La bulle spéculative va exploser mais le Bitcoin y survivra...
Personne ne sait quel sera l’impact des crypto-monnaies sur l’économie comme sur le droit. La nature du Bitcoin nous questionne, à la fois technologie mariant dans un même moule logique économique et juridique, catalyseur de transformation des organisations donc de l'innovation de rupture, monnaie liant usage et création monétaire bousculant les codes de l'économie financière. Son potentiel de transformation réveille les plus grandes résistances comme les plus grands espoirs. Le Bitcoin n'est qu'une forme de Blockchain. Cependant une chose est certaine ; que le Bitcoin change ou non la nature de l'économie, la Blockchain changera profondément notre façon d'organiser les échanges et donc l'économie.
Depuis de nombreuses années, je m’interroge sur la nature de notre modèle économique, essentiellement pour comprendre comment l'innovation le transforme ; Quel lien existe-t-il entre modèle économique et innovation ? Si l'innovation admet une définition générale, sa réalité évolue avec le temps. Pour explorer cette question, seule l’innovation radicale est d’intérêt car elle transforme nos organisations et par là même notre modèle économique. Si le Bitcoin a le potentiel d'une innovation disruptive, on peut donc s'interroger sur la forme que prendrait l'innovation s'il transformait notre économie.
Pour comprendre l'évolution de notre économie, il est indispensable de comprendre les forces qui l'organisent. Comme Geoffrey West l’explique magistralement en parlant « des mathématiques surprenantes des villes et des entreprises » lors d’une conférence TED, quelque soit la nature de nos organisations, villes ou entreprises, toutes partagent une caractéristique avec le vivant ; la capacité de faire plus avec moins à mesure que la complexité s'exprime à une échelle plus grande, et devoir le faire toujours plus vite à mesure que cette organisation évolue dans le temps pour survivre. Prenez 15 minutes pour écouter Geoffrey West.
Cette capacité conditionne donc la survie d'une organisation dans un univers aux ressources finies ; Notre modèle économique favoriserait les organisations les plus aptes sur cette caractéristique, définissant l’échelle de mesure de l'efficacité d'une organisation ; son degré de compétitivité, et indirectement sa capacité à survivre. On écrira sa caractéristique propre.
A ce stade, nous pouvons donner un sens aux mots clé dont nous aurons besoin pour expliciter la nature de la Blockchain.
La valeur est définie par ce qui contribue à maintenir, développer et étendre la complexité d’une organisation afin d’assurer sa survie, sa caractéristique. L’échange permet à une organisation de maintenir ou d‘accroitre sa capacité de survie dans un environnement ouvert. Nous pouvons aussi écrire, à créer de la valeur pour garantir l’évolution de l’organisation en maintenant sa capacité à échanger ; à coopérer dans son environnement.
Nos organisations doivent donc évoluer, se redéfinir, un impératif paradoxal en apparence. La compétition ne peut être efficace qu’à la condition d'organiser efficacement la complexité à plus grande échelle, en pratique coopérer. Accroître le périmètre des organisations ne peut être efficace qu'à cette condition. Comme nous l'observons, si aujourd'hui l’innovation est plus rapide, son efficacité diminue tendanciellement à défaut d’y satisfaire. S'il s'agissait d'un être vivant, on parlerait de fin de vie....
La monnaie est la valeur attribuée à un échange. La mesure de cette valeur dépend des organisations qui procèdent à l’échange, et l’on parle alors de prix, Fondamentalement, la monnaie n’a pas de prix à la différence de l’échange. Elle institue les échanges. Donner un prix à la monnaie revient à donner une valeur à l’échange indépendamment de la caractéristique propre de chaque organisation avec pour conséquence de favoriser les échanges permettant d’obtenir le meilleur prix, réduisant d’autant la capacité à créer de la valeur.
