Entretien à bâtons rompus avec Patrick Lozès (CAPDIV et Cran)
Conseiller national de l’UDF, Patrick Lozès, qui est aussi docteur en Pharmacie, est un responsable associatif conscient déterminé et combatif ! Il y a quelques années, il a fait le pari de rendre la société française un peu plus juste et un peu plus égalitaire... Pour cela, il s’est entouré de personnes de plus en plus nombreuses afin de consacrer son énergie à cet ambitieux projet...
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Conseiller national de l’UDF, Patrick Lozès, qui est aussi
docteur en Pharmacie, est un responsable associatif conscient déterminé et
combatif ! Il y a quelques années, il a fait le pari de rendre la société
française un peu plus juste et un peu plus égalitaire... Pour cela, il s’est
entouré de personnes de plus en plus nombreuses afin de consacrer son énergie à
cet ambitieux projet...
Mais, il fallait
aller beaucoup plus loin pour se battre contre les discriminations visibles et
invisibles dont sont victimes beaucoup de nos compatriotes... Ainsi, en
novembre 2005, un collectif de responsables associatifs intervenant depuis de
longues années contre la discrimination et en faveur de l’égalité des chances ont
fondé une fédération d’associations : le Conseil Représentatif des
Associations Noires (CRAN)[1]. Le CAPDIV est membre fondateur de cette
fédération... C’est à ce titre que Patrick Lozès est devenu Président du CRAN.
Très actif, le CRAN,
qui n’hésite pas à monter au créneau, regroupe aujourd’hui plusieurs centaines
d’associations à travers son réseau, de Lille à Saint-Denis de la Réunion, en passant
par Fort-de-France, Marseille, Nantes ou Paris...
« Le but
du CRAN », nous
apprend son Président « est de lutter contre les discriminations dans
un esprit d’échange et de partage ». C’est avec ce vœu que commence
notre entretien à bâtons rompus avec Patrick Lozès, qui se montre très sévère à
l’égard de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour
l’Egalité (HALDE)[2] et très déterminé face à Pascal Sevran[3] et Jean-Marie Le Pen...
Le CRAN accueille
des personnes de toutes origines géographique ou ethnique, de toute
appartenances philosophique ou religieuse, de tout milieu social ou économique.
Notre Conseil ne se définit pas par une appartenance politique.
Depuis un an, le CRAN
a permis de poser publiquement la question de la place et de la situation des
populations noires en France ainsi que leur demande de justice et d’égalité et
ce, dans le cadre strict des valeurs ainsi que des lois de
Le CRAN lutte
pour
- de meilleures
conditions de vie des Noirs, d’accès au logement et à l’emploi,
- une meilleure
représentativité politique, sociale et économique des Noirs...
Le CRAN prône le
respect, la tolérance et la cohésion de la société française.
Dans la lutte
contre le racisme, le CRAN concentre son combat sur les actes concrets que sont
les discriminations.
Arrêtons avec ce
leurre du communautarisme !
Le CRAN est
ouvert à tous. Au CRAN, militent des Noirs des métis et des Blancs, des Juifs,
des Musulmans, des Catholiques, des Protestants, des Agnostiques, des Athées
etc.
Le
communautarisme en France est plutôt pratiqué par les Blancs qui souhaitent
vivre entre eux dans des immeubles sans Noirs et sans ceux qui sont réputés
différents. Le communautarisme, est plutôt du côté des Blancs qui, dans les
entreprises ne recrutent pas de Noirs ou de Beurs.
Les Noirs quant à
eux souhaitent vivre dans les mêmes immeubles que les Blancs et ils veulent
travailler dans les mêmes entreprises que les Blancs ! Le combat du CRAN
est une demande d’égalité et de justice, ce n’est pas du communautarisme.
L’accusation de
communautarisme appliquée au combat des Noirs de France, est un non-sens absolu !
C’est indigne et même indécent.
Comme d’autres
ont pu le faire avant nous, le CRAN mise sur la visibilité et la revendication,
pour faire valoir les droits. Nous, les Noirs de France, regroupés au sein du CRAN :
nous nous battons pour faire valoir nos droits au sein de
‘’Discrimination
positive’’, c’est une
expression impossible ! Une discrimination peut difficilement être
positive et il est curieux qu’on ait choisi de traduire le terme anglais d’‘’affirmative
action’’ de cette façon. Si on avait voulu décrédibiliser le concept d’‘’affirmative
action’’ et empêcher tout débat sur le sujet, on ne s’y serait pas pris
autrement.
L’action
affirmative n’est rien d’autre que la prise en compte des difficultés
quotidiennes liées à la couleur de la peau, sans prétendre remplacer les
dispositifs existants, mais en les complétant et en démultipliant leur
efficacité.
Un Noir pauvre a
plus de difficultés qu’un Blanc pauvre. L’action affirmative, ce n’est pas dire
que l’on va aider le Noir pauvre à la place du Blanc pauvre, mais que l’on va
compenser les difficultés du Blanc pauvre ET du Noir pauvre en tenant compte de
leurs situations respectives. Il faut bien comprendre que l’action affirmative
existe déjà dans notre pays. Elle est utilisée couramment pour compenser des
handicaps géographiques, scolaires, sociaux...
