Le principe de Peter est toujours souvent assez actif cependant
Le livre de Laurence J. Peter et Raymond Hull a été publié en 1969 (et traduit en français en 1970). Il a donc plus de quarante ans, mais il reste d’une actualité brûlante.
Le principe est étonnamment simple : « Tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence » [1]
Parfois, certaines victimes du principe en viennent à se brûler la cervelle. Ainsi, au Japon. La tradition de « la mort volontaire » ou « hara-kiri » y est fort ancienne. Mais un phénomène de « mort au travail » y est apparu récemment. Elle a été baptisée « karochi » en japonais, mais elle est nommée « burn-out » par les anglo-saxons ; « brûlure de l’idéal » par des universitaires français[ii] ; et « syndrome d'épuisement professionnel » par des spécialistes de la santé.
Cependant, le plus souvent, comme l’avait d’ailleurs remarqué Laurence J. Peter, beaucoup de « promus » semblent rester en bonne santé après avoir atteint (et parfois allègrement dépassé) leur niveau d’incompétence. Ils s’organisent au sein des entreprises. Ils imaginent des « process » à faire suivre à leurs subordonnés. Ils vont parfois jusqu’à mettre en place des « process de promotion des ressources humaines par reconnaissance des connivences » . Ainsi, les « promus » préserveront leur fausse conscience et n’auront jamais la mauvaise conscience d’avoir atteint leur niveau d’incompétence . On pourrait tout aussi bien intituler cet article : Psychologie des promotions (et promotion de la psychologie).
Le terme de promotion[iii] s’emploie dans le commerce, d’une part ; et d’autre part, dans les hiérarchies, militaires ou non.
Les phénomènes sont un peu différents, certes, mais ils se ressemblent par certains aspects. D’abord, la périodicité. Avec le printemps ou l’automne, arrive le temps des promotions voire des soldes.
L’autre ressemblance qui vient immédiatement à l’esprit, c’est le caractère passionnel.
On sait à quelles extrémités peuvent être amenés les adeptes des ventes promotionnelles et des soldes. Ils peuvent passer des journées à étudier des prospectus commerciaux et se ruer par milliers dans des magasins, parfois en s’embusquant dès le milieu de la nuit devant la vitrine encore close.
Les adeptes des promotions hiérarchiques ne sont pas en reste. Les conversations, les silences réprobateurs et les ressentiments divers se déchaînent dès l’annonce d’une vague de promotion et reprennent dès que les résultats sont publiés.
Ces « commentaires » ne sont pas réservés au seules « promotions canapé ». Après tout, les personnes qui y réussissent démontrent une compétence particulière, une manière de savoir-être si ce n’est une façon de savoir-vivre et de savoir survivre en entreprise.
Le terme d’entreprise ne doit pas être réservé au « secteur privé ». Aujourd’hui, en France, le « secteur public » n’est pas en reste. Aujourd’hui, les dirigeants des services publics se piquent de pratiquer le management des ressources humaines et aiment à penser qu’ils méritent eux aussi le titre si flatteur d’entrepreneur . Cette mode ne limite pas aux services publics à caractère commercial (RATP, SNCF, hôpital public, etc…), mais aussi aux services publics à caractère régalien. Ainsi la justice française. Interrogé par un journal breton, Gilles, un greffier en chef déclare sans rigoler : « Mon poste s’apparente à celui d’un chef d’entreprise, je suis manager et responsable des ressources humaines pour tout un tribunal » [iv]
Le temps n’est plus où le service public pratiquait les concours. A cette époque, ses cadres ne se faisaient pas encore appeler des managers. Aujourd’hui, il affiche une « transparence » de bon aloi (une « glasnost ») en ouvrant des offres de promotion sur les murs (dazibao ?). Et ses managers proposent à leurs ouailles de leur faire un peu de « coaching ».