Autrement dit, moins il y a de coopération, la capacité à répondre à plus de complexité, plus nos organisations sont contraintes par les prix. La boucle se referme. Nos organisations n’évoluent pas assez vite, consommant toujours plus pour faire moins. Elles ne survivent qu'en profitant d’une innovation technologique florissante pour retarder une échéance inévitable… par la porte du transhumanisme…
L’instinct de survie devrait fatalement conduire les organisations à rompre avec leur propre nature pour se concentrer sur leur raison d’être mais elles le font souvent trop tard. Le décor est posé. Le libertarien peut alors occuper les espaces laissés vides par ces organisations.
Et le libertarien inventa le Bitcoin. Sa magie étant de pouvoir coopérer à plus large échelle sans dépendre des organisations existantes. Elle trouve sa source dans son intrication avec la Blockchain qui offre fondamentalement à ce qui doit être organisé, le pouvoir de le faire sans intermédiaire. On touche là le point le plus fondamental dans la nature des organisations. Il devient possible de bâtir une économie largement fondée par la coopération en laissant à la compétition le rôle de définir comme le faire le plus efficacement !
En quoi la Blockchain permet à une organisation de créer de la valeur ? La Blockchain organise la complexité des échanges de façon à ce que chaque échange soit valide pour l’ensemble de l’organisation, et dans le temps, le tout sans intermédiaire.
Le nombre d’unités Bitcoin d’une Blockchain croit vers un nombre fini, le mécanisme de création de ces unités étant la conséquence des échanges. Ce nombre d’unités représentent avec le temps une valeur croissante si les échanges favorisés par la Blockchain sont créateurs de valeur. Le Bitcoin est une monnaie dont la valeur croit structurellement avec les échanges.
La Blockchain permet de réaliser toute transaction en y associant un bien, un droit, tout artefact de façon générale dont l’usage à une valeur pour l’organisation qui l’échange. D’un fonctionnement décentralisé, elle ne restreint pas l’espace des échanges et permet de les organiser dans le temps, le tout avec un coût intrinsèque de fonctionnement tendant vers 0. Rappelons-nous la genèse du World Wide Web…
En conséquence ? La Blockchain permet de créer des organisations d’un ordre de complexité supérieur, à toute échelle, une caractéristique conduisant à faire plus avec moins, et de façon plus pérenne, plus évolutive donc plus résiliente à toute évolution comme aux changements dans son environnement.
Note : Si l’artefact a un prix pour le client, il n’a de valeur propre pour l’entreprise qu’à la condition de favoriser ses échanges. Cela caractérise l’économie numérique.
Fondamentalement, dédié aux échanges numériques, le Bitcoin n’est pas un bien et ne doit donc pas être une monnaie dans une économie financiariser. Par construction, le Bitcoin est le modèle d'une monnaie destinée à une économie fondée sur la coopération. S’il a un prix celui-ci se rapporte à la valeur globale de chaque échange et non à la valeur de l’échange.
Adossés au Bitcoin représentant la valeur globale des échanges, les ICO permettent d'en étendre l'efficacité à l’ensemble des organisations. Avec une généralisation des ICO, le prêteur en dernier ressort est l’économie dans son ensemble, lui-même par le biais de la Blockchain.
L’Estonie l’a bien compris, quand cet état crée sa propre crypto-monnaie pour en faire un outil de développement par l’émission d’un ICO. Il n'est pas seul. Le Japon reconnait le Bitcoin, probable première étape vers la même logique.
Projetons-nous dans le futur. Si aujourd’hui les ICO se négocient sur des marchés, demain, la Blockchain pourrait devenir la plateforme d’une économie numérique réglant nos échanges le tout afin de créer plus de valeur, ce que représente fondamentalement une crypto-monnaie.
