Andasol est-il un projet énergétique viable ? (1/2)
Lors de notre première interview de Jean-Pierre Petit, le scientifique a notamment abordé le sujet du nucléaire, et a fait connaître à nos lecteurs le site d’Andasol (photo), en Espagne, qui est selon lui une technologie qui pourrait être dupliquée dans bien des pays afin de produire de l’énergie “propre” à moindre coût. Nous avons sollicité un expert de ces questions (qui souhaite garder l’anonymat) afin d’évaluer concrètement ce site et la réussite de son modèle. Et d’après lui Andasol n’est pas si rentable que cela.
E&D : Selon vous la technologie d’Andasol est-elle rentable et duplicable ailleurs dans le monde ?
La technologie d’Andasol fait partie des centrales thermiques à concentration. Le concept est bien connu et expérimenté (à petite échelle) notamment aux USA. Themis en France, depuis fermée, était basée sur le même principe mais en plus petit et avec un autre système de concentration.
Ici on utilise des capteurs paraboliques qui maximisent l’énergie reçue puisqu’ils déplacent la parabole au cours de la journée en suivant le soleil et concentrent l’énergie pour obtenir des températures de l’ordre de 400°C qui sont nécessaires pour le cycle vapeur derrière. Les paramètres énergétiques publiés sont crédibles. Mais allons à l’essentiel. Le projet est une escroquerie de grande ampleur comme d’ailleurs 99% de projets “renouvelables”.
Les chiffres principaux :
Puissance de crête : 50 MWe (mégawatt électrique). C’est tout petit. Une centrale nucléaire fait typiquement 1000 MWe par tranche.
Production annuelle : 180 GWh (Gigawatt heure). Cela fait une moyenne de 250 W/m² mais très mal répartie. La majeure partie en été quand on n’en a pas besoin et peu en hiver quand on en a besoin.
Investissement : 300 Millions d’euros.
Compte tenu de l’agressivité du fluide caloporteur (sels fondus) et de la complexité de l’installation on devrait exiger une période d’amortissement de 10 ans.
L’Espagne finance actuellement sa dette à 6 % sur 10 ans. Supposons que l’investisseur peut se refinancer aussi bien qu’un État (c’est impossible mais on veut faire une estimation conservatrice). Dans ce cas l’annuité sur 300 M€ à 6 % sur 10 ans est de 43,3 M€. Rapporté à la production cela fait 241 € / MWh ou 0,241 € / kwh. Donc uniquement le coût du capital représente déjà 241 € / MWh et ce dans des conditions de refinancement très favorables .
Avec cela on n’a pas encore payé le premier euro des frais de personnel, de maintenance, d’administration, de l’eau (colossal !), location du terrain (énorme avec 200 ha !) et de la distribution.
Les auteurs du projet publient un coût total de production de 271 € / MWh ce qui est bien du même ordre de grandeur que le coût du capital estimé dessus. Néanmoins la différence (271 – 241 = 30) est beaucoup trop faible pour payer tous les coûts hors capital. Sans doute bénéficient-ils de subventions et aides (par exemple mise à disposition de 200 ha gratuite, ce que vous et moi n’obtiendrions jamais) et sous-estiment leur coûts. Pour fixer les idées, posons que le coût de production REEL du MWh est de 300 € et on ne sera pas très loin.
Remarquons à présent que je n’ai pas ajouté ici le COUT DU BACK UP ! Il convient de rentrer plus dans le détail puisque ce point fondamental, qui pèse plusieurs dizaines d’€ par MWh, est systématiquement tu par les escrocs écologistes (et malheureusement pas seulement écologistes) promoteurs du solaire et autres “renouvelables”.
En effet les 180 GWh de production annuelle correspondent à un fonctionnement à pleine puissance (50 MW) pendant 3600 heures. Ceci représente 41 % de l’année. Pour l’éolien ou le photovoltaïque fixe c’est encore pire.
