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Accueil du site > Actualités > Société > Consommer juste ou juste consommer ?

Consommer juste ou juste consommer ?

Alors consommer juste ou juste consommer ? Le développement durable est le moyen de satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre le droit des générations futures à satisfaire les leurs. Le commerce équitable en est un volet. Les raisons d’une mouvement citoyen responsable entièrement compatible avec le capitalisme actuel. Quelques pistes brossées en ce qui concerne les moyens d’y parvenir.

Consommer juste, et pas juste consommer. (T Shirt satirique « Le Goéland »).

F. Von Hayek, prix Nobel d’économie, le néo-libéral de référence, voyait dans le marché le lieu d’exercice de forces anonymes, et de ce fait dénuées d’a priori, l’acheteur ne se référant qu’aux qualités du produit, et au prix du produit pour déterminer sa décision d’achat ou d’abstention d’achat. L’économiste se méfie du protectionnisme national économique, mis en pratique par les mercantilistes, qui conduit à des tensions diplomatiques violentes et qui ont souvent dans le passé dégénéré en des conflits armés meurtriers. Le marché est cet outil amoral, et donc amoraliste et amoralisant, qui empêche les jugements discriminatoires. Et il doit le rester pour rester à l’abri de toutes les compromissions, de toutes les tentations politiques.

Pourtant les pratiques internationales qui se sont cristallisées à l’OMC ont persisté en gardant le pire (la mention du pays de production, comme si elle sous-entendait la qualité du produit ou valait caution pour la moralité et la viabilité des conditions de sa production - pensez par exemple à la réputation des produits industriels allemands) et en négligeant le meilleur (les standards qui permettraient de connaître les conditions de productions réelles, et non fantasmées, des produits - un produit fabriqué dans les quatre dragons est supposé produit dans des conditions douteuses alors qu’il est peut être « bio » même sans qu’on le sache, quand un boeuf européen serait nourri aux farines animales). Par un effet d’éviction, l’entrepreneur d’un « pays - manufacture », qui ne peut revendiquer l’excellence exceptionnelle des conditions de travail sur son site de production, se voit au contraire recouvert par un « maid in... » lourd de sous-entendus erronés.

L’économie est un moyen de satisfaire les besoins des citoyens et ce point de bon sens est balayé par un marché borgne, qui ne voit que de l’œil du profit, l’œil qui servirait à juger de la moralité ou de la viabilité de la production étant crevé. Et on a besoin de ses deux yeux pour apprécier les volumes. Besoins que les consommateurs sont seuls à pouvoir exprimer dans un modèle d’économie de marché. Ceci exclue-t-il tout volontarisme ? Manifestement, en plus des préoccupations de qualité et de prix, le consommateur a toujours eu des préoccupations éthiques, adoptant un produit autant qu’il le consomme. Cependant il n’a pas toujours eu les moyens d’information sur cette motivation ou ce frein à l’achat. De bonne foi pour certains, d’autres se sont volontairement réfugiés derrière un voile opaque ou une rhétorique douteuse (les déclarations du patron de Nike prétendant que les Américains ne veulent pas réellement fabriquer des chaussures) pour justifier leur choix idéologique de ne pas choisir la visibilité ou la viabilité dans leur activité, comptant sur la vaccination progressive de la population à leurs méthodes. L’idéologie n’est en effet jamais loin, car une production qui ne serait pas viable ne serait pas, de ce seul fait, éthique. Devant cette négligence ou ce dédain, on peut attendre une réaction qui viserait à un double volet sanction des comportements méprisables / promotion des produits "sustainables relationships".

Puisque la baisse des prix du transport, combinée aux critères de bonne gouvernance de l’OMC, de la Banque internationale et du FMI ont conduit à un « forum shopping » (choix des compagnies du droit applicable pour chaque volte de leur activité en fonction du plus opportun : euro ou dollar comme monnaie, comptes en Suisse, société de droit hollandais, un joint-venture fictivement domicilié dans un paradis fiscal, droit social chinois) dans lequel les pays manufacturiers rivalisent dans le dumping social et environnemental, il convient d’adopter un point de vue axé sur le produit et sur les acteurs de sa chaîne de production, et non sur le territoire de sa production. C’est là qu’intervient la notion à promouvoir : le développement durable détaché des considérations légales et politiques.

