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Ce que Buitoni, Kinder et Orpéa disent de notre époque

Et si l’année 2022 marquait une rupture dans la compréhension des conséquences néfastes de notre système économique ? Bien sûr, les scandales sanitaires ou sociaux ne sont pas nouveaux, mais ce début d’année a été entâché par trois scandales majeurs qui sont un rappel trop cruel de ce que peut générer très directement notre système économique. Retour sur trois taches rouge sang : Orpéa, Kinder et Buitoni.

 

Leurs profits valent plus que nos vies

 C’est bien ce qui semble réunir ces trois affaires emblématiques, dont deux ont affecté des marques populaires de grande consommation. Bien sûr, les enquêtes sont seulement ouvertes, et nul ne sait si elles permettront de conclure de manière totalement irréfutable sur les raisons des contaminations des œufs Kinder et des pizzas Buitoni. Mais ce qui est frappant ici, c’est que des produits extrêmement populaires puissent avoir été les vecteurs de dizaines d’intoxications graves, ayant mené jusqu’à la mort de deux enfants dans le cas des pizzas Buitoni. En outre, dans les deux cas, les réactions des entreprises incriminées sont loin d’échapper à la critique, outre les défaillances sanitaires, entre retard à prendre en compte les premières alertes et mauvaise réaction des dirigeants une fois la crise devenue publique.

 Il faut espérer que les enquêtes judiciaires, déclenchées fin mai pour Buitoni et début juin pour Ferrero, nous permettront d’y voir plus clair sur les raisons qui ont mené à ces drames. En effet, beaucoup de questions gênantes se posent encore. C’est début avril que Ferrero procède au retrait de 3000 tonnes de produits Kinder, mais il est apparu depuis qu’une première contamination des chocolats dans l’usine a été détectée dès la mi-décembre  ! Certes, le groupe dit avoir réagi, bloqué les produits incriminés, et réalisé 2000 tests en janvier, mais une réapparition si rapide démontre forcément que ce blocage et ces tests n’ont pas été très efficaces et n’ont pas réussi à remettre cette usine dans le droit de chemin de la confiance que les consommateurs devraient pouvoir avoir pour des marques aussi connues. Bilan : 150 cas de salmonellose, dont 81 en France, majoritairement chez des enfants de moins de 10 ans

 Le cas Buitoni, qui s’est déclenché 15 jours plus tôt, est encore plus inquiétant puisqu’il a conduit à la mort de deux enfants. Et ici, les alertes semblent avoir été plus nombreuses, avec un avertissement de l’administration en 2020 sur des anomalies, confirmé par l’arrêté préfectoral de fermeture de l’usine accablant parlant d’outil de production « très dégradé » et d’anomalies présentant « un danger pour les consommateurs » et une « menance pour la santé publique », pointant « la présence de rongeurs (…) un manque d’entretien et de nettoyage des zones de fabrication, de stockage et de passage, et de certains équipements ou matériels  ». Il a fallu presque 4 mois au patron de Nestlé France pour parvenir à construire des éléments de langage pour se défendre, contre 2 mois pour le patron de Ferrero.

 La très grande lenteur dans la réaction des deux multinationales en dit sans doute long sur ces crises et les fondamentaux de notre système économique. La prétendue transparence n’est qu’un élément de langage et Nestlé et Ferrero savent sans doute que la pression mise sur les coûts a probablement joué un rôle dans les contaminations. Voilà deux décennies que les actionnaires réclament toujours plus de rémunérations et cela a eu des conséquences très concrètes dans bien des budgets des multinationales. Les éléments de langage finalement très vagues du patron de Nestlé peinent à cacher les probables coupes sombres qui ont eu lieu depuis des années dans les budgets des usines, qui doivent toujours produire pour moins cher. On peut aisément penser que cela n’est pas pour rien dans ces affaires.