Or la consommation de l’électricité a lieu toute l’année. Ceci signifie que pour chaque MW solaire installé à Andasol, il doit y avoir au moins 1,4 MW fiable installé AILLEURS qui est tenu en stand by pour prendre le relais quand le solaire ne produit pas. Évidemment comme il n’est pas question que ces MW installés en back up soient aussi peu fiables que les MW solaires, il s’agit de centrales classiques – gaz, charbon, fuel, nucléaire. La mise à disposition des facteurs de production en back up 24/24 alors qu’ils ne produisent que pendant 59 % du temps a un coût considérable qui doit être ajouté au coût du projet “renouvelable”. On ne sera pas surpris de constater qu’il ne l’est jamais.
E&D : quelles sont les alternatives ?
La production d’électricité la plus performante est le cycle combiné avec turbine à gaz. Le coût de production est de l’ordre de 30 € / MWh (coût du capital compris) et une petite turbine de 50 MW occuperait un espace 300 fois plus petit qu’Andasol et marcherait à pleine puissance 24/24. Le charbon et le nucléaire ne sont pas très loin derrière. Enfin l’électricité spot sur le marché libre (par exemple EPEX) se négocie autour de 60 € / MWh.
Comment est-ce alors possible d’investir 300 M€ pour produire de l’électricité à un prix qui est DIX FOIS SUPERIEUR à la meilleure alternative ?
C’est ici que l’état Espagnol intervient. Dans sa grande sagesse les verdâtres de Madrid ont voté une loi selon laquelle tout producteur de l’électricité solaire bénéficiera d’une garantie de l’état sur 25 ans pour lui vendre ladite électricité à 270 € / MWh. Oui , 10 fois plus cher que la meilleure alternative. On notera au passage que ce n’est certainement pas par hasard que la société annonce un coût de production de …. 271 €/Mwh.
Il reste une dernière énigme à élucider.
Ayant observé que le promoteur et réalisateur du projet est une société Marquesado Solar, détenue à 100 % par des sociétés allemandes du secteur de l’énergie, la question suivante s’impose : sachant que les Allemands n’ont certainement pas agi par charité chrétienne , comment est-possible que toute la Direction Générale n’ait pas été immédiatement crucifiée par des actionnaires allemands en colère puisqu’on les a embarqués dans un risque de 300 M€ sans la moindre perspective de profit, puisque la société Marquesado Sol, en vertu de ce qu’on a analysé ci-dessus, peut au mieux espérer un résultat nul ?
Eh bien la réponse à l’énigme est donnée en observant simplement qui fournit le matériel et l’installation d’Andasol. Évidemment les maisons mères allemandes de Marquesado Solar !
Le schéma est alors évident : la filiale Marquesado Solar porte la dette de 300 M€ et les installations alors que les maisons mères lui vendent lesdites installations. Le brave Etat espagnol garantit Marquesado Sol en lui achetant l’électricité et lui donnant d’autres avantages qui resteront occultes (par exemple le terrain) de façon à ce que ces recettes équilibrent les dépenses dont la principale est de rembourser la dette. Bien sûr Marquesado Sol ne fait pas de profit et n’a aucune valeur mais on s’en fiche – une fois la dette remboursée on dira aux Espagnols que soit ils paient plus, soit on liquide la société. Et que ne feraient-ils pas pour sauver la planète !
Pendant ce temps les maisons mères allemandes ont réalisé un solide profit en vendant à Marquesado Sol pour 300 M€ ce qui leur a coûté peut être 250. Les actionnaires ont compris et apprécié.
Imaginez que vous achetez une voiture pour 20 000 € . Puis vous créez une SARL, lui faites prendre une dette de 30 000 € et lui vendez la voiture pour 30 000. Le miracle se produit, vous avez apparement gagné 10 000 € sans rien faire ! Évidemment le problème c’est que la société doit rembourser les dettes et comme vous êtes l’actionnaire, c’est à vous de les rembourser. Votre montage est une stupidité sans nom et vous coûtera beaucoup. A moins que… vous trouviez un abruti qui se substitue à vous pour rembourser la dette et vous, royalement, lui laissez l’usage de la voiture. Vous avez compris – c’est ce qu’ont fait les Allemands et l’abruti en question est l’État espagnol.
Cela étant, ne nous gaussons pas – le Grenelle , le plan solaire et les 10 milliards d’€ dans les éoliennes à Ouessant montrent que nous avons les mêmes abrutis sauf qu’ils pratiquent à une plus grande échelle.