Le volet sanction se concrétisera dans des actions de boycott, de dénigrement, des d’achats sélectifs de la part des collectivités publiques, des interdictions sur le territoire national. L’appel au boycott est législativement encadré, certains contrats d’achats sélectifs se sont vus déclarés contraires au droit de l’OMC comme entraves au commerce, et en ce qui concerne les interdictions sur le territoire national, le droit de l’OMC y verrait une hérésie, le risque politique serait grand, et surtout on peut douter de la bonne volonté de certains gouvernements (en France l’Assemblée nationale a rejeté durant l’hiver 2005-2006 un projet de « taxe Emmaüs », qui visait à majorer les prix des vêtements neufs de 7cts d’euro afin d’en financer le retraitement par les associations caritatives ; la norme Afnor sur le commerce équitable a été, selon des sources autorisées, entravée par les plus hauts échelons de l’Etat avant d’aboutir enfin ces dernières semaines). Bref il sera très difficile d’aboutir à une régulation par la sanction.

Le volet encouragement sera représenté par du self monitoring (guides de bonne pratique intra-professionnels), des standards de certification privés, des normes pour l’amélioration de la qualité, qui vont augmenter le capital sympathie de la marque et lui permettra de démarcher des clients « responsables ». Voie qui semble la plus prometteuse, mais finalement, le vrai risque serait d’aboutir à un chaos généralisé, qui ferait suite à la multiplication des standards et des critères d’appréciation, ainsi que le démontre l’étude de 2006 de la Coordination des consommateurs (signalétique et communication sur le concept de développement durable). Ce sera alors aux associations de consommateurs d’aider ce dernier à trier parmi cette abondance de biens, pour que la notoriété des labels et leur concentration rendent les choix plus aisés. Ou bien, on peut rêver, voir de nombreux pays suivre l’exemple belge en la matière qui a édité son propre label, sous le contrôle de l’Etat, et aux standards alignés sur les chartes des Nations unies sur le travail.

En ce qui me concerne, il me semble que le moyen qui fera prendre un virage décisif à la "sustainable consumption" sera les placements et les banques éthiques. Le jour où les grands groupes financiers comprendront que les consommateurs ne se focalisent pas sur des préoccupations strictement financières, ils ne seront plus traités en hommes d’affaires mais en citoyens soucieux du produit (même du produit financier comme un compte épargne), du prix et du principe, et un progrès capital aura été fait et toute la chaîne économique sera durable.

Enfin pour conclure, j’aimerais attirer votre attention sur les aspects que l’on attache généralement à la sustainable consumption : économique, social, écologique. J’aimerais rajouter le point suivant : le développement sociétal. Le documentaire « Le cauchemar de Darwin » dépeint une Tanzanie en pleine famine, et dont l’industrie poissonnière est florissante. Problème, les filets sont dédiés à l’exportation vers l’Europe. Le label Max Havelaar s’attache à ne traiter qu’avec des coopératives, afin de développer les communautés indépendantes et autogérées, moins à la merci des spéculateurs et économisant sur les intermédiaires.

Mais bien sûr, le spectre du favoritisme idéologique est rampant dès que les critères deviennent plus subjectifs, mais peut-être serons-nous alors assez mûrs...

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15 réactions à cet article    


  • Marsupilami (---.---.46.38) 8 juin 2006 13:23

    Ouaf !

    La sagesse passe évidemment par là, mais l’Homme n’est pas sage.

    « Le consommateur a toujours eu des préoccupations éthiques » : c’est évidemment faux. Le consommateur veut payer n’importe quoi moins cher pour pouvoir foutre dans son caddie plein de cochonneries qui ont fait trois fois le tour du monde avant d’arriver dans son hypermarché à la con.

    Perso je consomme le minimum : fruits et légumes de saison venant de petits producteurs locaux, pas de saloperies de nourritures industrielles, maximum de produits du commerce équitable, nouvelles fringues que quand les anciennes sont complètement usées, pas d’auto donc pas de budget essence, chauffage ultra minimum (en hiver avec des pulls on peut très bien vivre avec 15°, et je bosse sur ordinateur...), pas d’achats de gadgets inutiles, etc.

    Et ça m’empêche pas de vivre très bien et très heureux sans avoir la sensation de manquer de quoi que ce soit.

    On vit vraiment dans des sociétés malades de la surconsommation. Y aurait que des mecs comme moi, elles s’écrouleraient.

    Houba houba !


    • (---.---.112.247) 8 juin 2006 16:19

      Marsupilami.

      Je trouve que vous mettez trop facilement tous le monde dans le même panier. Où vous vous croyez trop unique.

      « Y aurait que des mecs comme moi, elles s’écrouleraient. »

      On est au moins trois. Et même plus je connais quelques personnes qui sont comme vous et moi.


