Le réductionnisme et la pensée réductrice reprennent vigueur dans ce monde si complexe. Et ce n’est pas une bonne nouvelle !
Cet article propose de décrire le concept du réductionnisme en tant que démarche intellectuelle visant à réduire la connaissance, la description, la compréhension, l'analyse des objets, des phénomènes, ou des systèmes. La notion d'objet doit être prise au sens arge et peut faire référence à des structures, des organisations, des organismes, des systèmes dits complexes, c’est-à-dire des éléments du réel difficiles à décrire, à appréhender, à comprendre, à évaluer, au vu de ses nombreux composants en interaction dynamique, ses nombreuses relations internes et avec l’environnement, qui agissent sur son comportement, son évolution. C’est par exemple un organisme vivant, une structure comme une famille, une association, une entreprise, une société, un système économique, un écosystème.
En voici le plan :
- Introduction
- Les trois grandes théories qui ont révolutionné la pensée au 20e siècle et qui se sont opposées au réductionnisme
- Le réductionnisme à travers l’analytique et la systémique
- Exemple en physiologie (le cœur)
- La pensée réductrice en politique (3 exemples)
- Le réductionnisme en psychologie
- La remise en cause des modes de pensée
- Conclusion
INTRODUCTION
Le réductionnisme peut s’avérer être une notion difficile, obscure, quand on l’aborde sous un angle philosophique ou scientifique. On recense plusieurs types de réductionnisme, par exemple le réductionnisme physicaliste, le réductionnisme ontologique, méthodologique, épistémologique, scientifique, etc. Ce ne sera pas l’objet de l’article, je les évoque uniquement pour attirer l’attention du lecteur que le réductionnisme s’applique à de multiples domaines, et avec des sens assez différents.
Je propose tout simplement l'étude du réductionnisme dans ses aspects pratiques, c’est-à-dire la notion même de réduire par opérations de simplification des problématiques diverses, que cela concerne ou non des systèmes, et qui entraîne les effets souvent négatifs et néfastes, que je vais évoquer.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je précise que nous sommes tous réductionnistes dans nos modes de pensée, mais à des degrés divers, qui dépendent de nombreux facteurs, notamment l'éducation, le milieu scolaire, l’apprentissage, les lectures, le métier exercé, le contexte professionnel, l’intérêt que l’on porte aux méthodes d’analyse, de la vision et de la compréhension que l’on a du monde et qui peut en retour (par rétroaction) influencer le type d’analyse privilégié.
Ne pas l’être nécessiterait beaucoup d’efforts intellectuels et de temps, pas très compatible avec une société agitée qui n’en dispose plus beaucoup (de temps) et qui est sous le régime permanent de l’immédiateté, qui bien entendu n'est pas sans rapport avec le sujet abordé. En disant cela, est-ce que je ne serais pas en train de sous-entendre que certains médias actuels sombrent dans un réductionnisme d’époque, où l’événement et les bla-bla comptent davantage que l’analyse ? C'est possible !
LES TROIS GRANDES THEORIES QUI ONT REVOLUTIONNE LE MONDE AU 20éme SIECLE, ET QUI VONT S’OPPOSER AU REDUCTIONNISME
Il est bon de rappeler comment la pensée scientifique dominante, qui consistait je le rappelle à réduire des objets d’étude, a été remise en cause il y a seulement quelques décennies. J’ai souvent parlé dans mes articles de deux approches fondamentales utilisées pour analyser un objet (toujours au sens le plus général) ou un système, à savoir l’approche analytique et l’approche systémique. Sans revenir sur ces deux approches, je préciserai juste que la pensée analytique fut la pensée dominante jusqu’au milieu du 20e siècle, qui consiste à décomposer l’objet à étudier en éléments séparés pour essayer de mieux le comprendre, avec l'inconvénient d'ignorer les propriétés du « tout ». La pensée systémique est tout le contraire, elle consiste à étudier l’objet dans sa globalité, sa totalité, ses interactions au sein de ses éléments et avec l'environnement, ses dynamiques, ses propriétés émergentes, son histoire, sa finalité.