L’heure est bientôt venue où les offres de promotions hiérachiques seront affichées sur les murs des services publics ; où les prétendants, tel Joss Randal dans un feuilleton de notre enfance, arracheront ses affiches d’un air sévère et entendu pour lancer gaillardement le processus de sélection. Les intentions sont déjà bel et bien là : WANTED et REWARD.
http://www.dailymotion.com/video/x6vmv_serie-tv-au-nom-de-la-loi-generique_news
Mais un peu de psychologie est nécessaire pour expliquer, et ne pas se contenter de glorifier ou de stigmatiser, certains comportements.
Psychologie des ressources humaines
Dans l’enquête que nous avons effectuée, le type de promotions était intitulé : « Promotions internes par Reconnaissance des Compétences. »
Ce qui signifiait que les postulants exerçaient déjà les activités décrites dans les affiches. Ils demandaient simplement une reconnaissance accrue de leurs compétences. Dans une entreprise privée « normale », cette reconnaissance serait à la discrétion du « manager ». Mais une entreprise de service public ne peut se permettre de telles pratiques. Et si elle n’organise plus de concours (qui font trop bureaucratiques, décidément), elle organise des jurys de Reconnaissance des Compétences. Il est interdit au « manager » direct d’en faire partie afin qu’on ne puisse pas parler de « Promotions internes par Reconnaissance des connivences ». Mais il est demandé aux candidats une prestation théâtrale devant le jury, la démonstration d’une implication accrue dans l’entreprise (pas seulement au travers de leur activité quotidienne, mais par la démonstration de leur intérêt pour la stratégie de l’entreprise, d’une adhésion sans faille aux valeurs qu’elle affiche).
Comme observateur extérieur, on se dit qu’il est difficile d’être dupe d’un procédé si grossier. Pourtant, à l’intérieur de l’entreprise étudiée, on voit parfois des passions se déchaîner. C’est que le procédé est plus subtil qu’il ne paraît. Il faut distinguer deux types de situations :
- les promotions sont clairement destinées à une ou deux personnes (un candidat non pressenti peut se présenter et avoir une chance si le candidat officiel se ridiculise devant le jury).
- Le nombre de promotions est inférieur au nombre de candidats potentiels.
On peut d’abord s’arrêter sur la situation des « managers ». Certains ont pu proposer le nombre de promotions pour satisfaire tous leurs obligés. D’autres n’ont pas pu ou pas voulu le faire. On invoquera généralement des questions d’enveloppe et de budget. Mais s’ils n’ont aucune des les promotions qu’ils demandaient sincèrement, ils ont des soucis à se faire pour leur propre promotion. D’autres, plus malins, ont pu faire le choix d’introduire une saine émulation dans leurs équipes, de sacrer les meilleurs et de sacrifier quelques autres.
Cette notion de sacrifice est essentielle dans le « process » de promotion. En effet, le jury attend des candidats qu’ils fassent montre de leur volonté de sacrifice (capacité d’adaptation, orientation client, bonne connaissance des derniers slogans de la propagande,etc…). Bien sûr, cette démonstration sacrificielle sera plus ou moins feinte pendant le rituel selon que le résultat est assuré ou non.
Les membres des jurys sont fort civils et ne sont pas des tortionnaires. Ils s’emploieront à rassurer les candidats et à leur démontrer qu’ils ne sont pas devant un tribunal de l’inquisition. Cependant, ils n’empêcheront pas certains candidats de se torturer l’esprit. Mais c’est parce qu’ils pensent sincèrement que l’émulation est souhaitable ; qu’il y a un « bon stress » comme il y a un « bon cholestérol » ; qu’il est nécessaire de souffrir un peu pour réussir (les jeunes se font bien des percing) et que la souffrance des candidats n’est que morale.
Et pendant que les uns préparent ce rituel, puis attendent « anxieusement » le résultat, d’autres dédaignent la manœuvre et déclenchent, comme le chantait Brel, la parlotte qui « rend ses sentences / Et nous rassure en nous assurant / Que ceux qu´on aime n´ont pas eu d´chance / Que ceux qu´on n´aime pas en ont tellement ».[v]
N’était la peur du ridicule, les adeptes des promotions pourraient leur opposer Tino Rossi dans son cantique Petit Papa Noël : « Les jaloux sont des fous / Humains, aimez vous. »
Psychologie de leurs employeurs
Par employeurs, il faut entendre le top management, comme on dit quand on est instruit des dernières innovations sémantiques. La majorité des cadres, s’ils adoptent son langage et ses postures, ne sont que des collaborateurs du système, des complices parfois zélés de ses excès, et d’autres fois ses victimes plus ou moins consentantes.
Le temps des concours étant révolus, on prêche dans ces milieux les pratiques venus d’Amérique. On parle de projet professionnel. On s’entend à construire des réseaux de relations. On apprend à se positionner sur un poste, à être la bonne personne au bon moment. Mais, en définitive, ce ne sont là que de vieilles bonnes méthodes qu’on appelait autrefois le recours au piston. Et l’accession à un poste n’est généralement que le résultat d’un concours de circonstances.
Il convient de noter ici deux choses.
- Le but réel de toute promotion est l’ascension hiérarchique. Même les candidats non-cadres qui postulent à un poste d’expertise le savent car on le leur répète à l’envie : se limiter à l’expertise, c’est faire preuve de bien peu d’ambition. La dignité demande de dédaigner les tâches d’exécution et de s’élever à des responsabilités managériales ; de passer du « faire » et du « savoir-faire » au « faire-savoir » et au « faire-faire » (comme l’écrit Frédéric Lordon dans son traité de philosophie[vi]).
- Tout cadre qui se respecte connaît au moins par ouï-dire le principe de Peter[vii]. Il se formule ainsi : « tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence ». Et son corollaire : « Avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité. »
Bien sûr, chacun tend à ne pas se sentir concerné personnellement par le principe ; et à en voir des manifestations nombreuses dans son entourage. Mais il est de bon ton, dans milieux dirigeants, de faire référence à ce principe, pour faire montre de sa compétence dans le domaine de l’humour et de l’autodérision (savoir-être). Il ne faut donc pas hésiter à citer les bonnes pages, non seulement du principe de Peter , mais aussi du Principe de Dilbert[viii] (« Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : ceux de managers. » ) et des chroniques de Gabs. ça peut aider à rester en bonne santé. [ix].
Le « management des ressources humaines », qu’il soit d’inspiration étatsunienne ou soviétique, alterne toujours deux excès : la bureaucratie et la brutalité. La particularité du « management à la française » réside dans une illusion que « les cadres » se font sur leur fonction. Cette notion de « cadres »était déjà une spécificité française, empruntée au langage militaire. Depuis que l’idéologie managériale (Peter Drucker, Tom Peters) a envahi la France, les « les cadres s’imaginent qu’ils font « un autre métier » et on peut entendre les plus convaincus déclarer sans rire, comme un candidat à la Présidence de la République : « Moi, manager… ».
On voit tous les efforts de persuasion que doivent produire les employeurs ; et les efforts d’auto persuation auxquels sont contraints ces « managers » qui appliquent leurs consignes. On a vu aussi à quelles extrémités on pu être conduites, dans un passé récent, des ressources humaines un peu fragiles ou carrément épuisées.
On peut se demander alors pourquoi une entreprise s’obstine dans un management qu’on pourrait qualifier de « pervers ». La seule explication qu’on peut imaginer, c’est qu’elle voit dans sa gestion des promotions une simple continuation de la division du travail. La division des travailleurs entre eux (et entre services « concurrents ») devient alors parfaitement logique, parce que c’est le prix à payer pour parvenir à un management efficace des ressources humaines.
Certes, d’un point de vue syndical (ou d’un point de vue médical), on soulignera que ce type de management à un coût. L’entreprise ne pourrait-elle pas éviter quelques tensions inutiles en uniformisant les niveaux dans une même équipe ?