    • Marsupilami (---.---.36.13) 9 juin 2006 10:46

      Ouaf !

      Ravi de l’apprendre. Je ne me crois pas unique, je m’exprimais en mon nom personnel : nuance. Et je connais aussi pas mal de gens qui ont le même comportement résolument non consumériste. Mais nous sommes malheureusement trop peu nombreux pour que cela change quoi que ce soit au système...

      Houba houba !


    • (---.---.21.229) 11 juin 2006 17:02

      félicitations


    • (---.---.5.242) 11 juin 2006 20:05

      Houba à toi aussi,

      moi je suis une fille, qui n’aime pas consommer, suis-je encore plus « unique » ? J’ai vraiment la sensation d’être différente de la moyenne des femmes contemporaines : je ne suis pas négligée physiquement pour autant, je me maquille, je m’habille « normalement », en revanche pour moi les bijoux sont à la fois un luxe et une inutilité, je ne porte que ceux que l’on m’offre et on m’en offre peu car on sait que je ne coure pas après. Pour m’habiller je regarde mon placard selon mes envies du moment et ensuite je visualise ce que j’ai envie de m’acheter puis j’essaie de le trouver « dans la réalité » voilà !

      Houba, houba !

      Cathel


    • Adolphos (---.---.59.170) 8 juin 2006 13:54

      « Par un effet d’éviction, l’entrepreneur d’un « pays - manufacture », qui ne peut revendiquer l’excellence exceptionnelle des conditions de travail sur son site de production, »

      Je n’ai pas l’impression que, du fait de ses conditions de travail exceptionel (les 35 heures) la France exporte plus qu’avant. C’est même le contraire. Alors faire un logo (« Mes salariés sont super cool et c’est pour ca que mon produit et plus cher la charité S’iou plait ») ca risque de ne pas impressioner le beauf de banlieue, qui aussi sec va réclamer une augmentation de salaire pour compenser cette augmentation de profit du salarié.

      « les pays manufacturiers rivalisent dans le dumping social et environnemental, il convient d’adopter un point de vue axé sur le produit et sur les acteurs de sa chaîne de production, et non sur le territoire de sa production. »

      Tant que ca n’augmente pas les prix, ca ne pose pas de probléme. Effectivement, les Etats, les systéme sociaux, les cultures, les peuples sont en concurence. C’est une trés bonne chose, car la concurence ca permet toujours le Progrés.

      « Le jour où les grands groupes financiers comprendront que les consommateurs ne se focalisent pas sur des préoccupations strictement financières, ils ne seront plus traités en hommes d’affaires mais en citoyens soucieux du produit »

      Bien sur, tu as raisons, il existe un marché spécifique des bobos et de la gauche caviard pour ces histoire la, reverser 0,0001% du prix directement au producteur. C’est trés bien. C’est une demande, il faut y répondre. Mais il ne faut pas généraliser, ca concerne assez peu de produit et assez peu de gens. Et surtout des gens qui ont de l’argent, il faut bien le dire, ou qui n’ont aucune charge (donc finalement pas mal d’argent). Les petits producteur, la bicyclette et le commerce équitable, trés bien quand on est célibataire. Mais avec avec 3 gosses et un emprunt à rembourser plus de l’argent à mettre de coté pour sa retraite, c’est voiture et grande surface illico presto.

      Enfin, le commerce est toujours équitable s’il est libre, car personne n’oblige personne à venir vendre leur produit en France. S’ils le font, c’est qu’ils s’en trouve mieux que s’ils ne le faisaient pas, ou faisaient autre chose. Idem pour le consomateur s’il achéte les produits. Il y a donc bénéfice réciproque et c’est du donc commerce équitable. Le vrai nom de ce que tu propose serait plutôt « commerce charité », « pauvrethon », quelques chose comme ca. Enfin, de toute façon, vu que dans ces pays il y a encore plus de gens vivant en ville que chez nous, ca ne va pas leur développer grand chose, de toute façon. S’ils veulent se développer, il faut qu’il exporte chez nous des produit à bas prix, en jouant sur leur seul avantage, le faible cout de la main d’oeuvre.