On peut dire que le réductionnisme se fonde et se construit par une primauté de la méthode ou de la pensée analytique qui ramène un système à ses aspects les plus simples, compromettant sa compréhension par l’occultation des dynamiques, du contexte.
Si la pensée analytique fut longtemps dominante, des théories nouvelles apparurent dans le 2ème moitié du 20ème siècle et changèrent complètement notre appréhension du monde, apportèrent une autre manière d’aborder la complexité, beaucoup d’éléments nouveaux sur la compréhension des systèmes en général et particulièrement les systèmes ouverts structurés en niveaux d’organisation, à l’image des êtres vivants, et ainsi rabougrirent les diverses tentatives de réduction. Ces théories ont révolutionné la pensée, notamment en faisant naître ce que l’on nomme aujourd’hui « la pensée complexe », celle qui s’applique justement à l’étude des objets dits « complexes ». Voici les trois grandes théories :
- La cybernétique (Norbert Wiener)
- La théorie générale des systèmes (Von Bartalanffy)
- La théorie de l’information (Shannon, Weaver)
De ces 3 théories apparaît alors « l’analyse systémique » (qui prendra des points d’appuis sur celles-ci), qui révolutionnera la pensée scientifique en lui offrant une porte d’entrée dans le monde de la complexité, prenant ainsi le pas sur l’analytique et la réduction. A partir de là, on aurait pu penser que le holisme aller l'emporter sur le réductionnisme. Comme on le verra, le réductionnisme a encore de beaux jours devant lui, aidé par un système scolaire peu ambitieux, par une pensée politique affaiblie, qui ne fait aucun effort pour analyser les choses à travers le « tout », la globalité, et les principes de totalité.
LE REDUCTIONNISME A TRAVERS L'ANALYTIQUE ET LA SYSTEMIQUE
L’inconvénient de la méthode analytique, utilisée sans confrontation avec d’autres méthodes d’analyse et notamment l’analyse systémique, est qu’elle ne permet pas de comprendre et de correctement déchiffrer le fonctionnement des ensembles organisés. L’objet complexe est décomposé en éléments plus petits et les phénomènes qui résultent des interactions et des relations entre ces éléments séparés par la méthode, sont mal compris, vus souvent comme des effecteurs et non pas comme des servomécanismes régulés par un niveau supérieur, ou pire encore ignorés. Les scientifiques ont souvent privilégié les approches analytiques considérant que la compréhension, la connaissance exhaustive des parties du système étudié permet la connaissance du « tout ».
A mon sens, on doit choisir l'approche qui élargit au maximum le champ de vision, et qui permet le meilleur questionnement par rapport à ce que l’on souhaite comprendre du système.
La démarche systémique convoque d’une certaine manière l’attitude dite holistique. Le holisme est un système de pensée qui prétend décrire les caractéristiques et le comportement d'un système, d'un phénomène, en le considérant dans sa totalité et non pas à travers chacune de ses parties prises séparément en ayant coupé les liaisons et par conséquent en ayant fait disparaître les interactions. Dans la logique de reconstruction du « tout » après l’analyse des constituants, présumer alors d’en comprendre la globalité, se heurte aux opérations de simplification commises, qui occultent les propriétés qui naissent des interactions (des propriétés dites émergentes). En systémique on dit souvent que le « tout » est à la fois plus et moins que la somme des parties, ou que le « tout » est non réductible à la somme de ses parties.
Pour bien appréhender le réductionnisme, je me devais d’insister sur l’approche opposée. Après ces quelques notions concernant les approches analytique et systémique (holisme), on voit bien que le réductionnisme, pour simplifier, consiste à réduire l’objet étudié. Et réduire, c'est ramener une chose, un objet, un système, un phénomène à une expression plus simple, plus dépouillée, plus élémentaire, avec un risque majeur qui est la perte d’information. Je précise que le réductionnisme fut bénéfique dans le domaine scientifique, car il a permis, faute d'autres outils, de faire progresser les idées pendant des siècles. Seulement voilà, toute méthode atteint ses limites, et les théories de la complexité ont remis en cause bien des choses.
