Séisme scientifique de magnitude 10. Le paradigme holotropique

Ce long billet évoque le prochain bouleversement des sciences. Le séisme épistémologie risque de faire basculer l’axe de nos connaissances.
Rappel d’une observation décisive mettant en évidence un nouveau tropisme végétal
La gravité entropique et holographique, c’est ainsi que je désigne, provisoirement et faute de dénomination plus inspirée, la conception inédite découlant des travaux du physicien Eric Verlinde sur la nature de la gravitation. Une conception dérivée des recherches initiées par Hawking et Bekenstein sur la mécanique des trous noirs dans un contexte quantique. Les idées développées par Verlinde ont suscité quelques débats très pointus mais peu ont saisi ce dont il est question car la conception entropique de la gravité nécessite un effort de décentrement et d’imagination scientifique nécessitant de quitter les évidences sensibles. Bref, la « gravité entropique et holographique » est aussi étrange à comprendre que la mécanique quantique. Ce qui ne rend pas aisée l’exposition des processus provenant de cette gravité lorsqu’ils s’appliquent au tropisme de certains végétaux comme le dipladénia, plante volubile importée d’Amérique du Sud. Mais est-on certain d’un lien avec la gravité ? Avant de théoriser, je vais résumer cette découverte inédite sur une nouvelle forme de tropisme végétal.
J’ai observé une attirance manifestée par les tiges du dipladénia dès lors qu’on place à une distance de quelque centimètre un support. La tige est comme attirée par le support et finit par se courber pour venir à son contact. Ce phénomène est bien distinct du thigmotropisme décrivant l’enroulement de la tige dès lors que le contact avec le support est réalisé. Les botanistes expliquent la rencontre de la tige et du support par une croissance aveugle par les plantes volubiles qui cherchent le support et s’y enroulent une fois le contact établi. L’observation effectuée sur le dipladénia suggère qu’il n’y a pas de hasard, la tige étant comme sensible à la présence du support qu’elle semble percevoir au point de se tordre pour aller à son contact. Il n’y a donc pas de cause matérielle expliquant ce processus qui se distingue alors du thigmotropisme dépendant du contact physique.
Rappelons que la gravitation exerce une force mécanique responsable du gravitotropisme des végétaux. La réception de la lumière induit le luminotropisme alors que le contact physique est responsable du thigmotropisme. Et donc une question : par quel « processus » le végétal perçoit-il la présence du support. La lumière visible étant exclue car le phénomène se produit dans l’obscurité. Il reste l’éventualité d’un rayonnement infrarouge dont la réflexion par le support pourrait être captée mais c’est bien improbable. Si donc on exclut un mécanisme transitant par l’espace, on peut invoquer une sorte « d’action à distance » ou disons, d’influence. La similitude avec la gravitation newtonienne s’impose. Mais la difficulté tient au fait que la gravitation qui pourrait attirer la tige vers le support est ridiculement infinitésimale. C’est sans doute pour cette raison que les botanistes n’ont pas prêté attention à ce phénomène. Néanmoins, la gravité fait actuellement l’objet d’un changement de nature. Elle ne serait plus une force attractive (d’essence mécanique) une réaction entropique (d’essence informationnelle et holographique). Evidemment, ce rapprochement est inattendu, étrange, peu crédible, aventureux. Pour preuve, cette réaction d’un internaute face à la présentation récente de cette hypothèse sur Agoravox :
« Vous oubliez, bien que citant Verlinde, que quelle que soit la façon de considérer la gravitation (interaction ou force entropique) au niveau macroscopique les deux approches conduisent à la même loi classique découverte par Newton....Donc que la pomme tombe parce qu’elle interagit avec la terre ou qu’elle tombe pour que l’entropie du système augmente ça n’a aucune importance...les deux approches aboutissent à la même description.... Faire intervenir une force entropique pour expliquer que les haricots brassent l’air à la recherche d’un truc où s’enrouler c’est quand même vraiment gonflé ! »
Ce commentaire illustre parfaitement le propos d’un Candide, ce dénominatif étant à prendre dans l’acception positive, le Candide n’étant pas un ignare mais simplement un type doué de bon sens mais qui passe à côté du savoir faute d’une ouverture d’esprit suffisante. Bien évidemment que la conséquence « mécanique » de la gravité entropique est la même que celle de la gravitation newtonienne, la pomme tombant vers la terre, parce que l’entropie réagit dit la nouvelle conception et parce que la terre attire la pomme dit Newton. Par contre, Newton ne peut pas expliquer l’attraction entre la tige et le support, alors que la « réaction entropique » le permet. Autrement dit, la « gravité entropique holographique » englobe la cosmologie relativiste qui englobe la physique newtonienne, mais aussi constitue une esquisse de théorie plus vaste faisant reposer sur un principe de même essence (l’information, le tropisme) la gravitation des corps physiques, la courbure spatiotemporelle et le tropisme de cette plante volubile qu’est le dipladénia. C’est ce saut conceptuel vertigineux qui déroute notre Candide dont le mérite est d’inciter à exposer clairement le procédé scientifique visant à unifier en englobant les différences phénoménales grâce à un formalisme plus complet.