Prochainement, nous poursuivrons sur la psychiatrie des promotions et la promotion de la psychiatrie.
Annexe : remarques sur le jargon managérial
Sur un échantillon de 26 affiches, nous avons fait une modeste analyse.
D’abord, nous avons classé ces affiches par niveau de poste visé. Nous devons d’abord saluer une volonté de promouvoir les « non-cadres » puiqu’un tiers des promotions les concerne.
Ensuite, nous avons relevé quelques points de détail qui n’intéresseront peut-être que les amateurs de la littérature. En effet, pour rédiger ces affiches, les recruteurs peuvent faire appel à des experts en ressources humaines. Ceux-ci sont tout à fait au fait des « modes managériales » et des « mots-clés » qu’il faut employer pour ouvrir des portes. Mais on se sait jamais la part d’humour volontaire que ces experts mettent dans ces formulations ; et la part de ce qu’on peut appeler la manifestation de leur propre inconscient. Ainsi nous nous sommes arrêtés sur la façon dont sont nommées quelques compétences requises dans le registre de ce qu’on appelle sans rire le « savoir-être ».
- La plus fréquente est sans conteste « la relation-client » ou « l’orientation-client ». Est-il nécessaire de préciser qu’il ne s’agit ni de relation ni d’orientation sexuelle ? L’heure n’est pas encore venue d’un trophée Nafissatou Diallo.
- Viennent ensuite, à égalité, une compétence qui est formulée selon les affiches « rigueur, précision et fiabilité » ; et une autre : « l’esprit d’équipe ».
- Ensuite « l’aptitude à savoir communiquer ».
Voilà pour le tiercé (ou le quarté) gagnant. Puis vient une curiosité : « l’adaptabilité » ou « aptitude à s’adapter au changement ». Curiosité car elle est demandée généralement aux « non-cadres », et très peu aux personnels qui sont déjà « cadres ». Certainement parce que ceux-ci ont naturellement « l’adaptabilité » ou « l’aptitude à s’adapter au changement » dans le sang, chevillée au corps et qu’il n’est pas nécessaire de la leur rappeler. En revanche, les « non-cadres » restent de grands enfants. Ils pourraient même s’imaginer, si on n’y prenait garde, qu’ils ont suffisamment fait montre d’« adaptabilité » ou d’« aptitude à s’adapter au changement ». Enfin, même des « non-cadres » sont invités parfois de faire montre de « leadership », dans le respect des process et de la hiérarchie cependant.
Une dernière curiosité : il est demandé aux « cadres » d’avoir « l’esprit ouvert » ?
Entend-on par là qu’ils doivent se casser la tête ou, plus simplement, qu’ils ne doivent plus casser les pieds à leurs subordonnés ?
Récemment, le journal Les Echos a titré, non pas sur un succès de la finance, mais sur un drame humain, carrément trop humain : un haut responsable d’une banque suisse, Pierre Wauthier, s’est suicidé en août. A-t-il tenté de faire passer un message à son N+1 ? Celui-ci avait-il suffisamment « l’esprit ouvert » pour l’entendre ? Pierre Wauthier lui-même avait assez « l’esprit ouvert » ? L’avait-il trop « ouvert » ? Et comment aurait-on pu qualifier sa conscience ? Trop étroite ? Pas trop tranquille ? Torturée ? Ou simplement mauvaise ?
[1] Principes de base du principe de Peter selon Wikipedia :
un employé compétent à un poste donné est promu à un niveau hiérarchique supérieur ;
un incompétent à un poste donné n'est pas promu à un niveau supérieur.
Corollaires (1) :
un employé ne restera dans aucun des postes où il est compétent puisqu'il sera promu à des niveaux hiérarchiques supérieurs ;
par suite des promotions, l'employé finira (probablement) par atteindre un poste auquel il sera incompétent ;
par son incompétence à ce poste, l'employé ne recevra plus de promotion, il restera donc indéfiniment à un poste pour lequel il est incompétent.
