La journée de la pute

En 1991, déjà, Alphonse Boudard, a qui l’on posait cette question de la réouverture des bordels, était assez sceptique : « Non, ce n’est pas possible de les rouvrir parce que c’est le passé. La marine à voile, quoi. »
Olivier Bailly : Un sondage récent dit que 59% des Français sont pour la réouverture des maisons closes. Que vous inspire ce sondage ?
Miguel-Ange Garzo : Le collectif Droits et prostitution n’a jamais demandé l’ouverture des maisons closes. L’idée étant que les prostituées puissent exercer librement leur métier. Pour nous chacun à le droit d’exercer comme il le souhaite et comme il l’entend la prostitution. La réouverture des maisons closes, telle qu’avant la loi Marthe Richard, pourrait réintroduire du proxénétisme. On peut se demander aussi si ça ne serait pas un moyen, comme l’a fait la Loi pour la Sécurité Intérieure (LSI), de chasser les prostituées qui sont dans la rue.
OB : Les prostituées pourraient se regrouper dans des cabinets, comme le font les professions libérales. Elle s’auto-géreraient, en quelque sorte. Est-ce que cela rejoint les propos tenus récemment par la députée UMP Chantal Brunel ?
MAG : Pas totalement. Ce qu’on souhaite c’est que les prostituées deviennent autonomes et qu’elles puissent exercer librement la prostitution. Ensuite qu’elles se regroupent ça pourrait être une idée, mais pour que cela puisse se faire il faudrait déjà abolir les articles de la LSI qui pénalisent la prostitution. Prenons deux personnes qui travaillent dans un même appartement, si l’une est propriétaire et fait bosser une autre personne, celle qui est propriétaire peut tomber pour proxénétisme.
OB : Dans le même ordre d’idée un webmaster qui fabrique un site pour une prostituée peut être inculpé de proxénétisme.
MAG : C’est pourquoi de nombreux sites sont faits à l’étranger. Celui qui héberge le site peut aussi tomber pour proxénétisme parce qu’il facilite et les personnes qui font des blogs peuvent tomber pour racolage.
OB : A partir du 25 mars, donc au lendemain des Assises, le ministère de l’Intérieur met en place un groupe de travail sur les maisons closes. Qu’en pensez-vous ?
MAG : Nous n’y sommes pas associés ! Voilà ce qu’on en pense. On estime avoir une expertise et l’on trouve aberrant de ne pas être consultés pour ce genre de chose. En terme de lutte contre le Sida, par exemple, le plan national triennal se met en place et nous avons été, nous associations ainsi que les prostituées, contactés par le Ministère de la santé pour réfléchir au projet de prévention sur les trois prochaines années au niveau national. Nous avons été complètement impliqués.
OB : Avec les maisons closes l’un des trois thèmes de la journée de demain au Sénat est « Internet et prostitution ». Quelles sont vos préoccupations à ce sujet ?
MAG : Il faudrait que nous puissions mettre en place de vraies actions de prévention via Internet. C’est un point très important pour nous, parce que cela concerne toute une partie de prostituées qui exerce la prostitution.
OB : Les clients sont un des autres thèmes majeurs de ces 4èmes assises de la prostitution
MAG : Nous pensons qu’il faut faire de la prévention auprès des clients. Mais c’est plus compliqué. En 2005 il y a eu une initiative intéressante menée à Lille par une association nommée Entractes-GPAL qui avait lancé une campagne en direction des clients sur les bus lillois.
OB : Comment allez-vous lancer cette campagne de prévention vers les clients ?
OB : Vous demandez aussi le bilan annuel de la LSI. Demandez-vous toujours son abolition ?
MAG : Nous demandons toujours l’abolition de l’article qui pénalise le racolage ainsi qu’une révision de l’article sur le proxénétisme. Mais la loi prévoyait aussi un bilan annuel. Or depuis 2003 aucun bilan annule n’a été effectué. Et surtout Nadine Morano a annoncé qu’elle lancerait un état des lieux et nous souhaiterions que les associations et les prostituées fassent partie de cette réflexion.
OB : Le fait que ces Assises se tiennent cette année au Sénat signifie-t-il que les politiques commencent à être sensibles à cette question ?
MAG : Nous sommes accueillis au Sénat, donc il y a des personnes qui nous écoutent et écoutent nos revendications, donc c’est un point important pour nous.
OB : Pourquoi cette question de la prostitution pose-t-elle toujours problème dans notre société ?
MAG : Parce que cela renvoie à la sexualité de chacun. A mon sens on est encore dans une société où la sexualité, ou le rapport sexuel, est une chose encore très taboue.
OB : Statistiquement que représentent ces femmes qui exercent la prostitution de leur plein gré ?
MAG : Selon moi c’est la part la plus importante, mais je ne pourrais pas vous donner de chiffre, tout comme on ne peut pas donner de chiffre sur les personnes qui exercent la prostitution.
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