 En somme, c’est la même logique qui était à l’œuvre dans le révoltant scandale Orpéa, avec ces économies de bout de chandelle pourtant réalisées sur des éléments clés d’un accueil humain des pensionnaires, des économies sur les couches aux budgets alimentation misérables. Pourtant, Orpéa facture cher ses services et réalise près de 30% d’Excédent Brut d’Exploitation sur son chiffre d’affaires en France. Ces économies n’étaient pas destinées à sauver l’entreprise mais simplement à améliorer la rémunération des actionnaires, ce qui rend ces mesquineries d’autant plus inhumaines. Pour couronner le tout, le Canard Enchaîné a révélé il y a quelques semaines que certains directeurs d’Orpéa complétaient leurs salaires par des prestations, indirectement financées par toutes ces sinistres économies…

 Ce que 2022 rappelle, pour tous ceux qui en douteraient encore, c’est que les profits des multinationales valent plus que nos vies à tous. Le système économique actuel est même prêt à faire porter plus de risques à ses propres consommateurs (au risque de sa ruine) dans sa quête sans fin d’augmentation des profits. Et il est clair qu’il est prêt à renoncer à toute humanité dans le processus.


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20 réactions à cet article    


  • Clark Kent Philippulus 23 août 2022 10:59

    La notion d’humanité est aussi étrangère au « système » en question que les règles de versification le sont de la comptabilité.

    la probabilité d’autodestruction est de plus en plus évidente, mais ce n’est pas que les responsables y soient prêts, c’est simplement qu’ils sont aveugles et agissent  en fonction d’un conditionnement (éducation et formation) aussi fort que celui qui amène un chien dressé pour ça à exploser avec les mines attaches sur son dos quand on lui enjoint d’aller à l’endroit ciblé. Le chien (ou le duphin) n’est pas « prêt » à ça, il est « programmé » pour ça.

    Les acteurs de ce système pensent que le capitalisme, c’est la nature.



    • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 25 août 2022 07:57

      @Alain Dussort
       
       « (Les vaxins : ) des injections de covid » Véra Sharav.


    • OJBA 25 août 2022 09:44

      @voxa Pas dit mieux. Un truc à rajouter : c’est un glissement insidieux qui nous amène ce genre de scandale. Avec la suppression de contrôles « extérieurs », remplacés par l’autocontrôle, au début, les compétences étaient là, les processus aussi, pas de problème. Mais, de négligences en restrictions, les processus ont changé sans que personne n’y trouvât à redire, les compétences se sont perdues, ce qui nous amène à cela. Cela explique aussi le délai mis par les 2 boîtes à communiquer honnêtement. Elles ne « savaient plus ».


    • tashrin 23 août 2022 14:14

      En somme, c’est la même logique qui était à l’œuvre dans le révoltant scandale Orpéa, avec ces économies de bout de chandelle pourtant réalisées sur des éléments clés d’un accueil humain des pensionnaires

      C’est bien pire que cela

      Il ne s’agit pas de gratter à la marge deux ou trois couches pour financer une ramette de papier ou un pot à crayon. Il s’agit d’un systeme mafieux visant à détourner avec le meilleur ratio l’argent public devolu à un besoin de la population pour en faire une machine à cash sur le dos du contribuable qui paye deux fois : la premiere via ses impots, la seconde en manque à gagner sur les prestations dont il est censé bénéficier

      C’est à rapprocher de l’organisation du ramassage d’ordures en italie, par exemple, qui fonctionne de la meme maniere. On paye pour un service, et ils vont balancer les ordures dans une foret quelconque, et fuck


      • Adèle Coupechoux 23 août 2022 16:54

        Il va falloir être plus que prudent avec la crise qui s’annonce. Entre les produits comme la farine ou encore l’huile qui risquent d’être coupées avec soit de la mélanine comme pour le lait en poudre en Chine soit des huiles de mauvaise qualité, le pire est à craindre. Il s’agit d’une criminalité organisée avec la complicité des gouvernements comme nous l’avons constatée avec l’enrichissement phénoménal de certains laboratoires pharmaceutiques. Sous couvert d’altruisme...

        https://asialyst.com/fr/2019/10/16/chine-10-ans-apres-ascandale-melamine-continue-peser-marche-mondial-lait/


        • Eric F Eric F 24 août 2022 14:42

          @Adèle Coupechoux
          Oui, et pas que les huiles : les produits alimentaires ’’transformés’’ sont gorgés d’eau, de sel, de sucre, d’émulsifiants et d’agents de sapidité artificiels. On n’en n’est pas encore à la sciure de bois ou à la paille hachée dans les farines, mais il va falloir avoir l’oeil !
          Et les ’’labos’’ ont investi aussi les publics ’’anti-système’’ en vendant des vitamines de synthèse et des extraits de plantes au prix du caviar. La marge est encore plus élevée que sur les vaccins.