En marge du réductionnisme propre à l'analyse des systèmes, notons les phénomènes de réduction de la pensée ou d’un champ de connaissances, par exemple procédant du filtrage de l'élimination, de la segmentation (on verra des exemples dans le cadre politique).
REDUIRE = PERDRE DE L'INFORMATION
REDUCTIONNISME = ANTI-HOLISME.
Exemple en physiologie (Étude du cœur)
Lorsqu’ils avaient affaire à un objet complexe, avant la diffusion des théories évoquées plus haut dans la 2ème moitié du 20ème siècle, les scientifiques, les chercheurs ont cherché, comme on vient le voir, à décomposer l’objet en composants élémentaires, sortis du contexte globalisant. Par exemple pour étudier le cœur, sa physiologie, on l’extrayait de l’organisme. D’ailleurs, y avait-il le choix ! Seulement voilà, quand on isole un élément d’un système, on prend le risque de couper tous les processus de contrôle et de régulation, ceux qui informent et sont informés. Le cœur englobé dans un système fonctionnel (système cardio-vasculaire), est un servomécanisme, et ne devient plus qu’un effecteur, c’est-à-dire une fonction produisant un effet (en l’occurrence, pour le cœur, l’effet est l’éjection d’une certaine quantité de sang à chaque contraction) si on coupe ses interfaces et ses liens avec le reste de l’organisme. Ses propriétés fondamentales telles que l'inotropisme, le chronotropisme ne peuvent être étudiées si on le coupe de toutes ses relations.
LA PENSEE REDUCTRICE EN POLITIQUE
Le réductionnisme est souvent, pour ne pas dire essentiellement, le mode de réflexion privilégiée de la classe politique, au détriment des approches globalisantes, qui paraissent au mieux ignorées, au pire inconnues de nos dirigeants. La pensée politique est essentiellement analytique, mais poussée parfois à un tel degré qu'elle devient réductrice en prenant un sens péjoratif (alors que le réductionnisme en sciences ne présente pas ce caractère, ou que très rarement), et c’est à mon sens regrettable, étant donné l’évolution du monde et l’interdépendance de plus en plus criante des systèmes construits par les hommes, qui souffrent aujourd’hui de visions trop étroites dans un monde en évolution accélérée.
EXEMPLE 1 : L’impôt et la taxe
Quand survient un problème de nature économique, la première pensée « intelligente » émergente s’oriente comme un aimant vers l'impôt ou la taxe, comme si l'outil fiscal était par essence la solution cardinale, sans consentir l'effort de remonter aux sources premières, aux interactions des fonctions, sans étudier les conséquences d’un nouveau dispositif, l’émergence de nouveaux phénomènes, tels les effets pervers, les effets d'aubaine, les stratégies de contournements, les anticipations, les influences sur d’autres processus de proximité. On est là dans une réduction de l’analyse et de la mise en œuvre de l'action, car on ne voit pas le problème globalement et dans sa réelle dimension. (Résolution par un FACTEUR : la taxe ou impôt. espérance de la production d'un EFFET : problème contenu, maîtrisé, résolu),
EXEMPLE 2 : les éléments de langage
Les éléments de langage sont devenus une norme d’expression dans la communication politique. Quand des faits, des polémiques, des événements embarrassants font l’actualité, appelant quelques explications ou justifications de la part du parti politique impliqué, une réflexion individuelle ou de groupe diffusera sans écart dans le collectif des bons soldats, qui munis de leur kit de communication, débiteront sottement les formules préétablies. On s’aperçoit avec l’écoute attentive que chaque intervenant utilise les mêmes mots, les mêmes phrases, les mêmes expressions, apprises par cœur.
L’uniformité dans l’expression est une autre forme de réductionnisme (on n’est plus dans le domaine des systèmes, des phénomènes, mais dans le domaine de la connaissance ou des idées) ne laissant aucune place à la variété ou la diversité des positions, faisant croire à une fausse cohérence. Les éléments de langage sont donc l'expression d'une soumission intellectuelle à une pensée uniformisée, aseptisée, débarrassée des « impuretés » qui pourraient n’être parfois que vérités, mais des vérités dérangeantes.
EXEMPLE 3 : la pensée d’un certain président
Pour illustrer davantage mon propos, je ne peux m’empêcher de prendre des exemples qui touchent tous les citoyens, sans qu’ils se rendent compte véritablement qu'on leur vend un réductionnisme abouti et au goût amer …. , alors, regardons et analysons la pensée d'un certain Président de la République, qui prétend(ait) être dans la pensée complexe, une pensée qui par ailleurs, selon l'intéressé, est difficilement accessible par la corporation journalistique (ben oui, ils sont idiots nos journalistes !). Je suis conscient que je quitte la partie théorique en entrant dans un domaine qui peut être sujet à discussion et appeler la polémique, mais j’estime que les exemples qui suivent sont assez pertinents pour tenir de compléments pédagogiques. Même si cet article est lu plusieurs années après sa rédaction, ces exemples ne seront pas datés pour autant. D'autres exemples similaires pourront être imaginés par le lecteur selon les dirigeants en place et la pensée dominante du moment, qui à mon avis a peu de chances d'évoluer.
- Conceptualisation de la séparation entre le nationalisme ou populisme et le progressisme assorti d’un engagement conflictuel (par ailleurs la confusion n’est pas si loin entre populisme et nationalisme, et pourtant c’est sensiblement différent). C’est une manière d'ériger une dichotomie dans la société entre deux modes de pensée de l’organisation de l’Europe, c’est-à-dire une Europe fédéraliste, celle rêvée par les progressistes, et une Europe des nations (celle des populistes ou des nationalistes)où chaque état est maître de sa souveraineté tout en désirant conserver ses spécificités et ses prérogatives, préférant nouer des liens de nature plus économiques et moins politiques, et excluant une gouvernance supra-étatique. La réduction s'inscrit donc dans la division et l’union, ou le bien et le mal.
- Séparation dans la dimension de la réussite sociale, entre les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien (tant pis pour ces derniers …, propos tenus dans une gare). Or, que veut dire n’être rien ? Il y a bien une différence entre « réussir dans la vie » et « réussir sa vie ». Si pour ce président ne pas réussir dans la vie signifie que l’on n’est rien, il allie le réductionnisme avec d’autres aspects que je me dispenserai bien de décrire. On approche la réduction ultime, à moins qu’on y soit déjà !
- Métaphorisation de la progression individuelle dans notre monde marchand en évoquant les premiers de cordée et les derniers de cordée (cet exemple se différencie du précédent du fait que je distingue un état d’une évolution ou d'une progression). On peut légitimement supposer qu'entre les premiers et les derniers, il puisse y avoir ceux du milieu, conduisant à un partitionnement de la population en trois parties, à comparer aux deux cas précédents où nous étions uniquement sur deux ensembles. La réduction est moins grave !
Il est facile de multiplier les exemples pour appuyer davantage la démonstration, mais les points cités sont suffisants pour comprendre qu’on est très loin de la pensée complexe, mais plutôt proche d'une pensée réductrice qui consiste dans ce cas à cliver la société, à séparer, diviser, fragmenter, compartimenter, éclater, disjoindre, donc à construire 2 ou 3 ensembles, au lieu d'unir, de nuancer, de comprendre la société comme un « tout » avec ses interactions, sa complexité (et sa complexification croissante), sa diversité, ses nuances, la multiplicité des actes et des idées, prenant le risque d'exacerber les haines en théorisant de telles oppositions simplistes (parfois simplisme et réductionnisme se rejoignent). Il est un impératif pour les politiques : se créer des outils et des mécanismes intellectuels pour comprendre la complexité de l’Homme, non réductible à quelques traits, tels que ceux que je viens d'exposer, et évoluant dans une société non moins complexe.
