La métropole, ville heureuse ou cité de la mort ?
Si le fascisme politique impose une manière de penser, alors le techno-fascisme avec ses normes impose une manière de faire et de consommer. Avec le calcul comme fenêtre encadrant les paramètres de l’action ou alors les mesurant. Nos modes de vie ont de plus en plus de contours tracés et usinés. Faut-il rappeler un principe de l’Etat de droit démocratique ? Celui de la liberté de circulation des personnes. Il faudrait étendre ce principe à l’usage des techniques. Et plaider pour une liberté de vivre comme on veut dans la mesure où on ne menace pas directement la vie d’autrui. Pour l’instant ce principe est garanti mais qui peut dire que cette situation va durer ? La technologie est telle que si elle s’associe au « principe de précaution » et de « gestion de l’espace public ainsi que des populations », des mesures contraignantes pourraient être mises en place. Par exemple imposer un mode de paiement numérique afin de supprimer les espèces et les chèques, ou dans le domaine sanitaire imposer des analyses et autres dépistages ou encore dans une obligation d’utiliser Internet pour des démarches administratives. Les citoyens doivent être vigilants et prendre la mesure de décisions récentes concernant la circulation des véhicules anciens dans les centres villes. La ville de Paris interdit la circulation des véhicules immatriculés avant 1997. La politique des normes ne cesse de gagner du terrain. Surveillance, parcs fermés, déplacements contrôlés.
Le techno-fascisme fonctionne avec des fantasmes et des obsessions. Idéal du risque zéro, du défaut zéro, de l’hygiénisme parfait, de l’air purifié, de la santé administrée. L’usage des technologies numériques sert autant ces fantasmes qu’elle les alimente. Plus il y a de données à mouliner, plus le cerveau carbure en nourrissant ses obsessions. Dans l’univers industriel d’avant 1970, les capitaines d’industrie fabriquaient des outils, des machines, des biens utiliser. Dans l’univers techno-fasciste, les directeurs du système ont élargi leurs compétences en pratiquant une industrie des modes d’existence ou du moins en interférant avec les vies de chacun qui déjà, sont influencées par les technologies et les multiples accès numériques. Parcours de soins, compte pénibilité et bientôt parcours de vie accompagné par les gardiens du parc humain.
Le destin m’ayant conduit à vivre dans une des métropoles françaises les plus dynamiques, j’ai pu constater de mes yeux quelques tendances. Le tramway a été une grande réussite mais maintenant, il devient prétexte à un aménagement urbain qui par certains traits reproduit les erreurs du passé avec les zones HLM des années 1960 et les célèbres cages à poule. Les logements qui se construisent ne sont pas des cages à poule mais ils ne sont pas forcément adaptés à une existence insérée dans un « cadre de vie » souhaitable. Le principe des éco-quartiers ressemble à celui des villes nouvelles bâties dans la banlieue parisienne sauf que ce sont des villes au sein de la ville, des espaces avec des logements concentrés autour des lignes de tramway. Ce transport public qui devait fluidifier les déplacements est devenu un prétexte pour concentrer le maximum de populations qui, pour aller travailler, ne prendront pas leur véhicule. Telle est la philosophie du plan pour 2030 tracé par les élus métropolitains de Bordeaux.
Cela nous rappelle des temps anciens. C’est exactement le principe des villages industriels construits près des mines en Angleterre, en Alsace ou ailleurs à la fin du 19ème siècle. L’objectif était de fournir un logement de proximité aux travailleurs des mines et des usines. A Clermont-Ferrand, il y eut une ville dans la ville dédiée aux ouvriers de Michelin. Les éco-quartiers construits près des lignes de tram sont faits pour les travailleurs de la métropole qui iront dans les bureaux, les start-up et toutes les boîtes innovantes situées dans les technopoles de proximité. Et qui reviendront le soir dans ces quartiers à haute densité de population dont les espaces ont été organisés en expropriant des maisons et des terrains parsemés d’arbres majestueux mais bien encombrants. Ces messieurs qui se disent éco-responsables abattent des arbres centenaires pour planter ailleurs quelques arbustes entre des espaces bétonnés. Et le raccordement aux fibres optiques. Pour accéder à quelques centaines de chaînes. Est-ce vraiment utile ?
La métropole française est conçue comme un lieu centralisé permettant de concentrer les compétences et de participer à la grande compétition économique, sans oublier la concurrence touristique. Ah, Bilbao et son musée Guggenheim ; Bordeaux a répliqué avec la cité du vin ! Les métropoles peuvent offrir des activités et autres lieux ludiques et festifs pour jeunes gens actifs en quête de selfies. Elles peuvent aussi signifier la « cité de la mort » pour reprendre le titre d’un ouvrage méconnu de Jan Marejko consacré au technocosme. Les pouvoirs en place ont semble-t-il choisi les intérêts personnels, catégoriels, économiques et narcissiques au lieu de prendre en considération l’aménagement des territoires, notamment les zones rurales dont les moyens se réduisent alors que les financements pour les métropoles ne cessent d’augmenter. La métropole incarne de ce fait le mouvement de division des sociétés.
Au plaisir de lire vos témoignages et vos infos sur ce sujet à peine abordé qui s’inscrit dans un essai sur le techno-facisme. Je reste perplexe.
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