Les grandes écoles traditionnelles sont taillées pour fabriquer des élites et sont par conséquent très sélectives. Mais tout le monde ne peut avoir un QI de 170 indispensable pour franchir la barrière des concours. Alors que faire des autres, ceux qui n’ont pas forcément l’intelligence (et l’argent) pour réussir ? Ceux qui ne sont pas premiers de la classe ? Ceux qui ne parviendront jamais au dernier étage des bureaux « corporate », si ce n’est pour y fait le ménage ou remplacer un néon ?
La fabrique des mythes, ou mythologie programmée, est un des principaux outils de la propagande. La technique est simple : utiliser l’image des écoles mythiques (X, ENA, Mines, HEC,…) pour construire un mythe des grandes écoles. Ce mythe entretient l’idée illusoire d’une réussite fondée sur le modèle de l’enseignement libéral méritocratique. Il profite principalement aux écoles de commerce, les fameuses « Business School », qui sont à de rares exceptions (INSEAD) les émanations des chambres de commerce et d’industrie, au sein desquelles soit dit en passant, la gestion des carrières est très semblable à celle de la fonction publique… Il suffit ainsi de lire l’histoire d’HEC pour comprendre qu’il faut du temps, de l’argent et un fort soutien politique pour se hisser au sommet des classements (inter)nationaux.
Certes ces écoles, aux prises avec la compétition internationale qui règne sur le marché des « business schools », sont constamment en quête d’excellence et confrontées à des choix stratégiques dont devraient s’inspirer les universités qui ne le font pas déjà. Mais ce système n’a pas que des vertus. Ainsi la course aux classements, soutenue par des stratégies marketing & communication souvent discutables (notamment le fameux taux de placement des jeunes diplômés), transforme ces écoles en véritables machines à rêve, pour un résultat qui n’est pas forcément très éloigné de celui des universités, malgré un prix quinze à vingt fois supérieur...
En outre, la logique de rentabilité imposée à ces écoles par des financeurs moins riches qu’auparavant, implique une optimisation des coûts qui se répercute directement sur la masse salariale des personnels administratifs, lesquels assurent l’essentiel de la relation client. Faute de ne pouvoir assumer qu’une part de leur stratégie de croissance (priorité au recrutement des enseignants-chercheurs issus des universités), ces écoles s’exposent paradoxalement à de véritables contradictions dont se plaignent de plus en plus d’étudiants. A quoi bon en effet payer des milliers d’euros une formation qui peut être suivie dans un IAE avec les mêmes chances de résultats, que ce soit en termes de stages ou d’emplois ?
De fait, prétendre que l’université fabrique des chômeurs, alors que les grandes écoles assurent l’avenir de leurs diplômés, ne peut être interprété autrement qu’en termes de propagande et de désinformation.
Il est temps de reconnaître que notre système d’enseignement, mélange complémentaire de l’université et des grandes écoles, est riche de sa diversité et de son excellence, quoi qu’on en dise. De fait, j’aime à penser que mes enfants pourront librement choisir le modèle de leurs études, qu’il soit libéral ou issu du service public.
Pour finir, les faiseurs de mythe omettent d’évoquer les petites « business schools » privées qui fleurissent avec plus ou moins de bonheur et dont les diplômes sont plus qu’hasardeux. Il n’est qu’à compter le nombre de MBA dans les catalogues des « instituts de formation » pour comprendre les dangers d’une libéralisation non contrôlée de l’enseignement.