        • Fergus Fergus 24 août 2022 13:04

          Bonjour, l’auteur

          « Ce que Buitoni, Kinder et Orpea » disent de notre époque.

          En fait, pas grand chose, si ce n’est qu’elle n’est ni meilleure ni pire que les époques qui ont précédé et qui ont été elles aussi caractérisées par des formes de scandales dont les consommateurs étaient victimes.

          A cet égard, l’expression « cochon de payant » qui stigmatise la quête sans scrupules de profits aux dépens dudit « client » auquel on offre un service dégradé ou trop cher en termes de rapport qualité/prix est éloquente.

          Or, cette expression ancienne a commencé à se répandre très largement dès les années 60 ou 70 !


          • Eric F Eric F 24 août 2022 14:32

            @Fergus
            En effet, l’affairisme déshumanisé ne date pas d’aujourd’hui, ces scandales montrent du moins qu’on les ’’trace’’, même si c’est la face émergée de l’iceberg.
            Ce qui choque, c’est que les gouvernants persistent à ménager les très gros possédants (en les qualifiants de ’’premiers de cordée’’). Tant les profits des entreprises que les revenus financiers bénéficient d’avantages fiscaux auxquels ni les salaires (hors primes et heures sup scandaleusement défiscalisées) ni les retraites ont accès.
            Mais c’est pire aujourd’hui que dans les années 60/70 que vous évoquez. Les, non pas 1%, mais 0,1% voire 0,01% les plus privilégiées ont plus que décuplé leurs revenus et richesse par rapport à la moyenne du pays, pire qu’au début du siècle dernier, du fait de la mondialisation qui tirent les salaires vers le bas et les profits vers le haut.


          • rogal 24 août 2022 13:23

            Bon.

            Alors, que fait-on ?


            • Eric F Eric F 24 août 2022 14:36

              @rogal
              Que fait-on ? Déjà, arrêter de voter pour les séides des hyper-riches et de la mondialisation. On a le choix des alternatives de gauche radicale ou de droite souverainiste.


            • zygzornifle zygzornifle 24 août 2022 17:11

              @Eric F

               Si on revotait Macron serait réélu haut la main, quand on voit le succès du foot et des émissions de télé réalité style les anges ou les marseillais on se dit que l’on est foutu, la crétinisation est en marche ventre a terre ..... 


            • tashrin 24 août 2022 17:19

              @rogal
              Ok je suis un peu deprimé en ce moment, mais serieusement, je pense qu’il n’y a plus grand chose à faire au stade où l’on en est. Si ce n’est tenter d’amortir le choc pour soi et les siens, comme on peut


            • zygzornifle zygzornifle 24 août 2022 17:08

              Avant c’était marche ou crève, en ce moment c’est mange et crève .....


              • yvesduc 25 août 2022 06:35

                Merci pour votre article.
                Idem quand Macron détruit le stock de masques…


                • I.A. 25 août 2022 15:09

                  « Et si l’année 2022 marquait une rupture dans la compréhension des conséquences néfastes de notre système économique ? Bien sûr, les scandales sanitaires ou sociaux ne sont pas nouveaux, mais ce début d’année a été entâché par trois scandales majeurs qui sont un rappel trop cruel de ce que peut générer très directement notre système économique. Retour sur trois taches rouge sang : Orpéa, Kinder et Buitoni. »

                  Vous marquez beaucoup de points avec ce texte pourtant lapidaire.

                  Il serait bon, toutefois, de prendre conscience que la « maladie du pognon » touche en réalité bien plus de monde qu’on ne le pense, et que c’est justement cette « pandémie ploutocratique », qui consume notre société au point de la réduire en cendres.