Comment payer
plus ou moins d’impôts selon qu’on gagne plus ou moins d’argent ? Par de
l’action affirmative.
Que faut-il pour
les Zones d’éducation prioritaire (ZEP) ? De l’action affirmative.
Et ce ne sont que
des exemples.
Les Français font
de l’action affirmative sans le savoir.
On ne l’emploie
pas pour aider spécifiquement les victimes de discriminations basées sur la
couleur de peau. Mais ce n’est qu’une question de degré, pas de nature. Notre
système est déjà, massivement, habitué à ce genre de dispositifs.
L’action
affirmative, c’est faire en sorte que tous les compétiteurs d’une course de
On pense souvent
que l’action positive va prendre des emplois aux Blancs ! Mais qui dit que
ces emplois appartiennent aux Blancs et pas à tout le monde, sans distinction
de couleur peau ? Ce raisonnement-là, c’est la mise en forme idéologique d’une
position de pouvoir !
Nous avons des contacts
fréquents avec
Cette institution a été créée
le 30 décembre 2004, et a eu le temps de s’installer. Elle a plutôt été
silencieuse et ne s’est pas encore donné les moyens de lutter efficacement contre
les discriminations raciales, qu’elle minimise ou rabat sur d’autres formes de
discriminations.
Ce n’est pas le principe de
Par exemple au lieu d’ouvrir
le débat sur les outils de lutte anti-discriminatoire,
Pour moi, aucune
discrimination n’est acceptable. Elles sont toutes à combattre. Accepter une
discrimination, c’est les tolérer toutes. Je combats donc cette discrimination
comme je combats touts les autres discriminations.
Pascal Sevran a
dit ne pas « retirer une ligne » de son livre.
Au-delà de
l’horreur des déclarations de Monsieur Sevran, elles sont aussi atterrantes de
bêtise. Rendre la natalité des Noirs, responsable de la famine en Afrique est
parfaitement ridicule. Les grandes famines sont généralement liées à des
guerres combinées à des changements climatiques. Il y a eu jadis en France des
famines nationales, locales ou régionales et il n’aurait heureusement pas été
acceptable de dire qu’il fallait stériliser les Français !
Ces déclarations
abjectes ne concernent pas uniquement les populations noires. Les stéréotypes
racistes et les sous-entendus eugénistes des propos de Pascal Sevran sont
incompatibles avec l’esprit et la lettre de
Il y a des règles
et un socle de valeurs en France qui empêche que l’on insulte impunément qui
que ce soit ! Les lois de
Pascal Sevran dit :
« je ne suis pas raciste, mes amis le disent ». Mais ce qu’on
juge, ce ne sont pas ses années passées, ses relations, son CV. Ce qu’on juge,
ce sont ses propos, ceux qu’il a tenus, répétés et confirmés en 2006 - et
ceux-là sont sans équivoque ! C’est toujours le même vieux discours :
« Je ne suis pas raciste, puisque j’ai un ami noir et j’ai un CD de
Harry Belafonte ». Pascal Sevran refuse toujours de voir la charge des
propos qu’il tient, ceux qu’il tient dans le présent !
Ses propos ne
sont pas ‘’baroques’’, ni pittoresques, ni gentiment excessifs : c’est
tout simplement méprisant, abject et d’une autre époque ! C’est un
ramassis de haine et de clichés contre l’Afrique. Les Noirs d’Afrique sont pour
lui un sujet de conversation, une donnée impersonnelle sur laquelle il aimerait
qu’on ‘’intervienne’’ - comme les impôts, les excès de vitesse : il
oublie qu’il a affaire à des hommes et des femmes avec un cœur, un esprit, des
sentiments. Ce ne sont pas des animaux nuisibles, trop nombreux,
irresponsables, sur lesquels on a le droit de prôner des méthodes eugénistes
qu’on appliquerait aux ours des Pyrénées ou aux ramiers parisiens.
On ne juge pas la
personne Pascal Sevran ! On juge ses actes. La justice a été saisie.
Laissons-la suivre son cours. Les mots qu’il a prononcés sont trop monstrueux
pour qu’une sortie pitoyable soit envisageable.
Je répondrai à
cette question dans un autre cadre. Je souhaite opérer une séparation nette
entre mon engagement politique et mon action au CRAN, car toutes les tendances politiques sont représentées en son
sein : UMP, UDF, PS, PC et Verts etc. C’est pour nous, la meilleure
carapace contre l’instrumentalisation.
C’est une
véritable union nationale que nous réalisons en travaillant à cette question de
cohésion nationale sans esprit partisan.
Sur une question
aussi importante, il faut transcender les appartenances partisanes pour sortir
des oppositions inefficaces.
Il y a un point
commun entre cette action et celle menée par le CRAN. Ce mouvement issu de la
société civile, a été capable depuis la société civile de faire évoluer les
candidats.
