Retour vers le futur pour les dirigeables
Bien qu’ayant marqué les esprits par leur massive silhouette en forme de cigare, les dirigeables (appelés aussi zeppelins en référence aux nombreux modèles sortis des usines du comte allemand éponyme) ne subsistaient plus que sur quelques cartes postales jaunies d’époque ou tapissaient les pages écornées de livres relatant les hauts faits de l’histoire aérienne. Il se pourrait que cela change ces prochaines années...
6 mai 1937, une date charnière quant à la destinée des dirigeables allemands et, sans exagération, mondiaux, car subissant le revers de la renommée de ce pays en matière de construction de zeppelins.
Le Hindenburg, ou LZ 129, amorce sa descente à Lakehurst (New Jersey, Etats-Unis) en se rapprochant du pylône d’attache. C’est alors que subitement est constaté un départ d’incendie ! Incontrôlable et consumant à une vitesse terrifiante l’ensemble de l’enveloppe du dirigeable, le brasier emporte avec lui plus d’une trentaine de personnes et la confiance des voyageurs dans les aérostats de ce type. L’Allemagne nazie ne se servira plus de ces saucisses volantes que pour des manifestations de propagande jusqu’à totalement démanteler les infrastructures afin de les mettre à disposition de l’industrie de guerre. C’est la fin de l’époque classique des dirigeables.
Soixante ans plus tard, presque mois pour mois, en avril 1997, le Zeppelin NT de la société Zeppelin Luftschifftechnik GmbH prend son envol renouant avec une tradition allemande d’excellence en la matière. Bien que plus modeste que ses ancêtres en terme de taille, mesurant tout de même la bagatelle de 75 mètres de longueur, cette nouvelle génération d’aérostat fait surtout appel à une technologie de pointe en matière de pilotage et d’orientation par satellite tout en ayant opté pour une structure semi-rigide.
L’Allemagne n’est toutefois pas la seule à redécouvrir l’intérêt des dirigeables : ainsi la société Russe RosAeroSystems s’est lancée dans la production de plusieurs types d’aérostats. L’un d’eux, l’AU30, sera le moyen de locomotion de la prochaine expédition de Jean-Louis Etienne en Arctique prévue pour 2008. Les Britanniques s’enhardissent eux aussi en annonçant même pour l’année prochaine un tour du monde avec le Skycat-20. Selon certaines sources, la DARPA (Agence de recherche américaine pour des projets avancés en défense) serait, elle aussi, sur le coup sans qu’il soit, ce qui n’est guère étonnant pour une telle structure, possible d’en savoir davantage.
Et la France dans tout ça ? Certes, l’Hexagone n’est pas réputé pour avoir été un constructeur prolifique de dirigeables, malgré tout ne lui doit-on pas la naissance des aérostats (l’expérience des frères Montgolfier devant le roi Louis XVI en 1783 fut une première mondiale) et quelques belles avancées en la matière (grâce notamment à l’Etablissement central de l’aérostation militaire basé à Meudon où oeuvreront Charles Renard, Arthur Krebs ou encore Albert Caquot) ? Pourtant, le dirigeable ne semble pas avoir la cote en notre contrée. Il existe bien une certaine entité, AAT (Aerospace Adour Technology) mais à notre connaissance, aucune construction concrète n’est à signaler de ce qui semble être principalement un bureau d’études (ce qui n’empêche pas que toute initiative en la matière est appréciable et mérite d’être supporté).
Après la terrible catastrophe survenue au Hindenburg, pourquoi le dirigeable serait-il à même de revenir en grâce dans l’univers de l’aéronautique ?
Tout d’abord parce que l’hélium est désormais utilisé par la plupart des modèles en cours, et présente l’énorme avantage de ne pas être inflammable, contrairement à l’hydrogène qui fut le gaz utilisé par le LZ 129.
Ensuite, les vitesses sont en augmentation constante, le Zeppelin NT pouvant par exemple approcher les 125 km/h et les projets Russes en cours comme le DZ-N1 évoquent 170 km/h. Certes cela restera toujours inférieur à la vitesse actuelle des avions de ligne, néanmoins celles-ci se révéleront suffisantes pour des utilisations en matière de transport de fret, de surveillance terrestre/maritime ou touristique.
De plus le rayon d’action de ces appareils est loin d’être négligeable : même le Zeppelin NT, qui ne fait pas des longues distances sa spécialité, est capable de parcourir 900 km, le Skycat-20 se targuant lui de pouvoir effectuer des distances de plus de 6 000 km et le DZ-N1 table sur 15 000 km (!) en maintenant une vitesse de croisière de 120 km/h.
En dernier lieu, ce qui ne manquera pas de susciter l’intérêt de bien des responsables politiques et des citoyens : c’est un moyen de transport autrement plus écologique que nos actuels Airbus ou Boeing brûlant plusieurs tonnes de kérosène à chacun de leur vol. D’autant que des solutions basées sur la captation de l’énergie solaire ou tout autre énergie renouvelable peuvent aussi être développées.
Certes, les dirigeables sont voués à être utilisés pour des tâches très spécifiques, ne pouvant pour l’heure concurrencer efficacement les aérodynes. Néanmoins le marché de niche qui s’offre à eux pourrait être suffisant pour d’une part obtenir un retour sur investissement conséquent (notamment en matière de gros transports de fret) et d’autre part démontrer la viabilité des plus légers que l’air à terme.
Reste à savoir quel rôle la France entend jouer dans ce renouveau : ce défi technologique étant plus une question de volonté que de moyens humains et financiers dont le pays ne manque pas. Ce coup de pouce pourrait, par exemple, voir le jour sous une forme de partenariat public-privé. En attendant, la course est engagée...
25 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON