Collision satellitaire dans la haute atmosphère
Deux gros satellites sont entrés en collision à 790 km d’altitude. Profitons de cette première pour analyser brièvement la dangereuse pollution artificielle de l’orbite basse terrestre.

Le mardi 10 février 2009 à 16H55 TU, deux engins orbitaux orbitant à 790 km d’altitude sont entrés en collision au-dessus du territoire nord-sibérien. Le premier engin (560 kg) faisait partie de la constellation Iridium comprenant 66 satellites de télécommunications, il fut placé en orbite en 1997 et était parfaitement opérationnel avant l’impact. Le second engin (950 kg) était un satellite Cosmos à réacteur nucléaire, satellisé en 1993 mais hors-service depuis un peu plus de dix ans.
NB :
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Immense flop technologique de la fin des années 90, le système Iridium se voulait comme le vecteur universel de la téléphonie mobile grâce à sa constellation de 68 satellites de télécommunications. Battu en brèche par les roamings GSM, Iridium fut sauvé de la banqueroute en grande partie grâce à l’appui des administrations Clinton et Bush Jr. Aujourd’hui, c’est un système global de communications mobiles (géré par la firme Iridium Satellite LLC basée dans le Maryland) comptabilisant 250 000 abonnés en 2008, massivement utilisé par le Pentagone, les bases scientifiques en Arctique et en Antarctique, les journalistes, les navigateurs et les organisateurs de rallyes ou d’expéditions.
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Subdivisée en huits classes, l’appelation Cosmos désigne des satellites russes dont les missions ne sont pas clairement définies, maintes hypothèses penchant pour des engins multi-rôles à usage militaire ou scientifique. De 1962 à nos jours, près de 2500 satellites Cosmos ont été mis en orbite par l’URSS puis par la Russie. Celui impliqué dans l’accident du 10 février portait la dénomination Cosmos-2251.
Jusqu’ici, les collisions en orbite concernaient uniquement des éléments de lanceurs, des micro-satellites et/ou des petits composants. Cette première collision entre deux gros engins a produit un nuage de plus de 600 débris dont certains radioactifs. Beaucoup seront consumés lors de leur retombée dans l’atmosphère tandis que d’autres erreront d’abord autour des trajectoires initiales des satellites détruits puis s’aggloméreront progressivement à la nébuleuse de débris et micro-débris artificiels (environ 18 000 catalogués) polluant déjà l’orbite basse terrestre. La minutieuse observation longitudinale des satellites chinois et américain pulvérisés par des missiles anti-satellite (ASAT) a révélé que le processus entier (de l’explosion à l’agglomération) s’étend sur une année.
Les agences spatiales russe et américaine ont indiqué que le nuage primaire de débris ne constitue aucun risque immédiat pour les autres satellites et pour la Station Spatiale Internationale orbitant sur une trajectoire nettement plus élevée ; celle-ci fut normalement ravitaillée par un vol Soyouz au 13 février et devrait être arrimée par la navette Discovery au 22 février. Au cas ou quelque dangereux nuage de débris croiserait dangereusement sa trajectoire et pour peu qu’elle soit prévenue et assistée par ses hotlines terrestres, l’ISS amorcera une manoeuvre d’évitement.
Ce choc Iridium-Cosmos s’est produit dans « une zone » permettant à plus de 900 engins orbitaux de survoler ou de se rapprocher des pôles Nord et Sud. D’une certaine façon, le gros du trafic satellitaire est concentré dans un épais donut orbital couvrant les cercles polaires. Dans la mesure du possible, les engins abandonnés ou gravement défaillants sont repositionnés sur des trajectoires à moindres risques car peu fréquentées par la navigation satellitaire. Dans certains cas, des appareils sensibles - souvent exploités à des fins militaires – sont consumés lors de leur rentrée forcée dans l’atmopshère. Dans deux uniques cas extrêmes, des satellites – l’un chinois, l’autre américain - furent volontairement détruits par des « tirs amis » de missiles anti-satellite. Relevant également de la démonstration de force, cette dernière pratique hérisse les cheveux des scientifiques de l’espace car elle ne fait qu’accroître la pollution artificielle en orbite basse.
À 25 000 km/h, un composant satellitaire traverse aisément les panneaux solaires ou la coque d’un engin spatial, une micro-météorite ou un micro-débris crée de minuscules orifices presque ou complètement invisibles à l’oeil nu. Afin de détecter ceux-ci lors d’opérations de maintenance en orbite, les astronautes scannent longuement et méticuleusement toutes les surfaces de l’appareil avec des détecteurs ultrasoniques portables. La NASA planche actuellement sur des senseurs wi-fi intégrés pour satellites qui localiseront précisément un micro-impact et biperont une alerte en cas de dommages plus ou moins sérieux.
Malgré la prolifération croissante de petits et gros objets en orbite, des accidents satellitaires comme celui du 10 février 2009 ne se reproduiront que très rarement, et ce, grâce à la jalouse surveillance de ce gigantesque donut orbital – largement exploitable dans une certaine quiétude - par les agences spatiales. Toutefois, de nombreux scientifiques craignent l’apparition à très long terme d’un syndrome de Kessler, seuil à partir duquel la multiplication de débris et de collisions rendra l’orbite basse inutilisable et de surcroît inhabitable. Tôt ou tard, les usages et les règles de la navigation satellitaire devront être revues afin de limiter un éventuel engorgement des cieux.
Au cas où le business plan de votre voirie orbitale serait fin prêt, faites immédiatemment vos adieux à votre conseiller financier et expédiez vite une copie à toutes les agences spatiales...
En savoir plus :
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The Guardian : Nasa alert as Russian and US satellites crash in space
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Spaceflight : Two satellites collide in orbit
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Arms Control Wonk : The future (of space) is now
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Arms Control Wonk : Rethinking freedom of action in orbit
PS : En quelques jours, la collision satellitaire Iridium-Cosmos a nourri d’extraordinaires théories qui feraient sourire en coin John Le Carré et Tom Clancy. Pour ma part, les Américains ont volontairement provoqué cet accident afin d’interrompre une transmission à très haute valeur ajoutée entre le satellite Cosmos-2251 et son centre de contrôle au sol. Les Russes ont consécutivement repositionné leur engin orbital – soi-disant hors-service - sur la trajectoire du satellite Iridium afin précisément d’interrompre cette tentative d’interruption. La guerre froide n’est qu’une perpétuelle conspiration, camarades...
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