Le dosifilm
Nous avons tous vu des opérateurs renifler la radioactivité des gens avec des compteurs. Ils ne mesurent alors que la quantité de radiations émises par ces personnes. Et ces radiations qu'elles émettent ne peuvent provenir que de poussières qui se sont déposées sur elles et/ou ont été inhalées, ingestées. Ces compteurs indiquent donc à quel point une personne a été contaminée.
Si une personne est contaminée (poussières dessus et/ou poussières dedans) et qu'elle s'en débarrasse parfaitement (ce qui est impossible) l'appareil ne détectera plus rien.
Si une personne contaminée, donc forcément irradiée, change de chaussures, de vêtements et se douche, le compteur la considérera non contaminée (là il n'y a pas de problème), mais ne se prononcera pas sur le fait qu'elle ait été ou non irradiée (là il ya peut-être problème).
Quand on est contaminé, quand on porte sur soi des poussières radioactives, on peut déposer ces poussières ailleurs et sur d'autres, on peut aussi les irradier en passant à distance d'eux. Ce n'est pas le corps irradié par les poussières qu'il porte qui irradie les tiers mais ces poussières elles-mêmes. Les poussières qu'on transporte nous irradient nous (beaucoup) et nos voisins (peu puisqu'ils sont éloignés)
Etre irradié c'est recevoir des radiations (similaires à celles des rayons X)
Même sans aucun contact ni avec le réacteur ni avec des poussières qui en proviennent, donc en restant vierge de toute contamination, on peut être irradié en passant à proximité de ces éléments. Une fois qu'on a été irradié (il y a à considérer la puissance et la durée) aucun appareil ne peut, en nous reniflant, mesurer cette irradiation qu'on a reçue. Ce n'est alors plus qu'en fonction des symptômes éventuels du genre nausée, vomissement, cancer, qu'on peut considérer pifométriquement qu'on a été fortement ou faiblement irradié.
Quand on passe une radio, on est irradié. Dès que le rayon X est coupé, on ne reçoit plus de radiation, on n'est pas contaminé, on n'irradie pas.
(A moins qu'ils soient plombés, bétonnés, les combinaisons et masques protègent des contacts directs avec les particules et poussières mais ne protègent quasiment pas des radiations).
Si l'on passe près du coeur ouvert de la centrale, on sera très fortement irradié mais si l'on en sort sans transporter la moindre poussière radioactive sur soi (ce qui est possible si l'on a porté une combinaison plastique et un masque ultra fin et qu'on se soit ensuite changé) aucun renifleur ne pourra savoir qu'on a été irradié et encore moins à quelle dose.
Toutefois, si l'on raconte au technicien qu'on a passé 3 minutes à 5 m du coeur, et sous combinaison plastique, il peut, en plaçant son compteur au même endroit et aussi longtemps, dire par analogie ce qu'on a reçu comme radiations. C'est souvent selon ce principe qu'on dit d'une personne qu'elle a reçu telle ou telle dose de radiations.
Mais il existe un moyen précis de savoir ce qu'une personne a reçu comme radiations.
Et c'est ce moyen qui est tout le temps utilisé par les gens qui bossent près de radiations (soit 200 000 personnes en France). Tant un radiologue qu'un technicien de centrale nucléaire porte sur lui, par exemple dans la poche de sa blouse, un petit morceau de négatif argentique emballé sous protection opaque à la lumière. Ca ressemble beaucoup au petit négatif que notre dentiste nous demande de tenir contre notre dent pour la radiographier mais c'est caché dans un emballage.
Cette pellicule argentique est sensible à la lumière (ce qui nous permet de faire des photos), aux rayons X (ce qui permet au radiologue de l'insoler aux RX) et aux radiations nucléaires.
Quand on place dans sa poche un tel marqueur et qu'on passe trois heures dans une centrale, on peut, en développant ce "négatif", constater éventuellement des petits points, comme une neige. Chaque point est la preuve d'un impact de radiation sur la pellicule. Selon le calibrage, l'expérience, le comptage, on peut déduire ce qu'on a reçu comme dose de radiations.
Les professionnels des radiations en portent toujours sur eux et ils les font contrôler selon une cadence correspondant à leur niveau d'exposition estimée et moyenne. C'est ainsi que des agents peuvent découvrir, après coup, qu'ils ont été fortement irradiés. Non seulement ils le savent (on va alors les soigner et en tous cas les épargner d'autres radiations) mais surtout ils peuvent le prouver.
Grâce au port du dosifilm (Il est donc passif, alors qu'il existe des dosimètres actifs), on peut savoir et aussi prouver qu'on a été irradié. Et si cette irradiation provient de la faute de quelqu'un, on peut se retourner contre lui en produisant une preuve qualitative et quantitative du dommage subi (reste à prouver en avoir été le porteur, etc.)
Alors qu'en toute logique de santé et de justice, on devrait proposer le port d'un dosifilm à la population japonaise et le faire développer tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois selon les secteurs géographiques, il n'en est pour l'instant apparemment pas question.
Japonais, étrangers, sinistrés, sauveteurs, bénévoles, ceux qui subiront des maladies ou malformations dans les années qui viennent, ne pourront pas prouver avoir été irradiés lors de cette catastrophe parce qu'ils n'auront pas de dosifilm (taggué, personnalisé) à produire.
Ce principe du "dosifilm" pourrait être transposable à bien des activités salariales ou militaires (concernant l'inhalation de produits chimiquement toxiques, il est également possible de porter sur soit une preuve de la dose reçue). Mais en dehors des cas où il est notoire que l'agent est exposé et où la médecine du travail lui en impose alors le port, la dosimétrie est taboue, interdite car un responsable, un supérieur, un gouvernement ne peut rien opposer contre une telle preuve.
Les opérateurs qui ont approché l'agent orange, les bombes à uranium appauvri et qui sont tombés malades ne disposent pas de cette preuve par le dosimètre et ont alors un mal fou à obtenir réparation de la part des commandements.
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