Les pauvres peuvent être bêtes et méchants, dur constat pour un humaniste
Hollande a de mauvaises raisons de détester (du moins en apparence) cette catégorie d’électeurs potentiels ; leurs bons salaires, la plupart du temps, ils le méritent, ce ne sont pas des spéculateurs. En homme de gauche, il devrait plutôt les haïr pour leur méconnaissance de la pauvreté, leur condescendance, leur propension à parler, s’apitoyer sur une catégorie de la population qu’ils ne connaissent pas et sur laquelle ils pérorent. Mais lui non plus ne sait rien de la pauvreté, qui reste uniquement un thème de campagne électorale, au mieux un sujet livresque, comme l’ouvrage sur l’extinction du paupérisme, rédigé par Napoléon III en 1844.
Or, pour comprendre les pauvres et éventuellement les aider à progresser et à mieux vivre, il faut habiter à leur contact, les observer pendant longtemps et analyser leurs défauts, leurs points faibles, les hygiénistes du 19° siècle auraient dit étudier leurs vices et leurs tares, leur idiosyncrasie. En tout cas ce n’est pas en étant complaisant et naïf qu’on va les aider à sortir du trou ; le pauvre à certes des excuses, mais il peut se montrer à son niveau un salaud aussi abject qu’un patron exploiteur du temps de Zola. D’ailleurs, l’auteur de Germinal ne tombe pas dans le manichéisme, ses héros pauvres sont entourés d’infâmes ordures venant aussi des bas-fonds, il en est de même pour Hugo dans les Misérables. Si l’homme est un loup pour l’homme, le pauvre peut se révéler un prédateur encore plus dangereux, car il y va de sa survie. Et il n’a ni les moyens ni le désir de mordre les plus puissants, alors il s’attaque aux petits cons, aux femmes et aux faiblards de son entourage quand il est un peu plus malin ou costaud.
Concernant la pauvreté, l’angélisme ne donne que de mauvais résultats et renforce les injustices et les inégalités avant tout au détriment des défavorisés. Car, cela ne parait pas évident de prime abord, mais le pire ennemi du pauvre au quotidien, c’est avant tout l’autre pauvre, et cela sous toutes les latitudes. Des cités dites sensibles de banlieue parisienne, aux quartiers sinistrés du Nord-Pas-de-Calais, jusqu’aux bidonvilles de Nairobi et aux camps de réfugiés somaliens, chaque pauvre doit d’abord craindre son voisin, mais aussi l’environnement dans lequel il a grandi et qui le pousse le plus souvent à l’inhumanité. Aider les pauvres c’est avant tout leur permettre de faire le ménage chez eux et éradiquer leurs éléments nocifs.
Les associations humanitaires, soutenues par les bailleurs de fonds internationaux essayent depuis longtemps d’intervenir dans les bidonvilles, en Afrique anglophone, on parle de slums. Le résultat réel est minable, en faux semblant et totalement biaisé dans les rapports officiels. La réalité n’a rien à voir avec les succes-stories à l’américaine publiées sur papier glacé qui concernent ces projets. D’abord ce fût par naïveté et méconnaissance du contexte que l’échec s’installa. Désormais les contraintes sont connues mais l’échec persiste par résignation et parce qu’il faut donner l’impression de travailler et d’obtenir des résultats positifs pour continuer à dépenser les subventions qui de toute manière doivent être décaissées des budgets sans faire de vagues. Le pauvre n’est pas le but de l’aide internationale, il en est seulement l’alibi.
Que ce soit en Amérique latine, en Asie ou en Afrique, les bidonvilles sont tous sous la loi des gangs. Prostituées, vendeurs ambulants, petits voleurs, récupérateurs de déchets et hommes de peine, jusqu’au moindre habitant même honnête, tout le monde est intégré dans un système qu’il doit respecter. Travailler ou tout simplement vivre dans un tel lieu, c’est accepter de collaborer avec la mafia locale, ou au mieux subir son contrôle après son adoubement. Nous pouvons déjà faire le rapprochement en France avec le problème des Roms dans les caravanes et les camps provisoires sur des terrains vagues, exploités par des compatriotes millionnaires et la mainmise des caïds sur certaines cités HLM. Aider les pauvres appartenant à un milieu fermé et solidaire (même s’il s’agit d’une solidarité forcée) signifie travailler avec ou sous contrôle des gangs. Ça fait mal à entendre, alors personne ne le dit. A Nairobi, se trouvent les plus grands slums d’Afrique, n’ayant d’équivalent que Soweto et les bidonvilles d’Addis-Abeba. Kibera, Banana, Kawangare, Mathare Valley etc… sont tous sous contrôle d’organisations criminelles, souvent sur base ethnique, comme dans le cas des Mungiki, une secte crapulo-mystique de Kikuyus qui à la main mise sur les petits boulots, fait la police interne, donne des autorisations, bref règle la vie des bidonvilles de Banana et Mathare et perçoit des taxes parallèles, souvent sous la terreur et l’extorsion. Les ONG qui travaillent dans ce milieu, le savent très bien : les pauvres sont rançonnés par les petits truands qui sont eux-mêmes nés dans le bidonville, par contre les chefs Mungiki, ont pignon sur rue au centre-ville, possèdent de luxueuses villas, des hôtels, des bars et des restaurants où vont les touristes et sont cul et chemise avec les politiciens de leur ethnie, dont deux plus célèbres Kikuyus, l’actuel président Mwai Kibaki et Uhuru Kenyatta, le fils plus ou moins alcoolique du premier président du pays et aussi leader politique. Mais le pauvre, quand il n’est pas membre d’un gang, peut se montrer aussi cruel avec un autre pauvre, le voler, l’escroquer, l’intimider, l’abuser sexuellement s’il est encore plus faible et plus naïf que lui. Le bidonville est une école de délinquance, certes, mais avant tout de bassesse et de cruauté. Celui qui vole un mois de salaire, un poste télé, un téléphone, ou même un lit à un voisin le met dans une situation inextricable ; le bobo d’Oberkampf est bien évidement contre la peine de mort et la justice expéditive, mais quand dans un quartier populaire de Nairobi une foule excédée coince un voleur, le plus souvent elle le tabasse à mort. On peut comprendre cette attitude, ce qui semble valeur dérisoire face à la vie humaine est souvent tout ce que possède le pauvre qui vient d’être délesté.
Pour un humanitaire, travailler dans un bidonville consiste à fermer les yeux, aider ceux que l’on vous désigne d’aider. Certes, les ONG y mettent les formes, elles n’arrosent pas directement les gangs, elles créent des comités de quartiers, de femmes, d’artisans ou de handicapés qui « choisissent » les bénéficiaires de l’aide, des formations, des ordinateurs, des volailles ou des machines à coudre. Mais tout est chapeauté par la mafia locale, qui place sœurs, concubines, « petits frères » sur les listes de bénéficiaires. Là aussi, on peut faire le rapprochement avec les associations de quartiers en France, souvent tolérées par la criminalité locale quand elles ne sont pas dirigées en sous-main, avec l’aide de prête-noms et de dirigeants de paille, par des dealers ou par des islamistes. Les parrains colombiens de la drogue et les chefs de gangs brésiliens ont aussi leurs associations caritatives ; l’assistance aux membres de la communauté était d’ailleurs la raison initiale de la Mafia et de la Camora, il ne faut pas l’oublier. Aider pour créer une allégeance et ensuite contrôler une population, toutes les mafias du monde l’appliquent. Et comme partout, quand le crime organisé ne possède pas ses organisations de bienfaisance, elle essaye de contrôler les autres qu’elles soient financées par les Nation-Unies ou l’Union Européenne voire même les Eglises.