La cosmologie relativiste n’a rien d’un caprice théorique puisqu’elle permet de formaliser un phénomène complètement étranger à la mécanique newtonienne. Ce phénomène, c’est la courbure de l’espace-temps. Les conséquences épistémologiques en sont même radicalement modifiées puisque selon les dires d’un grand philosophe des sciences, on doit admettre qu’après Einstein, l’espace-temps est dans l’univers, alors qu’avec Newton, c’est l’univers qui est conçu dans l’espace-temps (sous-entendu, absolu). En suivant un même ordre de raisonnement, on peut imaginer, moyennant quelques ajustements adéquats en terme de principe et concepts, qu’une théorie élargie puisse englober le phénomène gravitationnel et le tropisme de certaines plantes et même d’autres faits naturel. D’ailleurs, qu’est-ce la gravitation sinon le phénomène du tropisme physique, autrement dit de la disposition de l’univers exprimé comprenant espace-temps et orientation des masses. Le tropisme végétal étant l’orientation de la plante ou l’arbre en fonction de la configuration matérielle de l’environnement.
Nouveau paradigme autour de la « gravité entropique et holographique »
Un nouveau paradigme se dessine à partir de la mécanique quantique des trous noirs. Mais la prudence s’impose car les choses se présentent sous un angle tout aussi équivoque et ambigu que lors de l’élaboration des analogies entre la formulation statistique de l’entropie par Gibbs-Boltzmann et la théorie de l’information de Shannon. Ces idées ont égaré les biologistes pendant quelques décennies. La compréhension du vivant n’a pas progressé avec les résultats de la thermodynamique. C’est même l’inverse qui s’est produit. Les méditations d’Henri Atlan sur la vie et l’information ont certes ouvert une perspective heuristique intéressante mais au prix d’un abus d’interprétation des analogies statistiques, le tout adossé à une conception moléculariste du vivant. Tout aussi heuristiques furent les prolongements de la thermodynamique initiés par Prigogine, égarant les épistémologues dans les méandres de l’auto-organisation comme Graal universaliste. Même la thermodynamique a été la source d’erreurs dans l’interprétation des formalismes (voir J. Tonnelat, Thermodynamique probabiliste, Masson (1991)) La mise à jour de similitudes entre domaines séparés répond au souci scientifique légitime d’unification mais peut parfois placer la compréhension d’un phénomène naturel ou social dans une impasse savante. Qui hélas incite à prononcer une fin de non recevoir aux critiques et aux conceptions alternatives.
Après avoir alerté le lecteur sur une docte prudence, il est temps d’entrer au cœur de cet hypothétique cyclone épistémique et ontologique qui se dessine avec les recherches sur les trous noirs initiées dans les années 1970 et qui livrent maintenant quelques ouvertures avec l’implication du paradigme holographique. C’est en effet il y a presque quarante ans que cette longue histoire a commencé, avec l’élaboration de la thermodynamique des trous noirs, spéculation scientifique issue de la combinaison de la cosmologie relativiste et de la mécanique quantique. Le point focal, c’est cette analogie entre les lois du trou noir et celles de la thermodynamique. Commençons par l’horizon des événements. Cette structure instaure une séparation entre deux domaines, celui où tout événement (action physique) sera capté par le trou noir et celui où l’on peut s’en échapper. Cette séparation est une surface et donc, pourvue d’une aire. Selon Stephen Hawking, le second principe de la mécanique des trous noirs énonce que l’aire d’une section d’horizon des événements ne peut que s’accroître avec le temps. L’aire joue alors un rôle parallèle à celui de l’entropie en thermodynamique.