Corollaires (2) :
à long terme, tous les postes finissent par être occupés par des employés incompétents pour leur fonction ;
la majorité du travail est effectuée par des salariés n'ayant pas encore atteint leur « seuil d'incompétence ».
« Avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité. »
De plus, si nous partons des principes que plus un poste est élevé dans la hiérarchie,
plus il demande des compétences ;
plus son impact est grand sur le fonctionnement de l'organisation,
alors il en découle que l'impact de l'incompétence de l'employé aura été maximisé par le niveau hiérarchique du poste auquel il aura été promu. Ces dernières hypothèses ne sont qu'une interprétation non systématiquement retenue du principe de Peter.
Extensions ultérieures
Le principe de Peter connaît deux extensions principales établies a posteriori :
Si les pays vont si mal, c'est parce que tous les salariés des administrations, responsables du bon fonctionnement des pays, donc, sont incompétents pour leur poste. Les administrations qui gèrent les pays sont donc incompétentes pour leurs fonctions, d'où le mauvais fonctionnement des pays.
La seconde extension est appelée Loi de Dilbert (du nom d'un personnage de bande-dessinée) ; elle relève plus de l'empirisme que d'une déduction sociologique réelle. Elle suppose que les employés les moins compétents seront toujours affectés aux postes où on est sûr qu'ils produiront le moins de dégâts, c'est-à-dire l'encadrement.
Évolution des hiérarchies
Hiérarques ayant atteint leur niveau d'incompétence[modifier]
Peter remarque que plus le nombre d'échelons hiérarchiques est élevé, plus chacun voit une chance de parvenir à son niveau d'incompétence et de subir « la stagnation de Peter ». Il remarque que les hiérarques, quand ils sont devenus réellement incompétents, se complaisent à fréquenter des réunions, colloques, séminaires, symposiums, conférences... Le corps des hiérarques peut alors entrer en « lévitation » sous le nom de « sommet volant ». En résumé, on ne peut déboulonner un hiérarque incompétent :
seul un hiérarque peut le faire ;
s'il le fait, il se déjuge et admet son incompétence à discerner le personnel compétent ;
mais on peut toujours déplacer la sous hiérarchie que constitue le personnel sous ses ordres ;
le hiérarque reste ainsi seul à la tête d'une pyramide sans base, sur son « sommet volant ».
La défoliation hiérarchique
Peter remarque que la compétence, chez les employés d'une organisation, se répartit selon une loi normale :
10 % sont super-incompétents ;
20 % sont incompétents ;
40 % sont modérément compétents ;
20 % sont compétents ;
et 10 % super-compétents.
Peter observe que les 80 % au centre de la courbe restent au sein de la hiérarchie, mais pas les 20 % aux extrêmes, c'est la « défoliation hiérarchique ». Si le renvoi des 10 % super-incompétents semble évident, celui des 10 % super-compétents n'en est pas moins logique.
La super-compétence est plus redoutable que l'incompétence, en cela qu'un super-compétent outrepasse ses fonctions et bouleverse ainsi la hiérarchie. Elle déroge au premier commandement : « La hiérarchie doit se maintenir ». Pour qu'un super-compétent soit renvoyé, deux séries d'évènements doivent se produire :
la hiérarchie le harcèle au point de l'empêcher de produire ;
il n'obéit pas aux principes de « respect de la hiérarchie ».
Si l'une des deux séries manque, il n'est pas renvoyé.
