1792, terreur, démocratie… et 1917
On proclame les droits de l'homme et on se retrouve en dictature. Comment expliquer ce paradoxe ?
Une des énigmes apparentes, un des paradoxes de l’histoire, c’est la terreur qui a suivi le début de la deuxième phase de la Révolution Française, celle où la révolution a abandonné la monarchie constitutionnelle pour entrer dans la république. Le pouvoir est devenu réellement dictatorial et même peut-être totalitaire. Je dis « peut-être », parce qu’avant de le qualifier ainsi, il faudrait s’entendre sur une définition du totalitarisme. A la fin du XVIIIe siècle, rien de plus banal qu’une dictature ; pas un gouvernement n’y échappait (sauf celui des Etats-Unis, à condition de fermer les yeux sur l’esclavage qui privait une partie des habitants de tout droit). Mais le paradoxe français vient de la contradiction entre d’une part, les ambitions affichées par le pouvoir révolutionnaire qui venait de proclamer les droits de l’homme et de l’autre, la terreur qui frappait les opposants, réels ou présumés, ce qui niait ces mêmes droits.
On a beaucoup péroré et glosé à ce sujet. Comme souvent, les explications intellectuelles ont cherché midi à quatorze heures, elles ont cherché le compliqué, l’alambiqué plutôt que le simple. Certains ont vu dans cette révolution la racine des totalitarismes du XXe siècle.
Pour bien comprendre les tenants et aboutissants, la méthode idoine me paraît être d’oublier notre vision d’observateur a posteriori, d’oublier ce que nous savons quant à l’évolution générale de ces événements. Bref, mettons-nous dans la peau de ces révolutionnaires. Ils ne savaient pas si leur révolution serait victorieuse ou non. Par contre, ils savaient ce qui les attendait si elle ne l’était pas. Ils auraient tous été massacrés sans pitié. Et les acquis totalement légitimes de la révolution, la perte des privilèges féodaux, l’arbitraire monarchique seraient revenus au galop. Ils voyaient l’Europe entière liguée contre eux et des révoltes armées à l’intérieur du territoire national. On comprend que la peur, consciemment ou inconsciemment, ait dicté leur comportement.
Un des éléments les plus spectaculaires de cette tragédie est la voracité avec laquelle la révolution a mangé ses propres partisans. Encore une fois, seule la mise en situation nous aidera à le comprendre. « L’obligation d’éviter la défaite » ne pouvait qu’engendrer la peur des uns que la stratégie des autres n’y conduise, ce qui menait inévitablement à des luttes intestines implacables.
L’intention du présent article n’est pas de fonder un jugement moral à propos de ces événements et de leurs protagonistes Je m’en sens bien incapable. Qu’il y ait eu des abus moralement condamnables est plus que probable, mais là n’est pas le fond du problème. Il est important de trouver l’explication juste des phénomènes historiques et les explications les plus terre à terre sont souvent les plus adéquates.
La même explication vaut sans doute, au moins partiellement, pour la terreur rouge en Russie après la Révolution d’Octobre. Mais il y a une différence fondamentale entre les deux révolutions : la Révolution Française tire une légitimité du fait qu’elle signifie l’abolition d’un régime dictatorial fondé sur les privilèges de la naissance. La Révolution d’Octobre n’est qu’un coup d’Etat par lequel un groupe de révolutionnaires professionnels renversait la démocratie naissante issue de la Révolution de Février 1917.
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON