Euthanasie : peut-on faire évoluer la loi Léonetti ?
Mardi soir, France 2 avait programmé un remarquable documentaire : « A la vie, à la mort » d’Anne Georget, Quark Production. Cette diffusion alimente la réflexion autour des récentes prises de position de François Hollande en faveur d’une évolution de la loi Léonetti
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Anne Georget a suivi pendant trois années un patient, Michel Salmon, sa famille, ses médecins traitants, et les délibérations du centre d’éthique clinique de l’AP-HP. Michel Salmon à la suite d’un terrible accident se retrouve tétraplégique à l’âge de 53 ans. Littéralement enfermé dans son corps, il ne communique avec son entourage que par une énonciation de l’alphabet, opinant de la tête à chaque bonne lettre. Il ne peut ni se déplacer, ni parler, ni boire et ni manger. Pour pouvoir s’oxygéner, les médecins ont du pratiquer une trachéotomie.
Passée une période d’espoir où il a cru pouvoir se rééduquer progressivement, il constate son enfermement et demande à mourir. C’est à la loi Léonetti que Michel fait appel, celle qui autorise un malade « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable » à demander « d’arrêter un traitement inutile, disproportionné et n’ayant d’autres objets que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne ».
Cette même loi précise que dans ce cas « le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins nécessaires »
Malgré sa souffrance, son épuisement physique et moral l’équipe médicale a refusé de donner suite. Le chef de service de l’hôpital où était soigné Michel exprime dans le documentaire que tout « en comprenant le désir de son patient, pour un médecin ce n’est pas naturel d’abréger la vie ». Plus tard il laisse échapper que pour sa part, il pourrait l’accepter mais que l’ensemble de l’équipe de soignant y est radicalement opposé.
Le documentaire est le long récit tragique et douloureux de ce patient et de cette famille pour obtenir l’accès de ce droit, deux années de lutte qui feront intervenir le Centre d’éthique clinique de l’Hôpital Cochin à Paris. Celui-ci a vocation à exercer une mission de médiation entre le patient, sa famille et le personnel soignant. Celle-ci finira par aboutir, Michel finira ses jours dans une unité de soins palliatifs à Paris où il sera transférer, mais il mettra trois semaines à mourir.
La diffusion du documentaire a été précédé par une avant première à la Maison du Barreau (Paris), elle a été l’occasion d’un débat émouvant auquel participaient Noëlle Chatelet, Marie de Hennezel, Robert Zittoun, Véronique Fournier et des familles concernées par des situations de fin de vie.
Le débat a fait très vite état des limites de la loi Léonetti qui autorise seulement à arrêter les traitements. Le refus obstiné de certaines équipes médicales conduit parfois les familles à se replier dans leur domicile et de faire appel à un médecin de famille pour assurer les traitements accompagnants l’arrêt des soins. Mais même dans ce cas, cela donne des situations où l’agonie du patient s’étale sur des jours, des semaines, assommant de douleur et de chagrin les familles.
D’autres témoignages font état de familles aisées, de médecins qui permettent l’accompagnement du membre de la famille malade dans une clinique en Suisse où l’euthanasie active est autorisée par la loi, contre une importante rémunération. Inégalité des situations !
C’est dans ce contexte que François Hollande, qui sans écrire le mot d’euthanasie active, propose « que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Il prend à son compte et acte le fait que la loi Léonetti est une solution hypocrite et que de fait elle organise un « laisser mourir », en proposant l’arrêt des traitements sources de situations complexes, de souffrance et d’angoisse pour le malade et ses proches.
Le candidat du PS s’en remet ainsi à l’évolution de l’opinion publique. En août 2011, un sondage de l’IFOP indiquait que 49% des personnes interrogées se prononçaient pour, absolument et 45 % oui dans certains cas.
Laurent Fabius a contribué à cette maturation au sein du PS. Il a déclaré au journal le Monde : « la question de l’égalité est décisive. Si on ne légifère pas, la situation continuera de dépendre soit du médecin en face du patient, soit des relations de ce dernier, de sa situation sociale et de sa capacité à aller chercher une aide à l’étranger ».
Malgré cette avancée qui permet au candidat Hollande de se positionner au-delà des questions économiques en occupant le champ des questions sociétale, il reste encore, y compris au sein du PS des opposants. L’UMP est tout au tant traversé par les mêmes contradictions.
Il restera au PS, une fois parvenu au pouvoir, à donner la définition concrète de « l’aide active à mourir » et de préciser quel sera le rôle des médecins.
La clause de conscience, comme dans le cas de l’avortement, sera sûrement inscrite dans la loi.
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