Promo Nucléaire : pour toute centrale achetée, une leucémie en prime !
Chaque fois qu’une investigation met en péril la réputation d’une région, d’une commune, celui qui la mène a intérêt à avoir la bénédiction des responsables des secteurs dans lesquels il a l’intention d’enquêter, sinon, il risque de grosses déconvenues.
Il s’appelle Jean-François Viel, et en 1995, ce professeur de biostatistiques et d’épidémiologie, avait réalisé une enquête afin de vérifier si la proximité d’une installation nucléaire pouvait avoir une incidence sur le nombre de leucémies.
Ce « lanceur d’alerte » en a publié un livre « la santé publique atomisée » (édition La découverte, 1998). Lien
Il n’en était pas à son coup d’essai : dès 1990, il avait publié, avec Sylvia Richardson, dans le British Médical Journal, une première étude portant sur les risques de leucémies pour les moins de 25 ans habitant dans un rayon de 35 km autour du site de La Hague.
Puis, il avait remis ça en 1993, enfin 1995, grâce à un financement de l’INSERM et de la ligue Nationale contre le cancer, en collaboration avec 33 médecins locaux, avec la participation de Dominique Pobel, il avait réussi à démontrer, en prenant en compte la radioactivité naturelle, que le nombre de leucémies augmentait proportionnellement à la proximité de l’installation nucléaire. lien
Il avait diagnostiqué 27 cas de leucémies pendant la période 1978-1993 chez les moins de 25 ans, dont le détail est sur ce lien.
Le résultat ne s’est pas fait attendre : dans le camp des municipalités, lesquelles profitaient des généreuses retombées de la taxe professionnelle conséquente payée par l’industrie nucléaire, les insultes se mirent à pleuvoir sur l’épidémiologiste professeur, et il fut même empêché de parole, privé de subventions, à tel point qu’il dut quitter rapidement la région pour survivre.
Le détail de la polémique signée Olivier Baisnée, est paru dans « Politix ». lien.
Mais les attaques ne sont pas venues seulement des municipalités, et autres conseils départementaux, mais aussi de personnalités comme Georges Charpak, prix Nobel de physique, membre du conseil d’administration de la Cogéma, laquelle exploite le site de la Hague.
Charpak fit, d’après la Criirad, des déclarations publiques à la limite de la diffamation. lien
Le professeur Souleau, président d’un comité d’experts, nommés manifestement pour rassurer la population, à du démissionner.
En effet, il avait présenté des chiffres comme ceux des travaux du comité, alors que ces chiffres émanaient des exploitants du site. lien
Dans un article paru dans le journal « La Recherche », Elisabeth Cardis affirme que les résultats de l’enquête ont peut-être été sur-interprétés. lien
Naturellement les résultats publiés par Viel furent contestés par d’autres épidémiologistes, et l’état, via le ministère de l’environnement diligenta une commission d’enquête, laquelle confirma la validité scientifique du travail du Professeur Viel, au grand dam des lobbys nucléaires. lien
Comme il était probable que cette pollution radioactive soit consécutive aux rejets en mer des exploitants de La Hague, Greenpeace s’en mêla, et mis en évidence une contamination significative des sédiments à l’extrémité de la conduite des rejets en mer, même si les plongeurs de la COGEMA et des gendarmes maritimes, tentèrent d’empêcher les mesures, en volant le matériel de prélèvement. lien
Mais est-il très productif de s’en prendre au thermomètre lorsqu’on a de la température ?
Toujours est-il que Greenpeace réussit à mesurer 90 000 Bq/m3 de Krypton 85, alors que le rayonnement naturel est de l’ordre de 1 à 2 Bq/m3 dans l’air. lien
Le journal « Ouest France » titrait le 12 mars « des taux 3000 fois supérieurs à la normale » et « le Monde » ajoutait « la Hague est-elle mortelle ? ».
Le centre de traitement de la Hague, c’est 300 hectares, et 5000 travailleurs, qui s’emploient à cisailler les combustibles usagés en tronçons de 35 mm, lesquels seront plongés dans de l’acide nitrique ; D’autres opérations permettront de solidifier l’uranium, qui retournera par convoi ferroviaire, sur son site d’origine, avec les risques que l’on imagine. lien
Mais ce serait oublier qu’il reste 74 tonnes de plutonium stockés à La Hague, dont on sait qu’un millionième de gramme est une dose mortelle, et que dans les années 60, les containers de déchets nucléaires étaient envoyés par le fond, dans la Manche, alors que des déchets liquides sont toujours évacués par la conduite s’avançant de 2km dans la mer, a raison de 50 mètres cubes journaliers, depuis 1966 ; lien Tout cela en dépit de la convention de Genève qui publia, le 29 avril 1958, un article (n°25 alinéa 2) stipulant : « tout Etat est tenu de prendre des mesures pour éviter la pollution des mers due à l’immersion de déchets radioactifs… ». lien
Quant au plutonium, il est converti en oxyde de plutonium, et envoyé par camions à l’usine Melox, à Marcoule, à près de 1000 km de là, afin d’être transformé en MOX, ce combustible qui est au cœur de la catastrophe de Fukushima.
