Squat : la tragédie à la française
Une petite histoire du squat en images, sur une période d’un an et en cinq actes, deux ans avant l’incendie mortel du samedi 26 avril 2008. Le second film, la visite au squat, nous plonge dans la tragédie à la française, avec ses accents prophétiques.
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Samedi 26 avril 2008, un incendie se déclare dans la nuit au second étage, au cœur de l’escalier A d’un immeuble historique squatté depuis plusieurs années par 72 familles, près de 300 personnes. C’est le squat Charles-Michels, bien connu à Saint-Denis. L’incendie fait un mort et plusieurs blessés graves. Dans la journée, les secours et les officiels arrivent pour parer au plus pressé. Pompiers et volontaires de la Croix Rouge, notamment, secourent, dès le petit jour, enfants, femmes et hommes.
Pour le préfet et les services de la mairie, la question est avant tout
de savoir où reloger les 105 résidents de l’escalier A, détruit ou
rendu inhabitable par l’incendie. Des logements de fortune, mais sains,
sont promis dans l’après-midi pour 60 personnes. Les recherches se
poursuivent.
Un nouveau cas tragique du mal-logement en Seine-Saint-Denis comme dans toute l’Ile-de-France...
Pourtant, ce squat n’est pas n’importe quel squat.
Depuis deux ans, les résidents négocient avec la mairie et les prestataires vitaux, EDF et la CGE, la régularisation de leur situation de résidents et le maintien dans l’immeuble, dans des conditions de vie honorables. Grâce à une ténacité et une rigueur autogestionnaire des plus démocratiques, aidés par le Réseau Solidarité Logement du département de Seine-Saint-Denis, ils obtiennent gain de cause et l’immeuble sera réhabilité, escalier par escalier, pour devenir un immeuble-passerelle, destiné aux gens en difficulté extrême de logement.
Un accord est passé avec Adoma, le gestionnaire de foyers, pour la
construction d’un immeuble temporaire, mais de bonne qualité, en face
du squat. On peut voir aujourd’hui ce bel immeuble à l’allure quasi
luxueuse narguant l’immeuble squatté qu’une longue balafre noire
défigure vilainement.
Fatalitas ! Ce bel immeuble élégant ne sera livré qu’au mois de juin et prêt à accueillir les résidents en septembre !
Il y avait déjà eu deux mini-incendies dans cet immeuble. Et certains résidents sont las de patienter dans de telles conditions d’existence. Car nombre d’entre eux travaillent et sont tout à fait en situation de payer un loyer normalement, dans un HLM du parc public ou privé.
Le problème est toujours dans la pénurie de logements sociaux ou simplement habitables dans une bonne partie de la Seine-Saint-Denis et dans toute l’Ile-de-France. Mais plus à certains endroits qu’à d’autres, il est vrai, étant donné comment la loi Besson exigeant 20% de logements sociaux dans chaque ville moyenne est contournée facilement.
Il est aussi dans la lenteur tragique des pouvoirs publics, qu’ils
soient de bonne ou de moins bonne volonté, à trouver des solutions
durables qui permettent d’activer réellement ce "droit au logement"
prétendu "opposable" pour celles et ceux qui en ont le plus besoin, ici
et maintenant. Et parfois ce sont des contradictions surprenantes, puisque
tandis que la mairie de Saint-Denis négocie le maintien des 72 familles
du squat Charles-Michels (mais dans quelles conditions aussi, on le
voit...), Plaine Commune Habitat, l’OPAC de la communauté
d’agglomération expulse des squatteurs aux Francs-Moisins, un autre
quartier de Saint-Denis...
Dernières nouvelles, les résidents ont choisi de camper devant
l’immeuble, par crainte de se voir dispersés dans tout le département
et de voir remis en cause le processus de relogement avec Adoma. Ils
souhaitent être rassemblés dans une salle de la ville de Saint-Denis ou
pouvoir déjà entrer dans l’immeuble neuf. Un rassemblement de soutien
est prévu dimanche à 15h, devant l’immeuble.
Nous publierons prochainement un film-chronique de cet événement... et
nous reviendrons sur le mal-logement en Seine-Saint-Denis.
Dans cette attente, nous vous proposons une série bien française, le
feuilleton d’une année de négociations entre les résidents du squat
Charles-Michels, la mairie de Saint-Denis, EDF et la CGE, jusqu’au
dénouement final... et prometteur.
Cette aventure humaine, assez unique dans l’histoire des squats comme
dans celui du logement, la voici racontée en cinq actes, comme une
tragédie du monde contemporain. Un feuilleton de cinq films à regarder
à la suite...
Acte 1/ Tout commence à la mairie de Saint-Denis...
Crédit photo : LP/M.C.
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