C’est ce que nous
faisons également, à notre manière au CRAN. Le poids de la société civile sur
les élus est un poids positif.
Je ne suis pas
sûr que la majorité des démocrates dise cela ! Je rappelle que Jean-Marie
Le Pen, Président du Front national, a, de très nombreuses fois, été
condamné par la justice, notamment pour incitation à la haine raciale et
apologie de crime de guerre.
Jean-Marie Le Pen
a par exemple été condamné en novembre 1998 par le tribunal de grande instance
de Nanterre pour avoir déclaré : « Je crois à l’inégalité des
races », lors de l’université d’été du FN, le 30 août 1996.
Aujourd’hui
certains, notamment parmi les plus les jeunes n’ont plus en mémoire les
sinistres jeux de mots : « Durafour crématoire » et les
déclarations ignobles de Jean-Marie Le Pen, lorsqu’il par exemple
prétendu : « Les chambres à Gaz sont un détail de la 2ème
guerre mondiale ».
Je refuse de me
laisser avoir par les nouvelles affiches racoleuses du Front national. Une
jeune métisse sur une affiche ne masquera pas pour moi, le fait que le
Président du Front national est une exception dans le paysage politique
français en raison de ses condamnations judiciaires. Rien que pour cela, il ne
peut pas être considéré comme un ‘’candidat comme les autres’’.
Non, je n’ai pas
cette impression !
En tant que
président d’association ou de fédération des associations, je n’ai pas de ‘’candidat
préféré’’.
J’ai l’impression
que les leçons du 21 avril 2002 n’ont pas été intégrées ni comprises !
Allons-nous
pouvoir vivre tous ensemble ? Telle est la question que se posent nos
concitoyens depuis la crise des banlieues.
A cette question
existentielle, les responsables politiques classiques ont choisi de ne pas répondre
directement, laissant aux Français, le choix entre le vertige et les réponses
trompeuses du Front national.
Oui, il ne
faudrait pas, d’un revers de la main, écarter le risque d’un 21 avril bis !
Je décris tout
cela dans mon livre : « Nous les Noirs de France ».
Pour le prochain
Président de la République, il y aura deux défis majeurs :
- Le défi écologique
- La cohésion nationale.
Sur ce 2ème
défi, 2 voies se dessinent à l’horizon :
- soit une partie
des citoyens est laissée sciemment au bord de la route : c’est la solution
explorée par les extrémistes qui voient leur survie dans la division. La
France, qui veut faire peur, est au final une France qui a peur d’elle-même car
la majorité des Noirs réputés ‘’différents’’ est française !
Cette option est
une impasse.
- l’autre voie
est réaliste, constructive et moderne. Trouvons à nos maux des solutions
françaises en tenant compte de nos spécificités ainsi que de notre réalité
enfin assumée et valorisée : la diversité ethnique et culturelle
françaises.
Quelle chance
d’avoir le monde chez soi !
Il est temps que
cette diversité prenne ses marques, se mette en action, se gonfle
d’enthousiasme.
C’est forcément
avec l’ensemble des citoyens que
En conclusion, Monsieur
Lozès, quel message d’espoir pourriez-vous nous adresser, en tant que Président
du CRAN et du CAPDIV ?
Mais c’est aussi
une bonne nouvelle pour
Le grand changement, c’est que ce qui passait inaperçu il y a quelques années, comme les
dérapages de Pascal Sevran ou de Georges Frêche, ne passe plus inaperçu, c’est
une victoire pour tous les démocrates car c’est une vraie chance pour la
démocratie que les minorités se sentent pleinement légitimes au point de
refuser ce qui était accepté passivement.
La compassion est
en train de faire voie à l’action !
Ce qui était tout
de même problématique, c’est la facilité avec laquelle tous ceux qui
s’adonnaient au ‘’racisme de tous les jours’’ se faufilaient vers une
coupable immunité. Ce ‘’racisme accepté’’, ce ‘’racisme ordinaire’’
envers les populations noires, n’est plus possible notamment depuis l’avènement
du CRAN. Que les vexations quotidiennes infligées à des millions de citoyens
viennent à diminuer ou à être sanctionnées, est une bonne nouvelle pour
Contact Presse : Olivia
Debage. Courriel : [email protected]
[2] HALDE. 11, rue Saint Georges. 75009
PARIS.
[3] Dans son livre, Le Privilège
des jonquilles, (paru chez Albin Michel), Pascal Sevran avait
écrit : « La bite des Noirs est responsable de la famine en
Afrique ». Questionné par un journaliste très révolté, il s’est
enfoncé encore plus dans ses propos teintés d’eugénisme et de racisme en
rétorquant haut et fort : « Et alors ? C’est la vérité !
L’Afrique crève de tous les enfants qui y naissent sans que leurs parents aient
les moyens de les nourrir. Je ne suis pas le seul à le dire. Il faudrait
stériliser la moitié de la planète ! ». Plainte a été déposée
contre lui par le président du Cran, par d’autres associations (dont SOS Racisme)..., et par le gouvernement
du Niger.
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