                  Artistes, journalistes, sportifs, intellectuels, notables et hauts fonctionnaires sont tous atteints de « boulimie d’argent », devenant de vulgaires « machines à fric », comme s’ils avaient trop manqué dans leur enfance, en plus d’avoir peur de manquer à nouveau pour leurs vieux jours. Si bien que les idéaux nourris aux terreaux de nos démocraties sont tous en train de voler en éclats :

                  • Le silence/surenchère + la vénalité des artistes ont ruiné progressivement les libertés, le libre-arbitre, les lancements d’alertes et les contestations
                  • Le silence/surenchère + l’avidité des journalistes ont pulvérisé avec acharnement les déontologies professionnelles, l’authenticité, la sobriété, la décence, la mesure et l’exactitude
                  • Le silence/surenchère + la cupidité des sportifs ont démoli sans pitié l’esprit de lutte, de loyauté, d’élégance, de respect et d’entraide
                  • Le silence/surenchère et l’appétit des intellectuels ont défaits insensiblement l’esprit critique, l’observation, le dialogue, le bon sens et la raison
                  • Le silence/surenchère + la cupidité des notables et hauts fonctionnaires ont anéanti brutalement les droits, les savoir-faire et les savoir-vivre, l’éclectisme, le civisme, les cultures et l’histoire

                  On dit que seuls les animaux apprivoisés font montre de la même boulimie que leurs maîtres, jusqu’à attraper les mêmes maladies que ces derniers (obésité, diabète, HTA, et cetera). Tandis que les animaux sauvages seraient capables, y compris en période d’abondance, de ne pas se goinfrer jusqu’à tomber malades…

                  Alors ? La Société doit-elle apprivoiser des sauvages ? Ou doit-elle permettre à des sauvages de vivre civiquement ensemble ?


                  À propos d’Orpéa : une enquête de 3 ans à ne pas manquer : « Les Fossoyeurs », de Victor Castanet.


                  • Jean Claude Massé 25 août 2022 15:12

                    J’ai connu une époque où nous avions régulièrement, chez Nestlé, des audits sanitaires fréquents effectués par les services vétérinaires, avec des rapports qui notifiaient les situations à risque générées par des procédures, des modes opératoires inadaptés ou des installations techniques inadaptées, voir le manque de compétence des opérateurs.

                    Il s’en suivait la nécessité d’opérer des actions correctives dans des délais définis selon l’importance du risque pouvant aller jusqu’à l’arrêt de l’installation. 

                    Les services vétérinaires chargés de ces audits sont-ils devenus :

                     Incompétents ?

                     Corrompus par les entreprises qu’ils contrôlent ?

                     Ont-ils des consignes de souplesse dans leur mission ?

                     Ont-ils étaient « allégés » au point de ne plus effectuer de contrôle ?

                    Je ne suis pas sûr que la démarche de nos institutions soit la Prévention.

                    A cet effet ci-dessous le site du gouvernement qui met à jour la liste des produits rappelés. Au consommateur de le consulter pour éviter les surprises.

                    Bon courage

                    https://rappel.conso.gouv.fr/categorie/58#navigation


                    • Olivier Perriet Olivier Perriet 25 août 2022 15:23

                      @Jean Claude Massé

                      réponse 3 : allégés au point de ne plus rien contrôler


                    • Olivier Perriet Olivier Perriet 25 août 2022 15:23

                      Cela fait au moins 40 ans, tout de même, que les EHPAD ont une réputation sulfureuse.

                      Vous avez donc tout découvert en 2021 ? Félicitation.


                      • Jean Keim Jean Keim 29 août 2022 08:21

                        Un pdg d’une grosse boîte et ses cadres supérieurs (à quoi ?) dirigeant les affaires, ne peuvent avoir qu’une vue financière orientée ‘’actionnaires’’, depuis leur luxueux bureau chromé ; à l’instar d’un général et son état-major orchestrant depuis l’arrière une bataille et ne pensant qu’à la victoire.

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