Drogueurs ou drogués ?
Alors qu’un certain Retailleau bien épaulé par le garde des sceaux, veut mener une « guerre à la drogue », une émission de france culture apporte un point de vue qui mérite le détour.
C’est entendu, tout comme Sarkösi en son temps, Darmanin brandit ses petits poings, et aux « bandes de racailles », chères au sarkosistes, ont succédé un « taper au portefeuille » les barons de la drogue... lien
Est-ce le bon choix ?
On le sait, et les USA en ont fait la cruelle constatation, la prohibition n’a jamais empêché que perdure le trafic...car les mafias diverses et variées ont toujours trouvé le moyen de contourner la loi…lien
Alors, poursuivre les barons de la drogue, ou s’en prendre aux consommateurs prendront probablement la route de l’échec.
C’est le constat qu’on fait les intervenants de France Culture le 2 janvier dernier. lien
Le psychologue Jean Pierre Couteron et la sociologue Marie Jauffret Roustide ont éclairé d’un jour nouveau la question des drogueurs...et des drogués.
Ils ont d’abord fort judicieusement rappelé que le tabac, l’alcool, les médicaments étaient eux aussi des drogues tout aussi dangereuses que celles montrées du doigt par le ministre, rappelant aussi que, si la consommation des drogues dites illicites (cocaïne/cannabis) avait largement augmenté ces 10 dernières années, (2 fois plus pour le cannabis, et 10 fois plus pour la cocaïne) il n’en reste pas moins que ce sont l’alcool et le tabac qui provoquent le plus de morts (50 000 pour l’alcool et 80 000 pour le tabac par an).
Sur la question de la dépendance aux drogues illégales, ils affirment que seulement 10 % des consommateurs de ces drogues ont des problèmes avec ces substances.
On ne peut pas en dire autant pour l’alcool ou le tabac…
voilà donc une nouvelle équation qui est posée, de quoi peut-être décontenancer le nouveau garde des sceaux…
On se souvient qu’aux temps de la prohibition aux USA les alcools frelatés, et donc dangereux, circulaient librement malgré les interdictions diverses et variées, alors que, lorsque ceci est devenu légal, la qualité des produits s’est considérablement améliorée.
Dans les « tontons flingueurs » chers à Audiard, il est dit « y a des clients qui devenaient aveugles, alors on a du arrêter ». lien
On pourrait se permettre un parallèle avec les produits illicites en circulation aujourd’hui, sachant que, en l’absence de contrôle sur la qualité, des substances chimiques dangereuses sont ajoutées au produits naturels...l’exemple de pains de cannabis auxquels a été ajouté de l’opium, favorisant le passage du cannabis à la cocaïne, est courant.
Idem pour les drogues de synthèses, les NSP (Nouvelles Substances Psychoactives), dans lesquelles des molécules dangereuses peuvent être introduites.
C’est le cas par exemple de la cathinone, échappant souvent à la législation, alors qu’elle peut provoquer de la paranoïa, de l’anxiété, de la neurasthénie, de la dépression et des troubles cardiaques avérés. lien
N’oublions pas les cannabinoïdes de synthèse, et d’autres produits divers et variés.
On voit donc que le ministre prend la situation par le petit bout de la lorgnette, d’autant que, même s’il fait tomber quelques barons de la drogue, il est évident qu’ils seront vite remplacés...tout comme les « petites mains », souvent des gamins, sur-dopés, prêts à tout pour quelques euros, ainsi qu’on peut le découvrir dans une enquête de Stéphane Duguet chez Public/Sénat. Lien
ils ont 11, 12 ou 13 ans, recrutés parfois à des centaines de kilomètres de chez eux, et pour quelques centaines d’euros, ils acceptent toutes les missions, jusqu’à assassiner, convaincus peut-être d’échapper à la justice. Lien
Alors quel est le sens du choix de Darmanin, « frapper au portefeuille », « isoler les barons », « multiplier les places de prison »…d’autant que la France détient le triste record du nombre de prisonniers, et de l’insalubrité de ces prisons, ce qui lui a valu une condamnation du Conseil de l’Europe. lien
Mais les intervenants de l’émission de France Culture vont plus loin dans leur analyse…
ils ont évoqué les travaux de Gladys Lutz qui pointe du doigt le monde du travail, dans lequel l’injonction à la performance est souvent la règle : chauffeur routiers, et marins pécheurs par exemple sont des professions où il y a une grosse consommation de cocaïne, tout comme les métiers avec des horaires décalés...sans oublier le monde du spectacle, dans lequel la drogue s’invite plus souvent qu’à son tour…
ce n’est hélas pas tout…
Dans l’essai « se doper pour travailler » (édition Eres), il est démontré que la drogue s’invite aussi dans le BTP, la police, les cabinets d’avocats, les aéroports...comme le souligne la chercheuse Dominique Lhuilier, incluant à la liste des SPA (Substances Psycho-Actives), la caféine, les analgésiques, les amphétamines, les psychotropes…
le garde des sceaux va-t-il bientôt enfermer les gros buveurs de café ?
Soyons sérieux...ne serait-il pas plus efficace de lever l’illégalité de ces produits, afin, tout d’abord, d’en vérifier la qualité, et surtout de priver les mafias d’un revenu dont on sait les conséquences ?
Quand on sait que le narcotrafic en France rapporte jusqu’à 6 milliards d’euros, la question mérite d’être posée. Lien
D’autant que si l’État reprenait ce marché juteux, ce serait autant d’argent qui échapperait au commerce parallèle...tout en améliorant la situation financière dramatique du pays que l’on sait. lien
Mais il semble que ce gouvernement préfère dépenser des milliards pour construire toujours plus de prisons...prisons qui sont souvent des machines à fabriquer la délinquance.
L’Observatoire International des Prisons, section française, est formel : « la prison est une institution désocialisante et criminogène, elle augmente les risques de récidive, parce qu’elle accroît les facteurs de délinquance recensés ». lien
Les statistiques l’affirment : 63 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont recondamnées dans les 5 ans, ce qui est confirmé dans les cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques en 2011 (lien) raison pour laquelle le CE (Conseil de l’Europe) préconise de privilégier les sanctions alternatives.
Comme dit mon vieil ami africain : « la prison est comme une piscine, tu sors mouillé ».
l’image illustrant l’article vient de le podcastjournal
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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