Les jauges révèlent-elles les secrets de l’univers ?
La plupart des grandes théories physiques utilisent les jauges ; qui sont des objets mathématiques jouant un rôle déterminant ou décisif. Les jauges sont quasiment devenues universelles en physiques. Mais si on est certain qu’elles sont des objets mathématiques, quelle peut-être leur signification physique réelle ? Et dans quelle physique sont-elles interprétables ? La physique des dispositions (post-mécanique) ou la physique des informations ? Et que nous « disent » les jauges sur la constitution de la nature ? Ces mêmes jauges nous enseignent-elle quelque chose sur manière dont nous capturons la nature physique avec des observations, mesures et théories ? Auquel cas il nous faudrait emprunter une voie philosophique comme le fit Kant et interroger le rapport entre le sujet scientifique et la connaissance des choses physiques (naturelles).
Si vous avez consulté les livres de physique destinés au public instruit, vous aurez remarqué que les jauges font quelques apparitions furtives mais sont rarement présentées comme des éléments essentiels dans la nature et la connaissance mathématique des « mondes physiques ». Est-ce à dire que la compréhension du sens physique des jauges échappe aux physiciens ? Carlo Rovelli, l’un des acteurs majeures de la gravité quantique et par ailleurs auteur de livres à succès, publia il y a peu un article dont le point de départ est le fait que le « monde » est décrit par des théories utilisant les jauges (C. Rovelli, Why gauge ? arXiv : 1308.5599, nov 2013). Si Rovelli se demande pourquoi le monde, du quantum au cosmos, est si bien décrit par les théories de jauge, c’est que la question est loin d’être solutionnée. Par ailleurs, une notice écrite par Callum Quigley livre une réflexion sur le thème de l’origine des théories avec jauge, offrant une vue synthétique éclairante avec comme point de départ un constat : l’univers est gouverné les quatre « forces » connue (électromagnétisme, force faible, force forte, gravité) ; toutes ces forces sont gouvernées par des lois physiques dans lesquelles les jauges jouent un rôle central. D’où une question sur l’origine unique de ces forces. Je ne suivrai pas cette voie car la notion de force appartient à l’ancienne physique alors que la notion d’information devient centrale. S’il y a une manière d’interroger les jauges, encore faut-il savoir ce qu’on a en vue. Je suis convaincu que les jauges nous donnent des indices sur deux choses : (i) la manière dont est ordonné le cosmos, (ii) pourquoi et comment la nature est « capturée » par des théories mathématiques, ce qui ouvre une interrogation sur la relation entre l’homme et l’univers.
La première théorie physique utilisant les jauges a été l’électromagnétisme et ses équations établies par Maxwell. Mais c’est grâce au génie du mathématicien Weyl que l’on doit la généralisation du principe de jauge. Principe qui gouverne les grandes théories décrivant les processus et forces universelles. Que ce soit au sein de la matière ou bien dans le cosmos étendu. L’étude du formalisme de Maxwell permet d’exposer le principe de jauge tout en dévoilant le questionnement sur ce que signifie la jauge. Réalité physique ou artifice mathématique ?
Dans la théorie électromagnétique, la forme la plus fondamentale est le potentiel vecteur électromagnétique Aμ = (A, Φ) dans lequel A est trivecteur spécifiant le champ magnétique et Φ un nombre spécifiant la valeur du potentiel électrique. Si bien que Aμ est un quadrivecteur. Mais le contenu physique et observable n’est pas contenu dans Aμ mais dans la formulation du champ électromagnétique calculé en effectuant une dérivation à partir du potentiel vecteur. Ce champ, désigné par F, est donné par une formule résumé par l’équation F = dA. La formulation covariante de l’électromagnétisme classique aboutit à l’électromagnétisme relativiste qui est une partie de la relativité restreinte et dans laquelle Fμυ est un tenseur qui encode la totalité de « l’information électromagnétique ». Il est possible d’ajouter une quantité α à A qui laisse inchangé la description physique F = dA = d(A + α). Cette quantité α est définie comme une jauge. Avec deux possibilités, la jauge de Coulomb en électromagnétisme classique et la jauge de Lorentz pour la version relativiste. La jauge laisse perplexe les physiciens. Elle semble représenter un artifice mathématique permettant de faciliter les calculs dans un formalisme dont le contenu physique (réel) est donné par F. La jauge peut être fixée arbitrairement et elle peut s’interpréter comme une redondance dans la description des choses. Enfin, les transformations du potentiel réalisées en ajoutant α à A forment un groupe mathématique, commutatif en l’occurrence.
Le principe de jauge fonctionne également pour décrire non plus l’étendue électromagnétique mais l’étendue géométrique réglée par la gravité. Dans ce domaine, le tenseur de métrique g joue un rôle parallèle à celui du potentiel vecteur A puisqu’il peut être transformé par un difféomorphisme sans que la description des choses physiques ne soit altérée. Cependant, le tenseur g se rapporte à une signification physique phénoménale, contrairement au potentiel vecteur A de l’électromagnétisme. Cette remarque n’a rien d’un point de détail car elle pointe une différence ontologique cruciale entre la théorie de l’étendue électromagnétique et la gravité avec son étendue géométrique. C’est du reste ce caractère du tenseur g qui fut la cause du « hole argument » dont on a parlé précédemment en évoquant les hésitations d’Einstein entre 1912 et 1915. Remarquons que dans l’étendue électromagnétique décrite par la relativité restreinte, il ne se passe rien, pas plus que dans l’étendue géométrique décrite par les tenseurs de la relativité générale. Il faut alors articuler l’étendue électromagnétique aux particules chargées et l’étendue géométrique aux particules massiques. Ces articulations sont construites comme des couplages dans lesquels des « entités » non matérielles, champ EM et tenseurs géométriques, sont reliées à des « entités » matérielles. Le lagrangien est alors utilisé pour décrire la dynamique qui se manifeste avec les particules dont l’introduction s’effectue avec des représentations permettant de décrire un champ de fermions ou un champ de matière.
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Si la phénoménologie et l’onto-phénoménologie sont des problèmes kantiens, que seraient les problèmes ontologiques sinon des questions heideggériennes en métaphysique. Et dans le domaine des théories physiques, nous commençons à saisir les questions ontologiques avec les travaux issus de la dualité AdS/CFT où se dessinent des options sur non pas l’articulation scène et phénomènes mais la construction « coordonnée » de la scène et des phénomènes à partir de la « matière quantique » (voir discussions précédentes). Beaucoup de physiciens s’interrogent sur les constantes universelles. Ils passent sans doute à côté du sens de l’univers ; un sens qui se dévoile à travers les jauges sous réserve que l’on comprenne ce qu’elles signifient du point de vue physique. La révolution scientifique du 21ème siècle portera autant sur les théories, la gravité quantique, que sur le sens de l’univers et la place de l’homme.
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J’erre dans un univers avec des savants et des crétins. Je ne sais pas quelle est la théorie qui parle des savants et des crétins. Je prends les devants et je vous laisse à vos commentaires stupides, infantiles ou délirants. Ce n’est pas facile de placer de l’intelligence dans une sociétés qui la refuse. L’homme est en première instance un sous-homme.
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