Enfin pour rire (jaune) passons à l’échelle macroscopique.
L’Espagne (mais la France aussi puisqu’il s’agit d’un dictat européen) vise à faire beaucoup mieux (sic !). Au moins 25 % de l’énergie produite par du “renouvelable”. Evidemment Éva Joly voudrait faire encore mieux : 50 % ou pourquoi pas 80 %. On se contentera de 25 . Nous excluons ici l’hydroélectrique qui , bien que “renouvelable” , a des coûts marginalement plus élevés que le classique mais reste raisonnable . De toute façon tout le potentiel hydroélectrique économiquement raisonnable est déjà épuisé en Europe.
L’Espagne consomme 300 TWh / an comme ordre de grandeur. 25 % représentent 75 TWh / an. Nous n’allons pas prendre un écart maximum de 30 à 300 mais moyen de 60 à 300 €/MWh . Toujours “oubliant” le coût du back up. Cet “objectif” représente donc pour le budget, pour le consommateur et pour la compétitivité … 75 000 000 x 240 = 18 milliards € / an !
Le PIB espagnol étant de l’ordre de 1000 G€ , l’Espagne avec sa récession, une dette considérable et une personne sur 5 au chômage se permet de mener une politique qui consiste à creuser les déficits de 1.8 % du PIB et ceci UNIQUEMENT avec des moulins à vent et des gadgets solaires !
Même si le coût du renouvelable n’était “que” de 200 € back up INCLUS , on serait encore au dessus d’un point du PIB. Si on y ajoutait d’autres délires verdâtres – Kyoto , biocarburants , surréglementation , biodiversité , interdictions tout azimuth de ce qui est économiquement performant etc., on trouverait combien ? 2,5 % du PIB ? Davantage ?
Et pendant que les politiciens européens surenchérissent à qui sera le plus vert et démolira son économie le plus efficacement , les Chinois mettent en service 1000 MW électriques au charbon chaque semaine. Bien sûr les résultats – la compétitivité , la croissance , le pouvoir d’achat et last but not least la dette reflètent sans surprise ces différences de politique. On devrait se rappeler plus souvent que le vert est la couleur des cadavres.
E&D : Je croyais qu’une technologie du 19ème siècle, de la tôle et des redresseurs, serait moins chère que cela, mais je vois qu’il n’en est rien ?
C’est tout de même de la “tôle” de haute technologie. Le collecteur il faut l’imaginer comme un demi “cylindre” ouvert, parfaitement refléchissant sur sa surface intérieure , courant sur une longueur de 100 mètres et ayant une section parabolique (i.e un plan coupant le “cylindre” perpendiculairement à l’axe est une parabole) . C’est cette forme parabolique qui permet de réfléchir la lumière sur un point et d’obtenir les températures élevées. Ensuite il y a un tuyau qui court le long de l’axe du demi “cylindre” parabolique qui contient du sel fondu à 400°C qui est situé exactement au point focal et qui est propulsé vers un échangeur. De surcroît le collecteur parabolique n’est pas immobile mais monté sur un dispositif qui le fait pivoter en suivant la course du soleil. Ce qui est derrière le circuit à sel fondu est classique. Le sel donne sa chaleur à l’eau dans un échangeur spécial (ce n’est pas courant d’avoir du sel fondu dans un échangeur) . Cette eau se transforme en vapeur surchauffée et va dans une turbine où elle se détend et fait tourner un alternateur. Donc l’ensemble du bazar est un petit turboalternateur de 50 MW classique couplé à des centaines d’hectares de collecteurs de géométrie et mouvements sophistiqués et faisant circuler un fluide super agressif sous forme de sel fondu.
En revanche il n’y a pas de redresseur qui serait inutile. Le redresseur ne sert que pour le photovoltaïque quand il faut charger des batteries pour le stockage (les batteries ont besoin du courant continu et non alternatif). Ici le stockage est thermochimique (sel fondu) donc on n’a pas besoin de courant continu. Et le turboalternateur fait de l’alternatif classique prêt à la consommation sans aucune transformation.
Fin de la 1ère partie de l’interview
Source : Enquête&Débat
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