Pour revenir brièvement sur le progressisme, le nationalisme, et le populisme, il va sans dire qu'un individu est rarement totalement progressiste ou totalement nationaliste ; c'est oublier les nuances, les gradations ! Et puis, peut-être n'est-il rien de tout cela. Tout comme il y a des nuances entre le rien et le tout, entre la réussite et le rien ou l'échec, si échec il y a. Mais une vie se résume-t-elle à une réussite ou un échec ? Ce dont je suis certain, opérer de telles disjonctions, c'est plonger dans la pensée malheureuse, la pensée paresseuse, la pensée compartimentée qui génère le vide !
Ces exemples montrent que le réductionnisme peut s'affirmer à travers le clivage, la séparation, l’absence de nuances, la dichotomie, l'élimination, le démembrement.
Ces propos et pensées ne sous-entendent nullement l’inexistence d’une pensée complexe, mais l’expression est là et malheureusement on ne peut que s’en tenir à l’expression dont on suppose a priori qu’elle est la manifestation de la pensée.
LE REDUCTIONNISME EN PSYCHOLOGIE
(Avec des reprises de quelques passages d'une étude que j'ai réalisée sur l'outil MBTI). Je vais prendre comme exemple les outils psychologiques qui ont comme finalité de déterminer un profil type d’une personne en fonction d’un questionnaire et à travers des axes de personnalité privilégiés. Parmi ces outils, il en est un nommé MBTI (Myers Briggs Type Indicator), qui prétend définir 16 types de personnalité à partir de 4 axes majeurs, se traduisant en phase finale de la démarche par un sigle de 4 lettres (par exemple ISFP, INTJ, ESTP, etc..). Un des axes se définit par l’introversion ou l’extraversion. Pour identifier qu’une personne est extravertie ou introvertie, l'outil s’appuie sur quelques critères comme « expressif, sociable, initiateur, expansif » pour le premier et « réservé, tranquille, récepteur » pour le second. S’il se trouve que l’individu satisfait 3 ou 4 caractères dans la « case » extraverti et seulement 1 ou 2 caractères dans la « case » introverti, eh bien on dira que c’est un « E » pour extraverti. Or, l’individu ne peut se réduire à de simples dichotomies. Mais une fois que l’on est classé « E » ou bien « I », il devient impossible de remonter à la source qui a permis cette identification, et on perd ainsi beaucoup d’informations.
Si je dis à un de mes amis que j’ai un ami profilé « INTJ », pour peu qu’il ait eu l’occasion de se pencher sur la méthode, il me dira « OK c’est un introverti, un conceptuel, etc… mais moi j’ai besoin de savoir s’il est honnête, courageux, tolérant, cultivé, … », un ensemble de traits de caractère, ou de structurations intellectuelles qui bien entendu ne pourront jamais être identifiés par les outils en question ( et pourtant ne s’agit-il pas de l’essentiel !). Une personne est un être complexe et aucun outil psychologie aussi puissant soit-il ne pourra la décrire, car elle ne constitue en aucune façon un invariant en tout lieu et tout temps. Il est ridicule et très réducteur de vouloir installer les individus dans des cases ou systèmes à tiroirs pour en être à jamais prisonnier.
Le MBTI n’est pas le seul outil à procéder ainsi, les outils sont légion et certains pointés par la MIVILUDES, rien que cela ! (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) comme pouvant conduire à des dérives sectaires (PNL, ennéagramme, analyse transactionnelle, etc.).
On voit clairement avec de tels exemples que la réduction fait perdre de nombreuses informations et une fois que le système est réduit, on ne peut plus à partir de la réduction remonter vers les éléments qui en ont été à l’origine. Dans cet exemple, on a transformé un être complexe en être simple, compartimenté à travers des axes directeurs, dépouillé de tout ce qui fait justement son ETRE, son originalité, sa diversité de caractère et comportementale, sa sensorialité. Peut-être y a-t-il un côté rassurant à vouloir classer les individus, les positionner dans des tiroirs, pensant mieux cerner leur personnalité et s'offrir la possibilité d’instrumentaliser la chose, par exemple dans des problématiques de recrutement. Ces outils que je critique avec une certaine véhémence, figures ultimes de la pensée réductrice, se développent et s’infiltrent dans certains instituts de formation, ce qui constitue un vrai danger, à l'heure où l'évolution de la pensée doit s’adapter à un monde en plein bouleversement.