      • Tiflopin (---.---.97.223) 8 juin 2006 14:36

        Je pense ne pas prendre trop de risques à dire que le consommateur (nous) est partagé entre son envie de posséder un objet et le critère éthique de cet objet. Le problème c’est que nous ne savons rien sur tout ! Si je ne suis pas à 50 euros près, comment savoir quelle chaine hifi acheter ? Si je ne suis pas à 1 Euros près, comment savoir quelles piles acheter ? Je ne trouve pas d’info. Mise à part quelques initiatives comme la mise à disposition par l’ADEME (http://www.ademe.fr) du classement des voitures les moins polluantes, il y est très difficile de connaître et de comparer les conditions de travail, les transports et les empruntes écologiques engendrés par les produits que nous achetons. Sans infos, rien n’empêche le consommateur de se payer « n’importe quoi moins cher pour pouvoir foutre dans son caddie plein de cochonneries »

        Si quelqu’un sait où trouver de la documentation sur l’éthique de nos produit dans la pratique, j’en serais très heureux !

        Tout de même, dans de nombreux cas, nous pouvons, en réfléchissant un peu, savoir quel produit acheter plutôt qu’un autre. Je ne me lance pas dans une liste d’exemples, mais tout ce qui est recyclé, recyclable, d’occasion, avec moins d’emballage, provenant de PAS LOIN, bio ... indiquent une bonne direction.

        Florent


        • Adolphos (---.---.59.170) 8 juin 2006 17:00

          « Si quelqu’un sait où trouver de la documentation sur l’éthique de nos produit dans la pratique, j’en serais très heureux ! »

          Vous n’avez visiblement pas encore compris l’ampleur de la complexité des opérations necessaire à ce qu’un produit arrive dans votre magasin...


        • Zamenhof (---.---.21.229) 11 juin 2006 17:06

          D’abord il y a « Réseau-Solidarité », ça permet, en agissant au cas par cas de découvrir quelque uns des dessous concret de comment ça se passe.


        • éric (---.---.172.178) 8 juin 2006 17:23

          Notre planète dispose de ressources limitées. La question du développement, même durable, risque de se transformer à moyen terme en décroissance soutenable.


          • Adolphos (---.---.59.170) 8 juin 2006 20:13

            La matiére, on en a assez. Ne pas oublier que c’est avec du sable qu’on fait les puce, et avec du carbonne les nano éléments.


          • Z (---.---.107.65) 9 juin 2006 14:32

            Adolphos>« La matiére, on en a assez. Ne pas oublier que c’est avec du sable qu’on fait les puce, et avec du carbone les nano éléments. »

            Les puces, ça se mange ? Les nano-éléments, ça se boit ? Les puces et les nano-éléments, ça fournit de l’énergie ?


          • Johan Johan 9 juin 2006 16:44

            Je suis ravi que cet article ait succite de si diverses reactions, il est en effet sterile de disserte sur un sujet sur lequel tout le monde s entend.

            Je vous donne donc rendez vous pour de nouveaux articles sur ce theme, qui auront comme ambition d aller plus en profondeur.

            Mais je me permets cependant d ajouter quelques precisions immediatement :

            Avant tout il n est bien sur pas dans l objectif du developpement durable d aligner les conditions de travail sur celles de la France, comme certains semblent le suggerer. Mais des obligations minimales sont indispensables.

            Ensuite il ne s agit pas de forcer un consommateur a acheter ou ne pas acheter, il s agit de lui laisser les moyens convenables de s informer sur son produit. La mention du pays de production est inepte, la certification de conditions de productions viables fait sens.

            Enfin les considerations environnementales ne tournent pas autour de la destruction de matiere, ou ce que l on rend inutilisable, mais egalement de ce qui est disponible. L exemple le plus flagrant en est l eau, qui sera au coeur des preoccupations de prochain millenaire. Par ailleurs quand une espece s eteint, c est naturel, mais quand un nombre suffisant d especes s eteint, au point que la bio diversite est en peril, c est inquietant.

            De meme que quand les poles fondent. ceux qui doutent encore de la realite du rechauffement climatique, car il y en a encore, devraient savoir que l etendue du permafrost se reduit chaque annee. Le permafrost c est la couche de glace permanente aux poles).


          • Zamenhof (---.---.21.229) 11 juin 2006 17:12

            Excellent site ! De plus en plus dur (et mal payé !) pour les jeunes c’est un évidence ... La précarisation de la vie y compris de la vie affective et familiale, détruite par les nouvelles copnceptions, psychologie et modes de vie, et leur consaquences médicales. La mort au boulot et la décroissance de plus en plus avancée du courage à y aller dans ces conditions on le vitr tous les jours, mais en fait ces articles sont plus rioches que ça , je n’ai pas vu tout le site mais ce que q’en ai vu me semble excellent.


          • Johan Johan 14 juin 2006 17:21

            Errata : L AFNOR n a pas publie une norme commerce equitable, mais un « accord de reference », malgre les efforts de Max Havelaar pour le conserver dans un tiroir.

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