La vilaine farce nucléaire
On nous a vendu cette énergie comme sûre, pas chère, en nous garantissant l’indépendance nationale, et finalement la réalité est aux antipodes de ces belles promesses.

Énergie sûre ?
Depuis Three Miles Island, St Laurent des eaux, Tchernobyl, et Fukushima, on sait de quoi il en retourne, et si, longtemps, les défenseurs du nucléaire ont affirmé que l’accident majeur n’était pas possible en France, ils ont finalement été rendus à la raison, reconnaissant sa probabilité. lien
Énergie indépendante ?
S’il est vrai qu’il y a quelques dizaines d’années, une partie de l’uranium utilisé pour les réacteurs nucléaires français provenait de mines françaises, (Limousin, Forez, Vendée, Hérault) (lien) on sait aujourd’hui que nous sommes totalement dépendants de cette source énergétique fossile, puisque les 9 900 tonnes d’uranium nécessaire au fonctionnement annuel des 58 réacteurs nationaux, proviennent pour la totalité du Niger, du Canada, de l’Australie, du Kazakhstan, (lien) et le conflit malien n’est pas étranger à ces intérêts économiques qui unissent la France, le Niger et le Mali. lien
Personne n’a oublié l’enlèvement de plusieurs français, lesquels faisaient partie du personnel d’Areva, œuvrant dans les mines nigériennes.
Et l’on sait aussi qu’il y avait derrière tout ça plusieurs problèmes qui se posaient : d’une part, la renégociation du contrat entre Areva et le gouvernement nigérien, lequel voudrait une meilleure distribution des richesses, et d’autre part, les problèmes liés à la pollution nucléaire qui touche les habitants de la zone minière, du coté d’Arlit.
Le 12 octobre 2013, plus de 5000 manifestants s’étaient indignés des conséquences environnementales et sociales de l’exploitation de l’uranium à Arlit. lien
Énergie bon marché ?
De l’avis même des exploitants du nucléaire, l’énergie électrique fournie par les réacteurs de la dernière génération, les E.P.R., sera plus chère que celle produite aujourd’hui par les énergies propres et renouvelables que sont l’éolien, et le photovoltaïque. lien
Si le gouvernement français s’entête, comme celui qui l’avait précédé, à donner la priorité au nucléaire, les français doivent s’attendre à voir leur facture d’électricité grimper de plus en plus haut, d’autant qu’il va falloir un jour ou l’autre envisager de financer d’une part les milliers de tonnes de déchets dangereux, en écartant leur enfouissement, ce qui serait irresponsable vis-à-vis de nos enfants…et surtout de ceux qui suivront, mais aussi trouver une solution pour le démantèlement des 58 réacteurs nucléaires, démantèlement qui aura un prix, lequel fera monter encore un peu plus le montant de nos factures d’électricité…
Cette situation financière dramatique que connait l’entreprise nucléaire française est due, on le sait aux défauts de conception des EPR, qualité des aciers…etc, aux retards conséquents des différents chantiers, autant à Flamanville qu’en Finlande, et bien sur au prix multiplié déjà par 3 du cout des centrales, mais pas seulement…
En effet, les déboires d’Areva viennent aussi d’investissements discutables, mais aussi d’un énorme ratage, peu médiatisé, à Tchernobyl.
À proximité de la centrale dévastée, on peut s’interroger sur un étrange empilement de blocs de bétons, percés de multiples ouvertures, et le tout sur des centaines de mètres.
Ce chantier, appelé ISF2 (acronyme signifiant : installation de stockage temporaire de combustible usé n°2) avait été commandé par l’Ukraine à Areva, mais souffre d’une erreur de conception majeure qui fait qu’il a été inutilisable.
Il s’agissait de construire un centre de stockage des 3 réacteurs de Tchernobyl, afin d’y recevoir les combustibles nucléaires usés, et de les garder pour plus d’un siècle, le financement de l’installation ayant été rendu possible grâce à la générosité de 16 pays donateurs, et permettant le démantèlement de la centrale nucléaire.
Mais l’Ukraine, 3 ans après le lancement des travaux, a arrêté le chantier suite au constat de « défauts de conception remettant en cause la sûreté en fonctionnement du centre de stockage »…
Ce chantier, estimé à 80 millions d’euros, verrait sont montant plus que doublé si la correction de la malfaçon était envisagée, ce que l’Ukraine a refusé, demandant aujourd’hui réparation, réparation qui va pénaliser encore un peu plus les comptes d’Areva. lien
En effet si l’on ajoute les pénalités dues aux malfaçons des cuves des réacteurs, aux problèmes que connait l’EPR de Finlande, et aux investissements discutables dans des gisements d’uranium africains, payés trop cher, aux dires des experts, sans oublier l’installation obsolète de « dépollution » des eaux radioactives de Fukushima, à cet épisode peu glorieux de Tchernobyl, on comprend aisément la situation dans laquelle l’entreprise française nucléaire se trouve aujourd’hui. lien
L’Etat s’interroge aujourd’hui, envisageant une reprise de certains secteurs d’Areva par EDF, mais, comme de toute façon, il est actionnaire à 85%, ce seront les contribuables qui règleront la note.
