans bilan rétroactif, et sans égards pour les efforts déjà fournis par les salariés pour s’adapter, justement.

          Ce qui est exclu du discours et de la pensée, c’est ce qu’il advient au niveau affectif des personnes ainsi instrumentalisées.

           

           

           


        • melanie 23 avril 2008 10:13

          @ l’auteur,

           

          Votre texte est brillant re rejoint par la finesse de ses analyses et observations les livres d’une de vos consoeurs Marie-France Hirigoyen concernant le processus de "harcellement moral" dans l’entreprise ou dans les relations intimes ainsi que son dernier opus nommé "les nouvelles solitudes" au sujet de ceux et celles qui ont résolu de mener leur vie en solo.

          Un autre ouvrage plus sociologique de Le Goff aux éditions poche La Découverte "La barbarie douce" traite de ce processus en marche partout de chosification des êtres humains interchangeables dans un système managérial qui ne connait comme diktat que l’EFFICACITE.... au détriment de toute INDIVIDUALITE.

          A mon niveau ce dommercial, ex déléguée médicale, j’observe une volonté systématisée de choisir des mêmes, des clones, des interchangeables, et la suspicion des que les tests éventuels qu’on me fait passer pour le recrutement révèlent quelqu’un d’ "atypique" , donc de pas dans la case, de pas standardisé, de pas formaté, de libre ...et ça c’est pas supportable ... !!

           


        • LilianeBourdin 23 avril 2008 13:11

          Marie-France Hirigoyen a mis des mots sur ce qui est tu. Alors que l’on en constate les effets tous les jours, que ce soit au niveau des entreprises, ou dans les cabinets médicaux.

          Oui, c’est la liberté qui est dangereuse, car elle permet la contestation éventuelle. Donc, on attaque la valeur d’une personne parce qu’elle se permet de montrer qu’elle pense différemment. C’est ce qui se voit dès l’école, où les enfants particulièrement intelligents (étiquetés "surdoués" comme si c’étaient des êtres différents venus d’une autre planète) sont pointés du doigt, ostracisés, parce qu’ils ne pensent pas comme les autres. Une fois, lors d’une conférence, un enseignant avait dit devant moi, en parlant de ces enfants "il faut qu’ils rentrent dans le moule". J’avais été abasourdie de ce dévoiement du projet éducatif d’un membre de l’éducation nationale. Pour qui on enseigne, là ? Pour l’homme de demain, ou pour la société que l’on veut protéger de toute fronde ?

          J’aurais tendance à penser que l’école devrait nous apprendre à réfléchir, nous donner les moyens de progresser par nous-mêmes, de savoir nous adapter aux contraintes nécessaires tout en ne perdant pas l’espoir de modifier ce qui doit l’être. "Rentrer dans le moule", cela veut dire s’adapter passivement à une situation créée par d’autres. C’est ce qui se passe à tous les niveaux. Je caricature, certes, mais je constate un tel changement, et si rapide, que le fait qu’il existe encore, heureusement, des contre-exemples, ne suffit pas à m’empêcher de souligner cette dérive.


        • Jason Jason 24 avril 2008 10:22

          A l’auteure,

          Nous constatons les dégâts du tout économique, la destruction des liens sociaux, la transformation des rapports entre individus aux niveaux familial, associatif, professionnel, bref, du relationel au quotidien.

          Or, l’introduction subreptice dans la société de produits, services, procédures, créant autant d’habitudes nouvelles, tout cela induit des changements que j’appellerais anthropologiques dans le groupe concerné.

          Et au nom du progrès sans fin, de la raison économique, du scientisme ou du spectacle, toutes ces transformations sont acceptées souvent sans réserves, et les critiques ne viennent qu’après les faits, quand les moeurs sont déjà transformées par les nouveaux produits. Le système économique en place, impitoyable et prédateur, ne vise qu’à gagner du temps. Alors, au nom de la liberté sans frein du commerce et de la concurrence, il est trop tard pour agir.

          Dans nos sociétés il n’y a pas de filtre permettant d’analyser les impacts des produits nouveaux sur l’anthropologie du groupe sans défense, lequel reste soumis à la subtile introduction de procédures/relations nouvelles, et donc de façons de vivre. Pour les techno-commerciaux nous ne sommes que les indigènes innocents aveuglés par les propagandes ambiantes.

