Que peut être la Réalité ?
Au fur et à mesure que progresse la physique, les scientifiques, et le grand public avec eux, sont conduits à se reposer cette question vieille comme la philosophie. C'est précisément ce que vient de faire la revue NewScientist, réputée pour son sérieux. Elle consacre un numéro spécial, en date du 29 septembre, à l'exposé du problème. http://www.newscientist.com/special/reality
Jean-Paul Baquiast 08/10/2012
Nos lecteurs ne manqueront pas de se référer aux articles proposés par ce numéro. La rédaction y présente diverses hypothèses concernant la « réalité » de l'univers, au delà des considérations classiques concernant les interprétations de la physique quantique et le rôle de la conscience humaine pour réduire les fonctions d'ondes. Les questions suivantes sont abordées : un univers fait de de nombres ; un univers fait d'informations, un univers holographique... Que pourrait-on ici ajouter à ces articles ?
Rappelons peut-être que la physique des particules, comme la cosmologie, débouchent aujourd'hui sur un vaste point d'interrogation concernant non seulement la nature de la réalité, mais son existence même. La physique des particules repose sur ce que l'on pourrait appeler une approche réductionniste : rechercher les constituants les plus petits possibles de la matière. Or aujourd'hui, au delà des quarks, des gluons et des électrons, la mécanique quantique, qui prend le relais à ces échelles, évoque un univers d'énergie, non descriptible en termes de temps et d'espace, nommé quelquefois le vide quantique. Provenant des instabilités du vide quantique peuvent à tous moments surgir des formes de matière conformes au modèle standard des particules. Mais rien n'interdit de penser que d'autres formes de matière, susceptibles de composer des univers différents de ceux que nous observons actuellement, ne puissent pas aussi en surgir. Pourrions-nous jamais les connaitre ? Plus fondamentalement, comment qualifier cette « réalité » ultime, mère possible de toutes les réalités, correspondant à ce concept de vide quantique.
La cosmologie pour sa part conduit, à l'échelle de l'infiniment grand, à une interrogation analogue. Les hypothèses relatives à l'histoire de l'univers évoquent un point zéro, de densité et d'énergie quasi infinies, qui aurait été à l'origine du Big Bang. On parle de Singularité pour exprimer qu'à ces échelles, aucune loi reconnue par la physique actuelle ne pourrait s'appliquer. Beaucoup de physiciens admettent que la « réalité » correspondant à l'existence de cette singularité pourrait donner naissance à des univers très différents du nôtre, où notamment ce que nous nommons les lois fondamentales seraient profondément différentes.
A une échelle plus réduite, celle des trous noirs, on retrouve ce concept de singularité. Les trous noirs, comme l'a rappelé récemment Caleb Scharf, sont considérés comme participant activement au « tissu de la réalité ». Ils donneraient ainsi naissance, dans notre univers, à la physique des particules et à toutes les constructions atomiques en découlant. Mais d'où provient la matière qu'ils éjectent ? Et, plus crucialement, où va la matière qu'ils absorbent. Là encore, on pourrait évoquer le concept de Singularité. De plus, il y aurait dans l'univers observable des trillions de trous noirs, chacun porteur de sa propre singularité. Ces singularités seraient-elles, si l'on peut dire, toute de la même essence, ou renverrait-elles à des « réalités potentielles » différentes ? Si les trous noirs s'évaporent, peut-on admettre l'hypothèse formulée par Leonard Susskind et Gerard 't Hooft , reprise par Craig Hogan, selon laquelle l'information sur l'univers qu'ils contiennent pourrait se retrouver à l'horizon de l'univers entier sous forme d'une projection holographique ? Nous rencontrons à nouveau la question précédente : comment qualifier cette « réalité » ultime, mère possible de toutes les réalités, correspondant à ce concept de singularité, qui serait très comparable à celui de vide quantique.
Au dela de ces questions s'en pose une autre, rarement évoquée : peut-on faire confiance à notre cerveau (ou notre esprit) qui nous suggère ces diverses hypothèses, sans généralement proposer des expérimentations permettant de les mettre à l'épreuve. Quelques chercheurs répondent pas la négative. Pour eux, nous devrions admettre que notre cerveau, formé par des millénaires d'évolution imposant de résoudre des questions pratiques ; liées à la matière quotidienne, devrait reconnaître franchement son incapacité à aller au delà. Si le « réalisme des essences » est une illusion comme le suggère la Méthode de conceptualisation relativisée proposée par Miora Mugur-Sächter, il serait tout à fait légitime de penser que la conjonction de nos cerveaux et de nos instruments puisse rencontrer des obstacles « matériels » insurmontables dans l'effort pour conceptualiser de nouvelles formes d'univers.
Ne pas renoncer
En ce cas, des réponses originales aux questions précédentes ne pourraient provenir que de mutations neuronales ou de progrès inattendus des systèmes cognitifs artificiels que nous produisons par ailleurs,. On pourrait envisager aussi une rencontre, plus qu'hypothétique, avec des extraterrestres plus avancés que nous ayant depuis longtemps résolus les problèmes qui nous arrêtent.
Mais faut-il prématurément renoncer à voir nos cerveaux, ou plus précisément le système évolutionnaire que constituent ceux-ci et nos connaissances scientifiques en réseau, faire émerger de façon aléatoire, un prochain jour, des solutions aux questions sur la réalité évoquées ici. Ces solutions nous paraîtraient alors évidentes. T
Des mutations inattendus dans nos cerveaux et dans les connaissances qu'ils produisent, qu'elles soient théoriques ou pratiques, sont peut-être déjà en train de s'amorcer, sans que nul, aveuglé par le discours académique dominant, ne s'en rende compte. Rappelons d'abord que quelques chercheurs n'ont pas renoncé à mettre en évidence des « variables cachées non locales » qui permettraient de décrire une réalité que la physique quantique persiste à refuser d'aborder autrement qu'en termes de fonctions d'onde. Mais il y a plus. Il est surprenant de voir l'incroyable ébullition qui agite les cerveaux de myriades de physiciens. Des sites comme http://vixra.org/ ou
http://fqxi.org/community/forum/category/31418 en donnent la preuve. Nous sommes évidemment bien incapables de juger de la pertinence de telles approches. On peut même se risquer à penser que nul, aussi savant soit-il, ne prend la peine de les évaluer et de chercher à les prolonger.
D'où l'hypothèse sans doute un peu optimiste que nous formulons ici : de tout ce magma (certains parleront à tort de fatras), ne surgira-t-il pas un jour un éclairage non seulement fécond mais révolutionnaire sur ce que serait la réalité, celle de l univers et la nôtre ? Alors tels Raymond Souplex, nous pourrions nous écrier en nous frappant le front « Mais c'est bien sûr.Que n'y avions nous pensé ? »
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