Allons encore plus loin dans le sordide. Dans les camps de réfugiés, les règlements de compte interethniques sont monnaie courante. Par solidarité, les réfugiés et déplacés obéissent à leurs anciens leaders qui sont le plus souvent des criminels endurcis sans foi ni loi. L’exemple le plus criant fût celui des Hutus réfugiés au Zaïre qui servaient de base de recrutement, de cache et de réservoir d’assassins pour les génocidaires Interhamwe. Mais il y a plus récent et encore plus infâme. Le bruit court de façon obligatoirement officieuse depuis plus d’un an dans « la communauté internationale » que l’aide nutritionnelle distribuée aux enfants dénutris servirait dans un nombre important de cas, non à alimenter les gosses les plus mal en point, mais le bétail des Somalis. Personne n’osera le dire devant un micro, cela serait contreproductif, les bailleurs de fonds européens et américains ont besoin de publier des succès et de belles histoires, celle-ci ne l’est pas, c’est le moins qu’on puisse dire. Aussi parle-t-on à demi-mots de faisceaux d’indices concordants. En effet, en dehors des cas sévères, où l’enfant est pris en charge, hospitalisé, nourri selon un schéma nutritionnel strict et encadré à la fois médicalement et administrativement, les autres cas de malnutrition chronique reçoivent une ration alimentaire dite sèche à intervalle régulier à consommer à domicile, car l’enfant ne vient que pour les contrôles de poids et de taille. Les ONG ont compris que l’on ne pouvait donner que pour un seul enfant qui fait partie d’une fratrie, alors la distribution se fait sur la base d’un lot familial, hebdomadaire en général. Durant la sécheresse extrême qui frappa jusqu’à l’an dernier toute une partie de la Somalie, il semble que certains Somalis aient sciemment maintenu un enfant par famille en état de malnutrition chronique pour pouvoir recevoir un lot alimentaire et le donner à leurs chameaux, moutons et chèvres qui étaient en train de crever de faim. Vu avec l’œil occidental cela est révoltant, intolérable, inhumain ! Remis dans le contexte socio-culturel, cela s’explique. L’importance du cheptel est au-dessus de tout pour les populations vivant (ou plutôt survivant) du pastoralisme. Perdre son bétail, c’est comme perdre son âme, son honneur et sa raison de vivre, alors qu’un enfant, on peut en refaire un autre. Disons que ces pauvres types sont plus à plaindre qu’à blâmer ; en 2010, le PAM reconnaissait que 50% environ de l’aide alimentaire destinée à la Somalie était détournée avant d’arriver à destination (30% par les intermédiaires des UN, 10% par les transporteurs, 10% par des bandes armées). Alors quelques (dizaines) de tonnes destinées aux chameaux, c’est quasiment une goutte d’eau, par rapport au véritable trafic, d’autant que les agences onusiennes ont plutôt tendance à minimiser ces pertes.
Sous d’autres cieux, au Sud-Soudan, lors des bombardements de l’aviation de Khartoum, Nuers et Dinkas mettaient les vaches dans des abris avec les guerriers, les civils y compris les femmes et les enfants, restaient dehors sous les bombes s’il n’y avait plus de place. L’idéal lors d’une sécheresse serait finalement de laisser crever le bétail, pourquoi pas l’éradiquer et ne jamais le remplacer. Le nomadisme pastoral est condamné et ne sera plus jamais rentable. Il faut dès maintenant penser à la reconversion de ces gens, dans leur intérêt, sauf à les laisser croupir avec une aide vétérinaire vaine car inadaptée, au profit de leurs leaders qui sont le plus souvent des prédateurs.
Revenons en France. Dire que certains bénéficiaires de l’aide alimentaire viennent au Resto du Cœur ou au Secours Catholique chercher leur colis et repartent en Mercédès, c’est se faire taxer illico de suppôt du FN ou de ses sbires. Dire que le prolo blanc, même quand il n’est pas Chti’ s’achète souvent un écran plat avant d’aller chercher son aide à la mairie ou chez « Coluche » est perçu de la même manière par les bien-pensants. La majorité des gens qui reçoivent des vivres en ont réellement besoin, mais il est indéniable qu’il existe un petit nombre de profiteurs éhontés allant à tous les râteliers et des réseaux mafieux qui obligent les membres de leur… groupe, clan, communauté, famille (pensez ce que vous voulez) à participer à une arnaque organisée. Il en est de même pour la fraude aux prestations sociales et le travail au noir. Ici comme en Afrique, la lutte contre la pauvreté (et non contre les pauvres) passe par l’éradication des gangs, des mafias, des associations criminelles qu’elles soient autochtones ou non. Tout le reste est vain. Tant que les bidonvilles existeront au