Le mouvement des enseignants-chercheurs touche à sa fin
Le mouvement des enseignants-chercheurs contre les réformes gouvernementales bat sérieusement de l’aile. Suite au report de la mastérisation et au remaniement du texte concernant le statut, les durs ont cru bon de radicaliser le mouvement jusqu’à l’enfermer dans l’impasse d’un mot d’ordre désormais classique : retrait de toutes les réformes.
D’abord, parce que sa direction est passée entre les mains des plus conservateurs : les "sauveurs" de l’Université. Ensuite, parce que la démoralisation – déjà très palpable – sera proportionnelle à la surenchère. Enfin et surtout, parce que, dans un souci irresponsable d’extension des actions, certains ont entraîné les étudiants en les privant de notes puis de cours. La rupture du "contrat de cours" utilisée comme instrument de lutte est bien plus qu’une erreur tactique monumentale : c’est le symptôme d’une pensée sociale malade.
Les signes de la fin du mouvement sont nombreux : effondrement des coordinations, impuissance médiatique, diminution des blocages, débats axés sur la reprise des cours et les modalités de rattrapage. De leur côté, les Présidents refusent une aventure qui les confronterait très vite à cautionner la paie de salaires sur la base de feuilles de service vides. La CNU et un certain nombre d’enseignants ont émis la revendication du "semestre blanc" entendu comme un "semestre donné". Qui justifierait alors des salaires versés pour semestre officiellement inexistant ?
Reste à se demander pourquoi un tel mouvement aura produit une telle faillite, détérioré encore un peu plus l’image de l’Université et aggravé le fossé qui la sépare de la population.
Soulignons que l’extension artificielle du mouvement à des secteurs étudiants fragiles a masqué la division du monde enseignant. Division entre titulaires et non titulaires, certainement. Mais aussi entre enseignants-chercheurs qui cherchent et enseignants-chercheurs qui ne cherchent pas. Ces derniers, particulièrement ciblés dans la dernière mouture de la réforme des statuts, sont, tout naturellement, en colère.
Certains ont cru voir la preuve de la vérité criante du mouvement dans son ampleur et son unanimité. Mais c’est, justement, l’unanimisme de plomb, celui qui ne supporte aucune contradiction, qui, loin de montrer une force de conviction, trahit un comportement d’appareil.
L’explication de l’échec annoncé du mouvement des enseignants-chercheurs est pourtant simple : il ne s’agit pas de "sauver l’Université" mais de la changer, de la transformer de fond en comble.
Le gouvernement tient à réformer à sa façon et dans une certaine direction. Mais la population, à commencer par ses couches les plus modestes, attend aussi que l’Université change dans SA direction. Elle attend de l’Université qu’elle offre à ses enfants du temps gagné, des perspectives clarifiées, de la confiance et de l’avenir. Elle attend la fin de l’échec. Ces changements, la population ne les attend pas du gouvernement mais de l’Université elle-même.
Et c’est sur ce point que le mouvement des enseignants-chercheurs court à sa perte : il ne traduit pas seulement le rejet des réformes gouvernementales mais aussi celui des réformes internes, indispensables aux gens, celles que la population espère, et dont la formulation précise ne peut venir que des enseignants-chercheurs eux-mêmes. Celles qui mettront fin au repli et s’ouvriront vers le monde.
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