Mariage pour tous : Réactionnaire ou Résistant ?
Depuis longtemps, quiconque se montre rétif au Progrès perd toute légitimité. Quiconque ose contrer la « marche de l’Histoire » se fait traiter de « réac » ou, pire, de « vieux réac ». Or, cette insulte, si on la considère sous un angle positif, peut se transmuer en compliment…
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Le dernier avatar de cette accusation, même si on emploie des termes non-marxistes, se joue autour de cette histoire délirante de Mariage pour Tous, dont la pagaille gouvernementale est en train de démontrer ce que nous étions quelques-uns à clamer : la boîte de Pandore est ouverte. Le Mariage pour Tous donne plein droit à l’adoption par des couples homosexuels, donc à la Procréation Médicalement Assistée pour les dames qui trouvent qu’un homme est inconsommable, et à la Gestation Pour Autrui, pour les messieurs que révulse la proximité immédiate d’une femelle.
Sagesse du fou, folie du sage
On en est arrivé à un degré de folie telle que nous avons besoin d’expliquer ce qui, il y a fort peu de temps encore, était une évidence depuis que l’humain a une conscience : un enfant provient d’un homme et d’une femme ; ce sont là ses seuls véritables parents, quels que soient par la suite les aléas de la vie qui pourraient l’en priver. Et comme si de telles occurrences n’étaient pas assez dramatiques, avec le MPT, on privera délibérément l’enfant de l’un de ses parents, soit disparu de la circulation, soit tenu à l’écart dans le rôle de simple reproducteur/trice, soit intégré à la famille, ce qui institue un ménage à trois (voire plus) ou une polygamie de fait (sauf, en principe, au niveau sexuel).
Voilà ce que dit le réac, contre les députés majoritaires géniaux qui ont réinventé le bon sens et refondé toute l’anthropologie en l’espace de quelques mois.
Le réac n’a aucune chance contre le Progrès.
Le ringard n’a aucune chance contre la Modernité.
Refuser l’Évolution, c’est glisser d’office dans le passé, même si en réalité il s’agit seulement de préserver ce qui, dans le présent, s’avère solide et nécessaire. Seul l’Avenir, divinisé, tient lieu de réponse à tout. Or, l’avenir, personne n’y échappera, par définition. Tout le problème consiste à savoir de quoi il sera fait. De quoi nous le ferons.
Ne pas vivre avec son temps
Heureusement, certains ont compris, en leur temps, qu’il ne fallait surtout pas vivre avec son temps.
Lorsque le jeune pasteur luthérien Dietrich Bonhoeffer osa, dès 1933, prendre la parole contre Hitler, il se dressait quasiment seul contre tous ses compatriotes, qui rêvaient d’un Reich de mille ans et parmi lesquels il y eut des chrétiens qui qualifiaient Adolf Hitler de Messie !
Lorsque, parmi les intellectuels progressistes, il était de bon ton, pour ne pas dire obligatoire, de céder au chant des sirènes des usines communistes, Camus avait compris que le communisme était mortifère quand il prétendait faire le bonheur des gens en les déportant ou en les exterminant. Là aussi, c’était une évidence, contre laquelle il fut un des seuls à se dresser avec sa « morale de Croix-Rouge ». La publication, en 1951, de L’homme révolté le coupa de quasiment toute l’intelligentsia parisienne. Six décennies plus tard, c’est Camus qui a raison contre Sartre. C’est lui, le prophète, c’est lui, le visionnaire. Lui, le réactionnaire, le ringard, le « philosophe pour classes terminales », sut voir plus loin que le bout du nez des gens qui avaient soi-disant tout compris.
Hélas, il faut que la masse ait payé les pots cassés avant de donner raison aux prophètes.
Lorsque, après l’écroulement de l’URSS, certains ont sifflé la fin de l’Histoire, imposé la « pensée unique » thatchéro-reaganienne en matière économique, lâché la bride au capitalisme triomphant, combien ont annoncé que c’était là une folie économique et un crime contre l’humain ? Aujourd’hui, ce courant dévastateur n’est pratiquement plus endiguable. Qui a été intelligent ? Qui a été visionnaire alors, sinon les « gens du passé » (ainsi que la droite modernisme traitait les gens de la gauche lucide) ?
Lorsque, en 2003, Dominique de Villepin prononça son magnifique discours à l’ONU pour signifier que la France récusait la guerre en Irak, ne fut-ce pas l’honneur de notre pays d’être quasiment seul contre tous ? Que n’a-t-on entendu alors ! La suite a prouvé que nous avions en fait complètement raison. Actuellement, l’Irak et tout ce qui l’entoure n’est toujours pas remis des aventures de « W ».
Tenir ferme
Le droit de dire non, le droit de ne pas collaborer, le droit de dire : Je resterai planté sur ma terre ferme quand tout le monde juge plus intelligent d’aller faire trempette dans le fleuve en crue, ça ne fait pas de nous des réactionnaires.
Le réactionnaire veut faire marche arrière (il n’est d’ailleurs pas honteux de revenir à ce qui était antérieurement quand il s’agit d’annuler des décisions stupides). Nous, nous demandons surtout que l’on tienne ferme sur ce qui est ferme, sur ce qui nous a portés jusqu’ici, sur ce qui a fait ses preuves. Changer pour changer, c’est une invention occidentale. Ça n’a aucun sens par soi-même. En fait, c’est une pure logique de consommation : il faut que ça bouge. Il faut changer de société comme on change de bagnole. « Le changement, c’est maintenant. » C’est finalement la logique de 1968 (mouvement plutôt sympathique, mais aussi contestable qu’il fut contestataire) : du passé faisons table rase, aux chiottes les viocs. Ce qui était avant nous est tout simplement dépassé et ridicule.
Or, il ne s’agit pas de s’arc-bouter au passé, ni de fossiliser le présent, mais de faire le tri, et de le faire précisément en prévoyant à long terme les conséquences des décisions que l’on prend aujourd’hui.
Hélas, les foules sentimentales se laissent émouvoir par des caprices catégoriels, par des cliques, par des lobbies, et même par des comploteurs.
On cède à Davos comme on cède à Lesbos. Et on choit dans la fosse.
C’est là qu’est l’os.
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