Remèdes proposés
Pour un dirigeant constatant qu'il a des cadres supérieurs incompétents, il est conseillé de recourir à la « sublimation percutante ». Cette manœuvre, dont Peter avait constaté l'existence avant de publier ses idées, consiste à accorder à une personne incompétente une promotion vers un poste plus prestigieux en apparence, mais en fait à responsabilité très inférieure. À cet usage, Peter constate que les nouveaux postes ont des titres très impressionnants en comparaison de leur contenu. Ce principe correspond au proverbe latin promoveatur ut amoveatur (qu'il soit promu pour que l'on s'en débarrasse)
Pour les personnes constatant leur propre incompétence, Peter recommande diverses diversions, par exemple la « spécialisation dans le détail » (un directeur d'école ne s'intéressant qu'à établir des sens de circulation dans les couloirs), ou « l'aberration totale », cette dernière consistant à cesser tout à fait de tenter d'accomplir son travail. Ces méthodes ne sont pas considérées comme mauvaises pour l'entreprise ou l'organisation, étant donné que dans toute organisation le travail est accompli par les personnes compétentes, les incompétents ne pouvant que les gêner.
Il est toutefois préférable de se maintenir à un poste auquel on est compétent, non seulement dans l'intérêt de l'organisation où l'on travaille, mais aussi parce qu'être compétent à son poste est un facteur de bonheur personnel. Or, Peter constate que le refus d'une promotion est mal vu par l'entourage des personnes.
Peter trouve divers exemples de personnes qui, heureuses à leur poste, accomplissent correctement leur travail principal tout en commettant des gaffes dans un aspect secondaire (ne pas s'occuper correctement de documents administratifs) ou même dans la vie de l'entreprise (se garer à la place réservée à un supérieur de temps en temps). Cette stratégie, consciente ou non, est baptisée « incompétence créatrice ».
Il est très compliqué d'utiliser le principe de Peter en politique, car accéder à un mandat d'élu n'est pas une promotion depuis une précédente fonction de dirigeant (d'adjoint au maire à maire, par exemple), mais une promotion depuis le statut de candidat en campagne (expliqué dans le chapitre Hiérarchologie et politique).
En revanche, le principe de Dilbert inventé par Scott Adams autorise la promotion des incompétents. Adams pense que les promotions sont de nos jours attribuées de manière si injuste que l'époque où régnait le principe de Peter apparaît comme un âge d'or en comparaison.
Une autre façon de contourner cette loi a été proposée par une équipe italienne composée de Alessandro Pluchino, de Andrea Rapisarda et de Cesare Garofalo : une organisation gagnerait en efficacité en attribuant les promotions en son sein de façon aléatoire[2]. Ce travail a été "distingué" par le prix Ig Nobel de management 2010 (les domaines du prix Ig Nobel sont libres ; il s'agit du premier prix dans ce domaine, la recherche scientifique n'ayant jamais fourni auparavant d'exemple méritant ce prix).
Le plafond de verre est une méthode appliquée sans le savoir pour lutter contre cela : les bouc-émissaires (femmes, noirs, arabes...), considérés comme inférieurs, ne montent pas plus haut qu'un certain niveau, où ils sont compétents : ce sont eux qui travaillent et qui produisent les richesses de l'entreprise.
Critiques et infirmations du Principe de Peter
Le Principe de Peter a également de détracteurs et fait l'objet de critiques diverses, parmi lesquels :
La nature trop générale du principe (toutes les organisations hiérarchiques sans exceptions).
La présence de nombreuses hypothèses implicites à la limite du sophisme comme :
La compétence est présentée comme quelque chose d'absolu (en réalité on peut être compétent pour une tâche et pas pour une autre et changer de rôle dans une organisation met généralement en jeu des compétences différentes) et de constant dans le temps (or en se formant quelqu'un peut augmenter ses compétence dans un nouveau domaine auquel il fait face).
Les postes les plus hauts dans la hiérarchie nécessiteraient plus de compétence(s), or il n'est pas impossible qu'ils requièrent surtout des compétences différentes.
Les promotions seraient décidées uniquement en fonction de la compétence absolue et non de l'adéquation particulière d'une personne avec toutes ses spécificités à un poste qui a lui aussi avec toutes ses spécificités.
