“Faut-il en finir avec la psychanalyse ?” se demandait le Nouvel Obs en 2005
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En septembre 2005, il y a eu la parution du Livre noir de la psychanalyse, un livre fabriqué dans un but bien précis : décrédibiliser la théorie freudienne. Un ramassis d’articles et de chroniques souvent sans rapport les uns avec les autres, avec des chiffres faux, des affirmations inexactes, des interprétations parfois délirantes, des références bibliographiques tronquées, l’index du livre un tissu d’erreurs, et la France et les pays latino-américains y sont traités de pays arriérés.
Souvenons-nous de l’hallucinant rapport de l’Inserm, qui, tout en privilégiant un « modèle génétique », nous exhorte à voir dans les énervements excessifs des bébés les signes avant-coureurs d’une délinquance sociale. Rappelons-nous des propos déplacés de notre Président de la République sur le caractère génético-hormonal du suicide et des déviances sexuelles. Ainsi que la volonté du Pouvoir, en mai 2007, d’utiliser les tests ADN pour le contrôle des immigrés. Egalement de la proposition faite par Rachida Dati d’envoyer aux assises les fous criminels, autrement dit des personnes incapables de comprendre ce qu’ils ont fait.
Souvenons-nous surtout de la Une du Nouvel Obs et du dossier spécial que l’hebdomadaire a consacré à la promotion du Livre noir de la psychanalyse, un dossier rédigé par une seule journaliste, Ursula Gauthier, proche des psychiatres systémiques et, à la lire, bouleversée par le bouddhisme et les thérapies comportementales et cognitives. Un dossier bourré d’articles, de témoignages et d’interviews hostiles à la psychanalyse, à un tel point que de nombreux intellectuels ont fini par mettre en doute les capacités intellectuelles des journalistes de l’Obs. Mais fort heureusement, un dossier vide et qui ne contient rien, sinon du dit et du redit depuis plus d’un siècle par les détracteurs de la théorie freudienne.
Les TCC, dont Ursula Gauthier s’est faite le chantre, sont des thérapies qui ont cette étonnante particularité de vouloir « guérir » les sujets par des exercices plutôt pratiques, où la raison se réduit à encoder des informations, à cocher des cases et à lisser des courbes. Des méthodes pavloviennes ? Pire. Faisant fi de la singularité et de l’histoire subjective du sujet, les tenants du courant comportementaliste s’appuient sur les lois de l’apprentissage et des différentes formes du conditionnement pour expliquer la formation des symptômes. Exemple : vous êtes arachnophobe ? On va d’abord vous montrer des araignées, puis vous parler des araignées, et ensuite vous prendre par la main pour vous aider à toucher des araignées. Le triptyque. Concrètement, voici ce qui vous attend :
1 Information : informer le patient sur les araignées, distinguer les araignées dangereuses des araignées inoffensives,
2 Relaxation : apprendre à se calmer par des exercices de relaxation et des auto-instructions,
3 Action : observer puis toucher un bocal fermé contenant des araignées, laisser une araignée en liberté sur un bureau, toucher une araignée puis jouer avec, d’abord avec un crayon puis à mains nues, etc.
Et toute phobie disparaîtra d’elle-même. De la pure magie. Même durant les siècles les plus éloignés et les plus ténébreux on n’avait pas vu de telles méthodes où l’être parlant est, cette fois, vraiment pris pour un con. De plus, les TCC sont des « thérapies actives » : le psychothérapeute ne se contente pas seulement d’écouter le patient, mais il échange avec lui, le renseigne, le bichonne en lui proposant des techniques et en lui donnant des conseils, bref, une véritable amitié s’installe entre le patient et son thérapeute.
Tout en se gardant d’amalgamer souffrance et maladie mentale, on n’apprendra à personne qu’aucune étude n’a encore permis de donner naissance à des traitements efficaces des « maladies de l’existence », que sont les névroses, les dépressions, les angoisses, passions, addictions, volonté de se détruire, etc.
« Je ne laisserai pas tomber. Pour rien au monde, je veux attaquer la psychanalyse, qui me paraît une des démarches intellectuelles les plus fortes. Mais pour autant je ne veux pas que n’importe qui se déclare psychothérapeute. »
Bernard Accoyer
Dans l’esprit de notre député, qui pensait peut-être qu’on pouvait légiférer sur l’inconscient comme avec le code de la route, c’était combattre les psys mal intentionnés ou mal formés, voire pas formés du tout. Et on comprend son inquiétude, louable à bien des égards, mais naïve. Seulement voilà, on veut nous fourguer l’homme comportemental, évalué, quantifié, répondant à une norme. Ça rappelle d’autres idéologies mais celle de la France, aujourd’hui, se veut sécuritaire, en voulant réduire chaque citoyen à un misérable petit tas de neurones, soumis à toutes sortes d’évaluations et de normes.
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