2014 ou 2017, une immense découverte scientifique en vue ?

Les grandes découvertes scientifiques sont à l’image des crues, certaines sont décennales, d’autre centennales. Cependant, on ne voit souvent qu’après-coup l’importance d’une découverte. Les spécialistes sont les premiers à statuer sur les changements de paradigmes. Par la suite, les manuels scolaires et les livres pour grand public finissent par faire entrer la science dans le domaine culturel. La recherche demande du temps et son timing ne correspond en rien à l’exigence médiatique qui veut tout savoir et tout de suite si possible. Cette frénésie en devient hallucinante. Bientôt, il faudra donner le nom du coupable avant que le crime ne soit commis. Plus sérieusement, les découvertes scientifiques relatées dans les médias ne sont pour la plupart que des avancées technologiques. Qui ne présentent pas de grand intérêt. Quant aux événements sortis des laboratoires, ils sont parfois sans importance. Comme le boson de Higgs ou bien les observations du satellite Planck qui ne font que confirmer la validité de deux mastodontes théoriques, le modèle standard pour les « particules et champs quantifiés » et le modèle cosmologique établi par les équations d’Einstein dont la formulation définitive date de 1917.
Eh oui ! En 2017, on ne célébrera certainement pas le centenaire de la révolution d’Octobre en Russie, pas plus qu’on ne se passionnera pour l’élection présidentielle en France mais on peut penser que la communauté scientifique commémorera le centenaire des équations cosmologiques ; suivies dix ans après par la naissance officielle de la mécanique quantique en 1927. Et quoi de mieux pour célébrer cet anniversaire que la publication d’une nouvelle découverte d’importance majeure ?
Carlo Rovelli est l’un des mieux placés pour appréhender une prochaine découverte décisive en physique. Son domaine est la gravitation quantique à boucles. Il maîtrise les deux blocs théoriques du 20ème siècle que sont la mécanique quantique et la cosmologie relativiste. De plus, il développe une approche presque philosophique et dans quelques unes de ses nombreuses publications, il interroge le sens des théories physiques, n’hésitant pas à interpréter la mécanique quantique comme une théorie qui met en relation des dispositifs physiques. Tout en enfonçant le « clou » en proposant une approche similaire pour l’entropie qui devient « relative » et décrit l’information qu’un système possède sur un autre. En 2006, Rovelli publiait un texte important à mes yeux et dont le titre en dit long sur le chemin pris par la physique au 21ème siècle ; une révolution inachevée (C. Rovelli, unfinished revolution, chapitre introductif à un recueil consacré à la gravité quantique). La révolution en cours portant sur une certaine unification de la mécanique quantique et la cosmologie relativiste. Ces deux branches de la physique livrant actuellement une vision « schizophrénique » de la nature selon Rovelli pour qui les bonnes questions finissent par avoir une réponse. Les concepts fondamentaux de la cosmologie sont en contradiction avec la MQ et réciproquement, les fondations conceptuelles de la théorie quantique des champs sont contredites par la cosmologie. Comment résoudre cette contradiction ? Telle est la question.
Comme le souligne Rovelli, à d’autres époques, des questions sur la représentation des choses physiques ont été posées. Par exemple, Ptolémée ou Copernic ? Paraboles de Galilée ou ellipses de Kepler ? Comment décrire magnétisme et électricité ? La théorie de Maxwell s’inscrit-elle dans un référentiel privilégié ? Comment construire une mécanique quantique appliquée aux champs… ?). Ces questions sont rarement résolues en quelques années mais elles ne résistent pas à quelques décennies de recherches. La question centrale de la physique du 20ème siècle a été : Peut-on construire une théorie qui soit consistante avec la mécanique quantique et la cosmologie relativiste ? Cette question fut posée dans les années 1930 mais ce n’est que depuis deux à trois décennies que les physiciens ont déployés des efforts considérables pour la solutionner. En 2012, Rovelli a fait le point sur 25 années de recherches en gravité quantique. La révolution est toujours inachevée. Selon ses dires, la solution est en bonne voie mais l’hypothèse d’un échec n’est pas à exclure.
