Banales expertises médico-psychologiques
Un décret en préparation au ministère de la Justice fixerait de nouvelles obligations déontologiques pour les experts judiciaires. Le recours aux expertises médico-psychologiques est largement utilisé par le magistrat en affaires familiales.
Un décret en préparation au ministère de la Justice fixerait
de nouvelles obligations déontologiques pour les experts judiciaires. Le
recours aux expertises médico-psychologiques est largement utilisé par le
magistrat en affaires familiales.
Le coup de projecteur, qui vient d’avoir lieu sur la mauvaise
judiciarisation de l’affaire d’Outreau, dévoile au grand public, et sous un jour
pas du tout caricatural, les procédés employés par une justice en quête de
caution médicale lorsqu’elle ne sait plus comment juger.
Avant cette mise à nu des arcanes de l’appareil judiciaire,
révélés par les instances du Nord et de Paris aujourd’hui, de nombreuses
associations déjà dénonçaient les nombreux cas consécutifs d’une expertise médico-psychologique.
Car en affaires familiales, civiles, elles sont légion, et les conséquences
n’en sont pas moins dramatiques. Il arrive souvent que des parents soient
écartés de leur enfant, dans l’attente d’une procédure d’expertise, puis à la
suite d’une telle expertise*.
Mais comment se passent-elles ? Nul ne le sait, car
l’expert, docteur en médecine et docteur en droit, n’a pas l’obligation de
consigner la durée de l’entretien, les conditions de l’entrevue, etc. Un
décret en préparation au ministère de la Justice fixerait de nouvelles
obligations déontologiques pour les experts judiciaires. Verrons-nous enfin
s’arrêter l’abus de pratiques d’expertises, notamment lorsqu’il n’y a aucun
terrain psychiatrique dans les familles concernées ?
Les cas d’expertises privées, faites à la demande du
justiciable lui-même, souvent du père en instance de divorce pour prouver son
bon équilibre, sont assorties de nombreuses séances d’entretien, bien
facturées, sur des périodes allant de six mois à un an. En affaires civiles, il
en va tout autrement. D’abord, l’entretien unique dure entre trente minutes et une heure,
et au bout, une expertise, avec l’irrécusable caution que la médecine est
censée apporter. Comme le rapporte un papa dépossédé de son enfant, dans sa
Lettre ouverte aux experts médico-judiciaires et aux JAF,
il suffit donc d’avoir eu une
intoxication alimentaire la veille pour être déclaré “pas très net” par
un
expert dans son rapport. À en croire ce citoyen, qui jette une
bouteille à la
mer, son rapport d’expertise est daté du jour même où s’est passé
l’entretien (!) C’est dire si l’on expédie vite les affaires courantes,
dans les tribunaux
de province.
Il faut donc revenir sur les paroles confuses de l’un des
experts de l’affaire d’Outreau, le très réputé Jean-Luc Viaux, de Rouen, expert
près de la Cour de cassation (!) Non, l’expert n’est pas “payé comme une
femme de ménage”. Pour ne citer qu’un exemple, l’ordonnance du TGI de Tours n°
RG 02/01424 dit fixer “à 650 euros la provision sur les honoraires d’expert
que la défenderesse devra consigner au greffe dans un délai d’un mois...” et ce
n’est qu’une provision.
Quelle femme de ménage gagne 650 euros pour un travail
commencé à 14 heures et bouclé à 20 heures ?
Même s’il est clair qu’une expertise plus fouillée a dû
avoir lieu sur les cas d’Outreau, les 15 €/heure dont parle M. Viaux sont bien
au-delà de ce que gagne une femme de ménage, (5,94 € de l’heure...).
Son lapsus est révélateur du fossé qui sépare les magistrats
de ce pays et la réalité des gens qu’ils prétendent juger.
Alors, la question qui se pose pour tous les justiciables
est celle-ci : si un expert aussi qualifié que celui-ci considère faire “des
ménages”, a fortiori
dans une affaire pénale aussi lourde que celle d’Outreau,
qu’en va-t-il des expertises courantes en affaires familiales, à cause
desquelles des parents sont tenus éloignés de leurs enfants, ou reclus
dans un point-rencontre, quelquefois cinq années de suite*, pour avoir
passé 40 minutes
devant un expert qui a voulu, par compensation d’un salaire de misère
peut-être, faire montre de sa toute-puissance ?
Ces peines-là, peines de coeur avant d’être peines de droit,
valent bien tous les “Outreau” silencieux qui ont lieu tous les jours dans les
couloirs des Tribunaux.
* Nouvelle République du Centre-Ouest, 6 décembre 2002, page
2.
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