          C’est le prix à payer pour une forme très contestable de liberté de pacotille.


        • LilianeBourdin 25 avril 2008 22:40

          @Jason : je suis d’accord avec ce que vous dites. Modernité, changement, progrès... Tout laisse entendre que ce qui est nouveau est forcément mieux que ce qui était là avant. D’où, comme vous l’écrivez, l’acceptation sans réserves de nouvelles procédures, sans évaluation de leur supériorité vis à vis de celles qui préexistaient. Procédures qui seront remplacées par d’autres de la même façon.

          Ainsi, les connaissances acquises se perdent rapidement. Et nous perdons aussi nos capacités d’analyse. Il faut du temps pour faire un bilan rétrospectif : qui peut se le donner, dans une société où l’on avance à marche forcée vers un changement permanent ?

          Pour en revenir plus précisément au thème de l’article, je considère que cette fuite en avant, que ce soit sur le plan des conduites amoureuses induites par le net, ou des stratégies professionnelles, amène en fait à faire du surplace dans un éternel commencement.

          Ce n’est pas le progrès, c’est son contraire.


        • LilianeBourdin 25 avril 2008 22:46

          à Jason : je suis d’accord avec ce que vous dites. Modernité, changement, progrès... Tout laisse entendre que ce qui est nouveau est forcément mieux que ce qui était là avant. D’où, comme vous l’écrivez, l’acceptation sans réserves de nouvelles procédures, sans évaluation de leur supériorité vis à vis de celles qui préexistaient. Procédures qui seront remplacées par d’autres de la même façon.

          Ainsi, les connaissances acquises se perdent rapidement. Et nous perdons aussi nos capacités d’analyse. Il faut du temps pour faire un bilan rétrospectif : qui peut se le donner, dans une société où l’on avance à marche forcée vers un changement permanent ?

          Pour en revenir plus précisément au thème de l’article, je considère que cette fuite en avant, que ce soit sur le plan des conduites amoureuses induites par le net, ou des stratégies professionnelles, amène en fait à faire du surplace dans un éternel commencement.

          Ce n’est pas le progrès, c’est son contraire.


        • Radix Radix 22 avril 2008 13:29

          Bonjour

          Quand dans une société on porte aux nues les champions de l’intrumentalisation des autres pour s’enrichir, quand on les qualifie de "gagnants" et leurs victimes de "loosers", pourquoi s’étonner que cette vision déborde sur la vie privé ?

          Chaque "looseur" voulant devenir un "gagnant" il trouvera toujours plus faible que lui pour satisfaire son égo malmené par cette compétition sauvage. Il se tournera alors vers sa vie privé pour compenser son soi-disant échec économique.

          Nous sommes tous en "échec économique" car quelque soit notre niveau de vie il nous manquera toujours quelque chose et au cas ou on l’oublierait la pub est là pour nous le rappeler !

          Ce cercle vicieux où l’horreur économique nous a enfermé ne peut-être brisé que par la reconnaissance de la valeur humaine de l’autre, indépendemment de sa "valeur économique".

          Le "combien tu pèses" américain, préambule obligatoire (pour certains) à toute relation humaine, a gagné la planète : merci la mondialisation des échanges et la marchandisation du vivant qui n’est que la forme sophistiquée d’un esclavage apparemment librement consenti !

          Radix


          • Lisa SION 2 Lisa SION 22 avril 2008 15:23

            Je vais avoir du mal à faire mieux que votre concis commentaire.

            @ l’auteur. Car l’homme, étant un homme, a besoin de reconnaissance, d’estime, de chaleur humaine, de plaisir à être avec ses congénères ...aez vous écrit.

            Si chacun se fixait cet objectif, la vie serait bien plus agréable. Mais d’autres valeurs l’emportent sur l’amitié, la loyauté et surtout l’équilibre entre les êtres. Nous ne sommes pas tous égaux, mais tous semblables. C’est la hyérarchisation des rapports qui crée l’inégalité et les dédéquilibres pèsent sur les plus faibles. Ces dérives, cultivées au coeur du communautarisme, relèvent du sectaire et laissent place à la culpabilisation et au harçélement. Ces derniers sont d’ailleurs reconnus et largement répandus dans la publicité et le management.

            La reconnaissance, l’estime, ne sont plus récompensés que par l’argent, et la perversité n’est plus qu’un simple calcul. Fuyez ceux qui comptent, vers le camp de ceux qui aiment, Car l’humain, a besoin de reconnaissance, d’estime, de chaleur humaine, de plaisir à être avec ses congénères


          • LilianeBourdin 22 avril 2008 22:04

            J’aime bien la façon dont vous présentez les choses, et je suis d’accord avec vous. La question, bien sûr, c’est comment revenir à la "valeur humaine", à la place de la "valeur économique".

            Cela parait pourtant simple : est-ce que posséder quelque chose, cela rend heureux ? Est-ce que cela donne du sens à la vie ? Et, plus généralement, est-ce que le plaisir de la maîtrise de l’autre n’est pas bien en-deçà, au niveau de la qualité, du plaisir de partager des relations humaines engageantes et affectives ?

            Les forces en présence sont énormes, car toute la grande distribution, l’industrie du luxe, l’industrie automobile, etc... ont intérêt à nous faire croire que gagner plus d’argent, et acheter plus, va nous rendre heureux. Et les gens s’endettent, notamment les couples modestes qui achètent leur habitation, et n’ont plus la ,possibilité de partir en vacances ou d’avoir du temps libre. Travailler plus pour gagner plus, mais gagner plus, pourquoi ?


          • melanie 23 avril 2008 10:30

            @ l’auteur,

             

            Je crois que cela rejoint des choses profondes en nous , et torture en quelque sorte des blessures narcissiques,très ancrées depuis l’enfance : Se comparer à l’autre, être plus fort , plus riche que l’autre, plus ..ce sont des valeurs très présentes chez l’enfant, et la publicité fait écho à des valeurs naîves dont il faut s’extraire au prix d’un effort.

            Le management de la concurrence de tous contre tous joue sur du velours et ces restes mal métabolisés de narcissisme qui font encore mal, et nous font mal.

            Une chose encore : le poids pharamineux des mots, des termes employés,d’un jargon, d’un idiome méprisant, deshumanisant, dévaluant .

            Nous sommes, et l’exellent petit-grand livre en poche "Bonjour paresse" l’analysetrès bien, entré dans un système de NOVLANGUE très destructrice , dans le mangement notament.

            Les mots sont des armes de destruction massive et lancinantes,car ils ont la faculté de se faire écho dans la tête de celui qui subit et de sévir bien après avoir été prononcés.

            La pression de l’arme de réserve de nouveau esclaves corvéables à merci à savoir les chômeurs rend aussi bien souvent,la position du travalleur en poste, intenable : Travailler avec la menace est forcement destructif et contre-productif.


          • Annie 22 avril 2008 19:25

            Il est tout à fait vrai que le système actuel de management, calqué sur le système américain et britannique, est totalement déshumanisant, parce qu’il ne fait jamais référence à l’individualité des employés, mais à des compétences très vagues finalement (sens du leadership etc) vis-à-vis desquelles chacun peut plus ou moins se reconnaître, et le sens d’échec peut donc être très fort. Les fiches de recrutement se composent (du moins en Angleterre) de cases à cocher. Une fois qu’elles sont remplies, on additionne, et du chapeau sort le prochain employé. L’étonnant est qu’au bout du compte, le système ne fonctionne pas tellement bien, parce que les cadres choisis de cette façon sont en général loin d’être adéquats, mais la finalité de l’exercice n’est peut-être pas d’embaucher des gens compétents, mais de perpétuer un système qui impose la conformité et l’obéissance, même si la créativité et la productivité en souffrent. Il y a quelques voix isolées qui se lèvent pour prôner un système plus plat, moins hiérarchisé et moins bureaucratique.

            Mais pour en revenir au sujet de l’article, ce système rigidement structuré a également comme conséquence la totale déresponsabilisation ; il me semble que l’on en revient presque au système du travail à la chaîne, avec une unité de travail extrêmement réduite pour chaque employé, qui ne voit jamais la finalité de son travail et n’éprouve jamais un sentiment d’accomplissement. Et la communication n’en ait plus une puisqu’elle consiste uniquement à transmettre des informations en aval et amont, et cela dans le meilleur des cas.


            • LilianeBourdin 22 avril 2008 21:41

              Je suis assez d’accord sur ce que vous dites là. Et, moi aussi, je me demande si le but n’est pas de favoriser la conformité et l’obéissance. Les évaluations permanentes, les procédures qualités, etc... sont rarement effectuées par des personnes connaissant bien le travail de l’employé. On établit des grilles d’évaluation, et le salarié doit rentrer dans les cases. C’est bidon, la plupart du temps, mais d’autant plus pernicieux que c’est bidon. En revanche, cela crée une tension chez les salariés, puisqu’ils vont être évalués, et qu’ils savent qu’il y a peu de chances que ce soit sur la base de leurs compétences réelles. Et cela crée une compétition fictive entre employés, ce qui étouffe dans l’oeuf toute velléité de lutte sociale...


            • Bof 22 avril 2008 22:29

              @  LilianeBourdin (IP:xxx.x33.84.128) le 22 avril 2008 à 21H41, autant je suis d’accord avec votre article autant je me permets de venir préciser que les retours de balanciers existent . A une loi stupide, idiote et surtout égoiste que fut les 35 heures et la 5ème semaine de congés ajoutée aux ponts multiples nous avons connu les cadences pour rattraper . ! plus le temps le soir de faire son jardin car trop fatigué , repos le dimanche après-midi pour "tenir" et les relations entre les membres des équipes se sont dégradées , une tension s’est installée , fini les coups de main quand l’un avait des problèmes, plus le temps de l’aider dans son travail...qu’avons nous gagné ? 


              • Radix Radix 22 avril 2008 23:22

                Bonjour

                Vous confondez une mesure, les 35 heures, qui voulait pallier à deux problèmes le premier étant le refus d’augmenter les salaires et le deuxième la pression croissante de l’entreprise sur le salarié, avec le résultat du management sur l’ambiance au travail.

                Lorsque j’ai commencé à travailler je travaillais 44h30 par semaine, j’étais jeune et l’ambiance était bonne. Aujourd’hui je suis près de la retraite et je n’imagine même pas avoir autant d’heures de travail dans un tel contexte dégradé et les 35 heures n’y sont pour rien sans elles ce serait pire car encore plus long !

                La communication du MEDEF à réussit à vous faire croire que le responsable était les 35h, bientôt ils vous feront croire qu’il faut revenir à 45h sans augmentation de salaire pour être heureux et vous les croirez encore ?

                Radix


              • Lisa SION 2 Lisa SION 23 avril 2008 00:46

                Les trente cinq heures, ajoutées à une certaine flexibilité des postes ( comme aux caisses de supermarchés ) autorisent à quitter un emploi le vendredi à midi. Je vous laisse imaginer ce que cela change pour une famille qui prend la route vers sa résidence secondaire... !


              • melanie 23 avril 2008 10:48

                @ bof

                Les 35 heures n’avaient absolument rien de stupide ni surtout d’"égoîste" puisqu’ils partaient du constat patent et de plus en plus qu’il n’y a pas suffisamment d’emploi pour l’ensemble de la population, meme à prétendre tertiariser tous les emplois détruits par la desindustrialisation - Même au Danemark qui fait la taille de Rhône Alpes, il y a du chômage et pas d’emploi pour l’ensemble de la population -, en conséquence de quoi partager ce temps de travail disponible et créer de l’emploi - les 35 heures en ont énormémment crées- était loin d’être la chose la plus stupide ..

                Il apparait aussi que le deal des 35 heures a été réccupéré de façon malhonnète par les entreprises qui ont fait faire le travail de 39 heures en 35 en payant...35 heures : D’où intensification du travail et gel des salaires : BINGO.

                Ne vous leurrez pas, depuis plus de dix ans , le MEDEF impose ses diktat au "négociations" politiques.

                Les 35 ans auraient pu être une chose très profitable pour les salariés - ils l’ont été pour les cadres avec RTT- .Ils ont été instrumentalisés par les entreprises : Travailler plus en moins d’heures pour être payés moins en nombre d’heures ...

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LilianeBaie


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