Kenya, il sera impossible de développer ces populations gangrénées par la criminalité de proximité bien plus présente que la police de même nom. Mais les pouvoirs publics et les grands financiers préfèrent saupoudrer de l’aide plutôt que s’attaquer au cœur du problème, d’autant que certains leaders, entrepreneurs ont des intérêts commun avec les mafias qu’ils font semblant de dénoncer. « L’ennemi » de François Hollande du fin-fond d’Oberkampf aura beau s’insurger quand on arrête un multirécidiviste roumain mineur, donner son petit chèque à une association humanitaire, et militer dans une association de quartier, ce n’est pour autant qu’il aura compris. Ou plutôt il se sera acheté une bonne conscience à bas prix. Personne ne veut s’attaquer aux sources du mal. Elles sont bien-sûr d’ordre social, économique et politique, mais la redistribution par l’impôt fût-il confiscatoire, ne changera rien ni en France ni en Afrique tant que l’on ne s’attaquera pas aux racines profondes que sont les mafias, les ghettos ethniques et sociaux, aux liens entre finance et crime organisé, politique et milieu interlope. Et puis, il ne faut pas oublier qu’à Nairobi tout comme en région parisienne, un bidonville ou un quartier insalubre prend de la valeur au niveau du prix des terrains au fil des années et qu’il faudra en temps déplacer vers un autre mauvais lieu les habitants quand l’heure de la spéculation immobilière aura décidé de transformer Kibera, ou les quartiers Marx Dormoy, Château Rouge ou Epinettes en lieux résidentiels de qualité. La meilleure chose que l’on puisse faire pour un bidonville ou un quartier insalubre, c’est de le raser, bien évidement en ayant prévu le relogement des habitants en les dispersant, sans recréer les conditions de contrôle mafieux dans leur nouvel environnement, d’où l’intérêt de la mixité sociale. Réhabiliter, c’est garder la gangrène en son sein. On ne soigne pas un cancer social avec de la peinture, des ascenseurs qui fonctionnent et du béton.
La stupidité et la méchanceté n’ont pas d’origine ethnique, l’abruti qui claque son RSA au point-course et le smicard qui s’endette chez Cetelem pour un écran plat ne vivent ni dans un camp, ni dans un bidonville africain. Le pauvre est poussé à la connerie et à la méchanceté par son environnement et par le manque d’éducation. Les politiques de toutes les latitudes lui font des promesses qu’ils ne tiendront jamais. Le discours politique et moral est à l’éradication des réseaux mafieux et criminels partout dans le monde et bien sûr à la moralisation de la société. Belles paroles jamais suivies d’effet, car les chefs de gang ont pignon sur rue, ont souvent des « amis » hauts placés, s’achètent de bon avocats, font profiter tout un système financier quand ils blanchissent leurs bénéfices douteux. La misère de son côté incite hélas très souvent à la bassesse, mais elle confronte sans protection à des gangs que l’on soit à Trappes, Kibera ou dans un camp de réfugiés. Alors un peu de charité spectacle, c’est inefficace, mais ça ne mange pas de pain, merci Monsieur Noah. On se donne bonne conscience, rien ne change et les pauvres par manque d’éducation, par solidarité forcée, par respect de coutumes ou tout simplement par peur continueront à subir les malfrats qui leur pourrissent la vie. Pendant ce temps, la droite de Neuilly criera à l’insécurité sans jamais avoir été en contact avec le moindre pauvre et les bobos de l’Est parisien, bien à l’abri chez eux, derrière leurs digicodes et portes blindées, fustigeront encore une fois les propos de Claude Guéant ou de Marine Le Pen avant de se prendre un apéritif républicain entre eux, le samedi avec quelquefois un vigile à l’entrée de leur cour fermée d’accès à la racaille, avec un invité noir ou arabe présentable comme alibi.
En politique le pauvre n’est guère mieux loti. En Afrique il suit les yeux fermés les chefs de clans ou de milice, les gourous des sectes religieuses ou les politiciens népotistes et tribalistes véreux qui achètent les voix ou recrutent leurs nervis. En France il croit aux slogans et aux phrases simples. D’où le succès de Marine Le Pen et de Mélenchon. La dette, on ne paiera pas, il faut fermer les frontières, la gauche en veut à vos économie, je n’aime pas les riches, mon ennemi c’est la finance, cela marche si l’on peut dire comme au temps de Marchais. Pour être élu il faut savoir mentir au peuple et surtout aux pauvres, mais avec des mots simples dits avec la conviction de l’arracheur de dents, les candidats à la présidence l’ont presque tous compris. Elections, pièges à pauvres !
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