Areva, cotée il n’y a pas si longtemps à 82 € n’en vaut plus que 9, ce qui correspond à 90% de pertes, et si l’état utilise l’argent public pour renflouer l’entreprise, il est probable que les citoyens, soumis à l’austérité, et à la précarité, ne voient pas ça d’un très bon œil. lien
Mais l’autre scandale pratiqué régulièrement par les exploitants de l’énergie nucléaire est la minorisation des évènements, qualifiant régulièrement d’incidents, de réels accidents.
On se souvient que récemment, dans la centrale nucléaire, la rupture d’une canalisation avait provoqué un lâcher de plus de 100 mètres cubes avait été qualifiée de « défaut d’étanchéité ».
À Cattenom, le 28 mai 2015, un nouvel « incident » s’est produit, mais EDF a affirmé ne pas avoir d’inquiétude spécifique…pourtant à lire le détail de l’incident, il y avait réellement de quoi s’inquiéter. lien
Les déboires récents de l’entreprise Areva, sur le point de déposer le bilan, avec en ligne de mire, la mise sur la touche de 4000 à 6000 travailleurs, est aussi l’occasion de sourire.
En effet, la théorie du complot n’épargne personne, même pas les ingénieurs nucléaires, dont l’un, à la retraite, est convaincu que son entreprise chérie est l’objet d’un complot, mené par le directeur de l’ASN, et il s’est fendu d’une lettre envoyée à quelques députés pour raconter « sa vérité ».
Cet homme agit au sein de l’association Uarga, laquelle est constituée de retraités d’Areva.
Convaincu qu’il est que l’ASN est tombée dans les mains de « certaines mouvances », il dénonce la « non indépendance politique » de cette institution.
Mais il va plus loin…
Évoquant un « coup tordu », qui concernerait la norme ESPN, destinée à bloquer « tout le nucléaire français », il assure que le patron de l’ASN « fort des coudées franches que lui laisse la classe politique dans son ensemble » entend profiter de « ce coup tordu » pour mettre un terme à la vie de son cher nucléaire.
Cet homme, tout en contradiction, mais non dépourvu d’imagination, dénonce donc la « non indépendance » de l’ASN…mais assure que cette même ASN à « les coudées franches », ce qui ressemble fort à ce qu’il est convenu d’appeler l’indépendance. lien
On essaye de comprendre…
Oublions cet étrange personnage pour le moins original, qui occupe sa retraite en faisant un lobbying intensif pro nucléaire sur plusieurs sites journalistes citoyens, et essayons de comprendre la réelle situation que vit le nucléaire dans notre pays.
Pour éviter l’augmentation draconienne des prix de l’électricité qui serait provoquée par la mise en service des EPR, l’état, pour l’instant, fait profil bas, et préfère prolonger la vie des vieilles centrales, quitte à dépenser des sommes folles pour rénover ce qui est possible, tout en étant conscient que les cuves des 58 réacteurs, organe essentiel d’une centrale nucléaire, ne pourront pas être changées, et prenant donc le risque d’un prévisible accident majeur.
Au-delà de ces péripéties, il faudrait un jour ou l’autre se pencher sur la situation des élus municipaux, qui, si l’on s’en tient au strict cadre de la loi, se devraient de signaler à leurs administrés, le fait qu’ils se trouvent éventuellement dans une zone à risque.
En effet, dans un rayon minimum de 30 km, rayon qui devrait logiquement être élargi à 50 km, voire à 80 km…, les municipalités devraient mettre à l’entrée de leurs villes un panneau indiquant qu’en cas d’accident nucléaire majeur, les habitants sont susceptibles d’être confinés, voire évacués…lien
Or aujourd’hui, il n’en est rien…
Des citoyens responsables ont donc décidé de pallier à ce manque d’information en installant à l’entrée des villes concernées, des panneaux signalant le risque encouru.
Ce risque est pourtant connu : évacuation pour un bon siècle de la zone irradiée, décision dont les ukrainiens, puis aujourd’hui, les japonais, ont compris les conséquences…seule la France ne semble pas s’inquiéter.
Comme dit mon vieil ami africain : « c’est toujours trop tard quand le poisson découvre l’hameçon ».
L’image illustrant l’article vient de energie-climat.freenpeace.fr
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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