Contre Dati, des « féministes » jouent le jeu de l’arrière-garde
Madame la ministre, en ne s’octroyant qu’une semaine de congé post-partum, quand une majorité de Françaises trouve mesquines les 16 actuelles, nous trahirait toutes. Les patrons, paraît-il, vont profiter de l’exemple pour exercer un chantage sur leurs employées, comme, entend-on encore, Sarkozy l’a sûrement fait sur elle.
Pour les uns, "son job était trop important pour qu’elle le laisse" ; pour d’autres, comme au Planning familial, elle bâcle "ce moment privilégié avec la vie". Victime des autres ou de sa propre ambition, honte sur elle de "ne pas allaiter", "ne pas s’occuper la nuit du bébé", de "jouer les hommes" en privilégiant sa carrière !* Ce sont de prétendues féministes qui parlent, un demi-siècle après Beauvoir ! Qui, reprochant à une femme, exceptionnellement traquée dans son intimité, de disposer d’elle-même selon son humeur, et non selon la règle commune, prétendent régir la moitié de la population sur un seul modèle. Et quel... !
Et si Mme Dati n’a pas envie d’être "féminine" selon leurs critères - lesquels changent selon les époques et les crises ? S’il lui plaît de privilégier son travail, le biberon, de se mener à sa guise ? (Notons au passage le traitement réservé à ce "modèle de l’intégration", que certains peut-être préféreraient plaintive et voilée, quand d’autres femmes politiques n’ont pas passé plus de temps à la maternité.)
Un égalitarisme suspect
Ne semble venir à l’esprit de personne que, d’un individu à l’autre, de quelque sexe qu’il soit, la différence est grande tant sur le plan de la constitution que du rapport au travail et au reste. Pour telle accouchée la remise en forme prendra des mois, quand telle autre gambadera sous huitaine. Certaines s’épuiseront moins à leur travail, dont l’intérêt sera réactivé par le bonheur de la naissance, qu’à changer des couches...
84% des femmes voudraient plus de congés ? Bien sûr, puisque les jobs qui leur sont réservés, subalternes, ennuyeux, n’ont souvent d’autre intérêt que le salaire. Alors faut-il, pour préserver des acquis, cantonner à des postes spécifiques celles à qui l’on interdisait, par exemple, le travail de nuit parce qu’il était usant et que des employeurs les y contraignaient ? Progrès pour les unes, l’interdiction en frustrait d’autres... Si, en renonçant à son congé, la ministre donne un mauvais exemple, qu’en est-il de l’obligation qu’on voudrait faire à toutes d’être mère avant le reste ? La rhétorique chère au Front national trouve un curieux écho chez ceux-là qui prétendent le combattre.
Le salut dans la souplesse
Nous voici dans une société normative où, comme pour les jeux vidéo, nous n’avons droit qu’à un ou deux "avatars" pour entrer en piste. Une loi existe, qui garantit seize semaines de congé maternité, comme elle garantit la retraite à 60 ans. Mais garantir n’est pas imposer - ne devrait pas l’être. Des chercheurs ont dû s’expatrier pour continuer à exercer leur passion après l’âge légal. Pour qu’une réelle souplesse existe, que nulle pression ne s’exerce, l’employé, de premier plan comme du dernier, doit pouvoir imposer à son patron le respect de la loi. Et ne pas s’en laisser imposer par des groupes portés sur le bien d’une humanité formatée selon leurs voeux.
Julie de Pardailhan
*Collectif national pour le droit des femmes, Libération 9/1
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