Les promotions seraient toujours décidées uniquement en fonction de la compétence, ce qui néglige les effets négatifs des promotions en fonction d'amitiés, de réseau, ou de corruption, lesquelles expliquent au moins aussi bien que le Principe de Peter la présence d'incompétents à des postes de cadres.
Dans le cas du Principe de Dilbert on ajoute l'hypothèse certes drôle mais encore moins réaliste que plus on est haut placé dans la hiérarchie moins on peut être nuisible, or il est au moins aussi vraisemblable que davantage de pouvoir augmente des effets négatifs de ses erreurs, en même temps qu'on augmente la portée des décisions.
L'existence de nombreuses infirmations du Principe du fait qu'il arrive assez souvent que des gens très compétents soient au sommet de hiérarchies et qu'il arrive que des incompétents aient une carrière plus lente que la moyenne.
L'essentiel de la littérature présentant le Principe de Peter est le fait d'ouvrages humoristiques ou plus généralement d'œuvres destinés à soulager la frustration des lecteurs victimes d'injustices (réelles ou ressenties) dans leur organisation, notamment n'ayant pas récemment fait l'objet d'une promotion alors qu'ils le mériteraient si on se limitait aux critères de justice sociale pour les attribuer.
[ii] Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac : Le coût de l’excellence (1991)
[iv] Question de justice, n°3, octobre 2003, p 9 (journal réalisé par l’Association du Parlement de Bretagne et de la Cour d’Appel de Rennes
[v] C´est elle qui remplit d´espoir
Les promenades, les salons d´thé
C´est elle qui raconte l´histoire
Quand elle ne l´a pas inventée
C´est la parlote, la parlote
C´est elle qui sort toutes les nuits
Et ne s´apaise qu´au petit jour
Pour s´éveiller après l´amour
Entre deux amants éblouis
La parlote, la parlote
C´est là qu´on dit qu´on a dit oui
C´est là qu´on dit qu´on a dit non
C´est le support de l´assurance
Et le premier apéritif de France
La parlote, la parlote
La parlote, la parlote
Marchant sur la pointe des lèvres
Moitié fakir et moitié vandale
D´un faussaire elle fait un orfèvre
D´un fifrelin elle fait un scandale
La parlote, la parlote
C´est elle qui attire la candeur
Dans les filets d´une promenade
Mais c´est par elle que l´amour en fleurs
Souvent se meurt dans les salades
La parlote, la parlote
Par elle j´ai changé le monde
J´ai même fait battre tambour
Pour charger une Pompadour
Pas même belle, pas même blonde
La parlote, la parlote
La parlote, la parlote
C´est au bistrot qu´elle rend ses sentences
Et nous rassure en nous assurant
Que ceux qu´on aime n´ont pas eu d´chance
Que ceux qu´on n´aime pas en ont tellement
La parlote, la parlote
La parlote, la parlote
Si c´est elle qui sèche les yeux
Si c´est elle qui sèche les pleurs
C´est elle qui dessèche les vieux
C´est elle qui dessèche les cœurs
Gna gna gna gna gna gna
Gna gna gna gna gna gna
C´est elle qui vraiment s´installe
Quand on n´a plus rien à se dire
C´est l´épitaphe, c´est la pierre tombale
Des amours qu´on a laissé mourir
La parlote, la parlote
La parlote, la parlote
http://www.jukebo.fr/jacques-brel/clip,la-parlote,r8fs0.html
[vi] Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique éditions, 2010
[vii] L’auteur du principe évoqué est né au Canada en 1919 et a publié son livre aux USA en 1969.
[viii] Le Principe de Dilbert, Scott Adams, First Editions, 1997
[ix] Un peu comme dans les « bureaucraties socialistes », un humour ravageur pouvait aider à garder le moral. Philippe Meyer en a donné un aperçu dans son recueil de témoignages : Le communisme est-il soluble dans l’alcool ? (1978)
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