D’autres enquêtes épidémiologiques, menée par J.D. Urquhart, ont déjà été menées ailleurs, (à Sellafield, et Dournreay, (usines anglaises de retraitement et stockage de déchets nucléaires), près des centres atomiques militaires d’Aldermaston et de Burghfield et du centre nucléaire de Harwell, et à proximité de la centrale nucléaire de Hinkley Point) et on apporté le même résultat : augmentation de leucémies lorsque l’on s’approche des installations nucléaires.
En Allemagne, une étude similaire a été menée en décembre 2007, amenant à l’évidence que la proximité des installations nucléaires augmentait les risques de leucémies et de cancers. lien
Dans un rayon de 50 km, le risque de cancer infantile est très élevé. lien
Sachant que toutes les centrales nucléaires, malgré toutes les précautions prises, rejettent de la radioactivité dans l’eau, dans l’air, et que les installations de traitement/stockage de déchets nucléaires en rejettent plus que les centrales, il ne serait pas inutile qu’une enquête épidémiologique indépendante, prenant en compte la radioactivité naturelle, se penche sur le problème et analyse les cas de leucémies et de cancer, afin de savoir s’ils sont en augmentation chaque fois que l’on se rapproche d’une installation nucléaire.
Et quid des lobbys nucléaires qui jouent avec la norme, demandant qu’elle soit modifiée, lorsqu’il y a dépassement, comme cela a été le cas pour le tritium récemment. lien
On se souvient qu’au Japon, lors de la catastrophe de Fukushima, la norme de pollution nucléaire a été multipliée par un facteur de 12,5 afin de ne pas trop élargir le périmètre interdit, et permettre l’enfouissement des cendres issues des déchets radioactifs lien
Sauf que la norme n’empêche pas le danger.
Et puis il faut que l’enquête menée soit réellement indépendante, car, on l’a vu par le passé, au Tricastin par exemple, où, malgré le cahier des charges établi, il a été décidé que le choix de l’expert devrait revenir « uniquement au conseil général et à l’ASN (autorité de sureté nucléaire) avec comme expert l’institut de veille sanitaire », ce qui pose de sérieux doutes sur l’indépendance objective de l’expertise menée. lien
Mais revenons à La Hague.
Certains vont encore plus loin brossant un tableau catastrophique de l’installation, comme l’ingénieur Christian Kernaonet, confirmant qu’il n’est pas antinucléaire, qui a déclaré pour libérer sa conscience : « de 1969 à 1977, les fûts radioactifs ont été classés n’importe comment, certains baignant dans la nappe phréatique, tandis que les bordereaux d’inventaire étaient incomplets », ajoutant une révélation bien plus inquiétante : « alors que le site ne contenait pas moins de 100 kg de plutonium disséminés, les fûts concernés ont été « reconcentrés », d’où des risques de criticité ». lien
En attendant, se basant sur une étude publiée par l’équipe du CESP (Inserm) publiée dans « l’international Journal of cancer », constatant que l’incidence des leucémies est en augmentation d’un facteur 1,9 pour les enfants de moins de 15 ans dans un rayon de 5 km autour des centrales nucléaires, Corinne Lepage, remettant la question sur le tapis, vient de demander au ministre de la santé de mettre en place un suivi épidémiologique autour des centrales et des centres de recherche, et de s’engager à en assurer l’entière transparence, (lien) alors qu’Eva Joly lance la notion de crimes écologistes contre l’humanité, demandant à la Cour internationale de poursuivre et réprimer les crimes écologistes. lien
Alors qu’à Fukushima, la température du réacteur n°2 continue de faire le yoyo, (lien) les japonais découvrent que du béton contaminé aurait été vendu à 200 entreprises, ce qui expliquerait la dose élevée de radioactivité découverte au Japon dans les matériaux d’un logement récent. lien
Comme dit parfois mon vieil ami africain : « le feu qui te brulera peut être celui qui te chauffe ».
L’image illustrant l’article provient de « les moutonsenrages.fr »
Merci à Corinne Py pour son aide efficace.
Olivier Cabanel
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