Si le monde de la finance voir un intérêt à la technologie de la Blockchain, il appelle à réglementer. Les échanges relient le Bitcoin à l'économie dominante, une économie financiarisée où la monnaie est considérée comme un bien. Le Bitcoin y donc devient une monnaie spéculative, ce qui réduit les échanges tant que certains peuvent encore l’acheter…
Le droit de propriété conféré par l’usage de la monnaie, appliqué au Bitcoin est la cause réelle de ce problème, ce qui nous renvoie à la question du droit. La propriété du Bitcoin devrait conférer un droit d’usage car quelque soit sa valeur, ce droit n’accorde pas l’exclusivité. Le Bitcoin serait donc une véritable monnaie et lui donner un prix dans l’économie financière est un non-sens sauf à ce que les banques se l’approprient, un autre non-sens compte tenu de sa nature. On ne peut que prévoir l’explosion de la bulle spéculative.
Compte tenu des éléments présentés, la valeur des échanges associée à une unité Bitcoin ne peut que croître donnant à chaque échange une valeur décroissante, exprimée en Bitcoin, en pratique en unités Satoshi, la division du Bitcoin. La valeur d’un Satoshi ne peut donc que croître. Plus il y aura d’échanges, plus la valeur du Bitcoin sera grande, plus la prime sur la valeur du Satoshi sera importante apportant une valeur ajoutée à tout contributeur aux échanges. C’est l’intérêt dans une économie coopérative. Le tout prendrait toute son efficacité dans une économie basée sur l’usage, conduisant à une efficacité croissante dans l’utilisation des ressources.
La monnaie permettant de fixer les prix est donc le Satoshi. Le Satoshi est définie comme le cent millionièmes du Bitcoin. Cette relation au Bitcoin établit un lien entre valeur et prix.
Evidemment, la cohabitation d’une économie purement basée sur la compétition centrée sur les prix dans une économie financiarisée avec une économie coopérative centrée sur la valeur de l’économie réelle semble aujourd’hui poser des problèmes insurmontables…Selon BNP Paribas, le Bitcoin n’aurait pas d’avenir : Une monnaie déflationniste, sans préteur en dernier ressort. Ces conclusions n’ont de sens que dans la sphère financière. La finance peine à trouver un modèle financier compatible avec la nature du Bitcoin.
Le Bitcoin est l’or de l’économie numérique, les banques n’en veulent pas plus que de l’or comme étalon, ce qui n'empêchera la création de dérivés et de spéculer sur un Bitcoin qui ne sortirait plus des coffres. Le germe d’une future crise…
Il nous faudra un « Bretton Woods » pour généraliser les ICO sans les adosser au Bitcoin, la future plateforme de l’économie numérique en réglant les usages et la valeur, et ôter le transfert du droit de propriété associé à l’usage du Bitcoin autrement dit, en réserver l'usage à l'utilisation de biens que l’on ne possède pas. L’accroissement de la valeur d’échange global du Bitcoin irait de pair avec celui des échanges, le tout accroissant la valeur d’usage des ressources en même temps qu’elles seraient mieux utilisées, donnant à l’économie dans son ensemble la caractéristique propre à une économie durable…
Rien n’empêche d’introduire alors un critère de circulation pour pondérer la valeur d’un Bitcoin, en retournant la valeur perdue vers un « préteur en dernier ressort » et ainsi réguler les échanges, non pas pour favoriser la croissance mais pour la limiter ! La réalisation technique d'un tel mécanisme est un challenge...
Pour conclure, par construction La Blockchain Bitcoin a le potentiel pour devenir la plateforme d'une économie de croissance organisée sur les usages et l'utilisation durable de nos ressources et la monnaie de l’économie réelle.
Reste une question centrale pour cette première étape : Comment inciter et permettre à chaque organisation de tirer partie de la valeur de l’ensemble afin de développer sa propre activité ? Nous avons déjà répondu une fois à cette question avec le World Wide Web…
Passer du Bitcoin au Satoshi est une histoire à écrire. Voilà : Des idées rassemblées dans un texte pour les soumettre à votre lecture critique et à vos suggestions.
Anatine le 30 novembre 2017
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