Si le lecteur est intéressé par une critique sur ce type d’outils, je le renvoie à un article que j’ai publié sur ce même site : Analyse critique du MBTI (Myers Briggs Type Indicator) définissant 16 types de personnalité ».
REMISE EN CAUSE DES MODES DE PENSEE
Dans cette partie, je reprends quelques réflexions que j’avais évoquées dans un article consacré au concept de circularité, non seulement parce que cela se raccroche très bien à notre sujet, mais aussi pour montrer tout le parcours qui reste à accomplir pour si je puis dire, réduire le réductionnisme (voir article : la circularité, un concept de l’approche systémique) ! .
Nous devons à mon sens le faire régresser dans nos modes de raisonnement, car malheureusement il reprend une vigueur qui me paraît non souhaitable. Il faut noter que les nouvelles approches relatives à la complexité ne sont pas étudiées dans le cursus scolaire classique, tout simplement parce que les développements sont relativement récents, que l'inertie de la société est importante en matière de reconnaissance des nouveaux savoirs et des nouvelles connaissances, et qu'ils bousculent complètement nos systèmes de raisonnement cartésiens basés largement sur l'approche analytique ou le réductionnisme, les relations causales simples, le déterminisme, l’élimination . On peut je crois ajouter une raison qui serait de l’ordre de la difficulté, à une époque où les programmes ont tendance à être allégés et simplifiés.
Depuis longtemps, les Hommes ont appris à raisonner sur des principes de causalité directe et linéaire, héritage de ce monde cartésien, de la pensée de Descartes qui fonde le paradigme dominant de la disjonction ou de la séparation, c’est-à-dire l’étude du monde réel en le décomposant en petits éléments. On nous a souvent inculqué l’idée qu’un phénomène pouvait s’expliquer par une cause qui produit un effet, que les mêmes causes produisent les mêmes effets. A un effet doit correspondre une cause ou des causes, et pour comprendre l'effet il suffirait d’en comprendre la (les) cause(s), pour répondre à notre logique cartésienne. Plus la cause est forte, intense, puissante, et plus l'effet sera important, puissant dans une logique de proportionnalité. On raisonne par causalité, en séparant, en clivant, parce le système scolaire nous a appris la linéarité des phénomènes, qu’il était plus facile de décomposer que d’intégrer, en oubliant que le monde, et particulièrement le monde vivant, était fait de ruptures, de bifurcations, de brisures de symétrie, d’auto-organisation, de structures dissipatives, d'instabilités, d'équilibres, de déséquilibres, d’entropie, de boucles de rétroaction convergentes ou divergentes.
Ainsi, les approches holistiques (le tout), contraire aux approches réductionnistes et analytiques, sont oubliées de notre système éducatif, alors que le monde est en train de se complexifier à travers l’économie mondialisée, l’économie numérique, l’intelligence artificielle, les systèmes de transition, les traités, les échanges de biens de services et de capitaux, les interconnections diverses, les nombreux organismes internationaux, les réseaux sociaux, etc.
CONCLUSION
Le réductionnisme appliqué au monde de la complexité nous engage vers de fausses routes, et ne permet pas de comprendre de manière satisfaisante la réalité, ou une certaine réalité, nous en offrant juste une vue partielle, biaisée, dépourvue des dynamiques propres à des systèmes évolués et organisés. On doit faire évoluer nos modes de raisonnement, bien sûr sans remettre en cause un existant construit sur des siècles, une longue tradition cartésienne, mais savoir y adjoindre d’autres approches lorsque la complexité l’exige. Alors, que l’école se mette au travail et qu’elle intègre dans ses programmes tout ce qui mérite d’être étudié pour que nos enfants soient plus à l’aise avec la complexité et que les modes de raisonnement s'adaptent au plus juste en fonction des objets étudiés.
Alain Desert
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