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La situation de la physique est assez étrange. Comme l’a indiqué Rovelli, les questions fondamentales sur la nature finissent par être solutionnées. Parfois, il y a des solutions sans que des questions n’aient été posées ou alors qui ont été résolues au moment où elles ont été posées. C’est très rare mais c’est arrivé avec Newton qui inventa la mécanique des corps célestes (mais peut-être que la question était déjà posée avec la formule sybilline de Galilée sur l’univers codé en langage mathématique). Les grandes révolutions scientifiques sont accompagnées d’un changement de vision du monde. La situation consécutive à la mécanique quantique est pour le moins étrange. Personne n’est parvenu à interpréter ce que dit cette théorie sur la nature. D’après un propos de Rovelli publié en 1996, cette mécanique porte en elle la promesse d’un changement de compréhension aussi radical que celui opéré par la science du 17ème siècle. Néanmoins, rien ne permet de présager si cet événement aura lieu ni quelle en sera la teneur.
Pour l’instant, je vais me contenter de prophétiser, ça ne mange pas de pain et ça ne les multiplie pas non plus. Une alternative. Ou bien une compréhension nouvelle sera révélée et acceptée, ou bien il n’y a pas de compréhension accessible. Il est possible de rester agnostique et d’utiliser le monde sans se poser la question de ce qu’est la Nature et l’Univers. Mais si cette compréhension nouvelle se dessine, sera-t-elle établie par une interprétation de la physique ou bien une nouvelle physique ou encore les deux à la fois ? Le champ est ouvert et l’état des connaissances reste instable, incertain. C’est comme en 14. A tout moment, un événement imprévisible peut se produire, comme ce fut le cas lors de l’attentat de Sarajevo. Un savant génial peut écrire une théorie inédite. Et faire basculer la science. Je reste assez perplexe sur la gravité quantique ainsi que sur la théorie des cordes. S’il y avait une solution théorique, elle aurait été trouvée depuis longtemps.
Il y a deux issues pour la physique du 21ème siècle. En supposant qu’il existe un cadre permettant de supprimer les contradictions entre le quantique et le cosmologique, il devrait être possible d’établir un théorème de superconsistance. A l’inverse, un théorème d’inconsistance aurait autant de « gueule », à l’instar des deux théorèmes d’incomplétude établi par Gödel. Un tel théorème mettrait fin à un programme d’unification physique tout en suscitant d’immenses interrogations sur la Nature. Mais pour l’instant, il y a un autre problème, c’est celui de la pluralité des théories quantiques. Y compris dans la version des champs, avec l’option conventionnelle et l’option algébrique. Quelle théorie doit être choisie pour être raccordée à la cosmologie ? Et puis, la théorie quantique est-elle complètement aboutie ? Si oui, que dit-elle sur la Nature ? On ne doit pas non plus écarter les résultats issus de la théorie des cordes et la correspondance AdS/CFT. Et puis l’entropie du trou noir et l’holographie. Peut-être que la physique a découvert quelque chose d’absolument inédit à force de triturer les mathématiques. La vérité de l’Univers est autant une affaire de physique que de philosophie. L’issue se résoudra soit dans une super-théorie, soit une super-interprétation. Il se peut bien que la physique du 21ème siècle trouve quelque chose qu’elle n’a pas cherché. L’univers comme système de mise en relation des parties avec l’information surdéterminée ? Ou alors autre chose… j’ai bien une idée mais…
La fenêtre de tir reste ouverte. Les surdoués de la physique ne sont pas si nombreux mais parmi eux, il y en aura un ou plusieurs susceptibles de tirer les premiers et d’étonner la communauté des scientifiques avec une super théorie inédite, toute aussi inattendue que la mécanique quantique en 1924 et la cosmologie d’Einstein en 1917. Cette théorie nouvelle nous permettra de comprendre la Nature, l’Univers, son sens et la place de l’homme. Elle devrait également changer radicalement notre vision de l’évolution et la compréhension de la conscience. Cette issue est réjouissante. Enfin il va se passer quelque chose, après les décennies incertaines 1980, 1990 et 2000, et surtout minables dans le champ de l’art et de la culture.
liens utiles
http://fr.arxiv.org/pdf/gr-qc/0604045
http://fr.arxiv.org/pdf/1012.4707
http://fr.arxiv.org/pdf/1311.0054
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