Pour une révolution judiciaire
On prête à Balzac ce mot terrible : « Les Français sont plus soucieux d’égalité que de justice. » Je serais tenté de dire qu’aujourd’hui, si la justice ne change pas radicalement, les Français ne risquent pas de souffrir d’un trop-plein d’égalité et qu’ils vont continuer de présenter aux politiques, élection après élection, la « facture sociale » sous forme de vote sanction et de banlieues dévastées. Le sentiment d’absence de justice ne se mesure pas autrement !
L’erreur du menuisier
C’est ainsi que les avocats nomment la situation du procureur, situé à la même hauteur que le juge du siège. Oui, c’est plus qu’une erreur et je trouve scandaleux que le parquet puisse faire appel d’une décision du juge du siège. Il n’a aucune légitimité à le faire, pire il met en cause indirectement la notion d’indépendance de la justice : l’administration de la justice conteste la légitimité de ses propres décisions. Le pouvoir d’appel devrait être réduit aux parties point final. L’intervention au titre des parties civiles d’associations diverses et variées devrait aussi faire l’objet de limitations sévères. Les « class actions » peuvent utilement remplacer cette intrusion du politico-médiatique dans la salle d’audience. Les modalités des « class actions » restent à définir, le débat ne fait que commencer. Des candidats ?
Le trouble à l’ordre public
Cette notion qui n’a aucune définition concrète devrait être retirée aux magistrats du siège comme du parquet pour être confiée à un « procureur civil » élu au suffrage direct dans chaque département. Ce droit exclusif pourrait être étendu aux maires des communes où se sont déroulés les faits incriminés. Ils sont les mieux placés pour mesurer le trouble à l’ordre public dans leur commune. Le juge du siège n’aurait qu’à apprécier en toute indépendance la validité du trouble et ses conséquences dans le déroulement de la procédure.
La solitude du juge (siège et instruction)
Basta des larmes de crocodile. Les échecs judiciaires répétés sont la conséquence d’un pouvoir du juge exorbitant que le juge des libertés n’a qu’à peine entamé. La collégialité des décisions doit être la règle : je propose pour chaque poste de juge du siège la nomination de deux assesseurs civils, élus au scrutin de liste par les citoyens au niveau national. Un examen de français serait obligatoire, ces assesseurs devant rédiger leurs conclusions à soumettre au juge du siège. Je suggère qu’ils aient plus de 50 ans pour garantir une expérience indispensable de la vie et ne puissent siéger au-delà de 70 ans. Chaque « juge civil » membre du trio judiciaire serait chargé l’un des intérêts de l’accusation, l’autre de la défense, le juge du siège technicien et professionnel du droit s’occupant de maintenir le respect du droit dans sa forme et dans son esprit. Les décisions étant prises à trois, le juge du siège pourrait faire appel du choix de ses assesseurs uniquement sur la forme et non sur le fond. Je n’ignore pas le coût induit, mais le budget de la justice mérite beaucoup mieux : c’est de la fracture sociale qu’il s’agit !
La matérialité des preuves
L’intime conviction n’exonère pas du devoir de preuve. La matérialité de la preuve devrait faire l’objet d’un exposé clair dans chaque jugement, et l’absence de preuves matérielles avoir des conséquences directes sur le verdict : réduction de peine de moitié par rapport au maximum encouru en cas d’unanimité des juges sur la culpabilité, voire impossibilité de condamnation en cas de manque de preuves. Une décision d’acquittement accompagnée d’un « estimé coupable en l’absence de preuves » pourrait faire l’objet d’une mention au casier pour servir en cas de récidive. Cela pourrait dissuader certains chevaux de retour qui savent qu’au pénal on ne peut faire allusion à la chose jugée antérieurement sauf dans ce cas.
Le Parlement et le droit
La chambre sociale de la Cour de cassation se substitue trop souvent au législateur en faisant évoluer la jurisprudence du droit social au gré de ses humeurs. Cela crée une insécurité juridique qui ne profite à personne. De même certains arrêts du conseil d’Etat peuvent échapper au contrôle démocratique par le seul fait de leur complexité ! Lorsque le droit échappe à la compréhension du justiciable il devient abus. Bizarrement, les tribunaux administratifs qui ne sont pas vraiment la marque d’une égalité des droits entre citoyens et administration font souvent l’objet de commentaires flatteurs de la part des professionnels du droit pour la pertinence de leur action ! Malheureusement cette juridiction me paraît peu susceptible de rendre aux Français la confiance nécessaire dans leur système judiciaire. Peut-on sans dégâts supprimer les juridictions administratives ?
Les professionnels du droit et de la justice n’ont guère fait la preuve de leur souci d’être au service des citoyens : corporatisme et lâcheté ont bloqué les trains de réforme avant même qu’ils soient formés. Ce phénomène est aussi vrai de la santé et de l’éducation. Mais le danger de reformes radicales bâclées est aussi grand que celui de l’inaction. En lançant un débat sans préjugés, nous pouvons peut-être redéfinir ce que nous attendons d’une « civilisation respectueuse de l’homme ».
Bonne année 2008
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