Le premier principe de la mécanique des trous noirs relie la variation de la masse d’un trou noir à la variation de la surface d’horizon additionnée à celle de son moment angulaire et sa charge électrique. Une analogie pas très évidente est tracée avec le premier principe de la thermodynamique calculant la variation d’énergie d’un système à la variation d’entropie additionnée au travail effectuée. L’aire joue encore un rôle parallèle à l’entropie alors que l’intensité du champ de gravitation correspond à la température. Cette dernière étant homogène pour un système parvenu à l’équilibre, alors que la gravité est la même sur toute la surface d’horizon d’un trou noir indépendant du temps (Hawking et Penrose, La nature de l’espace et du temps, Folio Gallimard, p. 62). A partir de ces constats et en généralisant le second principe, Bekenstein est arrivé à d’étranges conclusions résolues par une non moins étrange déduction : selon Hawking un trou noir émet un rayonnement thermique et s’évapore peu à peu. S’en suivirent de longues controverses sur une autre déduction tout aussi curieuse : de l’information est censée être perdue lorsqu’un objet tombe dans un trou noir ; en violation avec le principe fondamental de conservation de l’information. Ce que refusa Leonard Susskind qui contribua à résoudre ce dilemme après deux décennies de controverse savante. Les conclusions ne sont pas évidentes à comprendre mais disons grosso modo que l’information se concentre à la surface du trou noir et qu’il y aurait partout de l’information, visible ou non, exprimée ou non, dans l’univers. Bref, on reconnaît le principe holographique.
Autant le dire honnêtement, les détails mathématiques et conceptuels discutés par les spécialistes des cordes et des trous noirs sont hors de portée du grand public et même de la plupart physiciens. Mais cela n’empêche pas de saisir la perche tendue et de réfléchir à cette révolution scientifique en marche dont Susskind nous dit qu’elle fut initiée dans le milieu des années 1990 avec une nouvelle manière de voir le monde physique, mettant en jeu une nouvelle sorte de relativité et de complémentarité quantique. D’où une question fondamentale : assiste-t-on à une troisième compréhension de l’univers ? La première fut celle de Galilée et Newton qui initièrent une conception mécaniste grâce à l’usage de la mesure du monde et des mathématiques appliquées. La seconde conception résultat d’un double héritage, celui de la mécanique quantique et des relativités d’Einstein. En 1927, la messe était dite. Or, Susskind suggère une refonte de la complémentarité quantique (consignée par Bohr) et une nouvelle relativité, autrement dit une nouvelle manière de voir l’univers en usant des déductions tirées de la mécanique des trous noirs et du principe holographique. Verlinde s’est engouffré dans la brèche en revoyant complètement la nature de la gravitation qui, même si elle continue à faire tomber les pommes, est rendue méconnaissable pour un physicien instruit à la vieille école.
Néanmoins, un immense doute persiste. Contrairement aux deux précédentes révolutions en physique, assorties de faits expérimentaux inédits, cette troisième révolution semble reposer sur expérience de pensée et donc, d’une manière de voir construite à partir d’un subtil calcul théorique et d’interprétations conférant un sens à l’univers, plutôt qu’un nouveau champ empirique. Autrement dit, rien de bien neuf depuis Einstein et Bohr. Les propos de Verlinde et Susskind laissent perplexe. J’avoue être assez troublé en écrivant ces lignes tout en méditant sur le sens de cette vision de l’univers. Il se pourrait bien que les physiciens n’aient pas réalisé les ultimes implications métaphysiques de leurs travaux et les possibles raccordements avec la compréhension de la conscience et pour le dire plus précisément, du Dasein, du dispositif par lequel l’homme est « encarné » avec l’univers matériel (voir précédemment les liens entre conscience et trou noir). Si un nouveau paradigme se dessine, il se situe dans le sillage des idées formulées par Bohm sur l’ordre implié, mais aussi de conceptions systémiques et de réflexions initiés dans les années 1980, notamment par Rupert Sheldrake et Ken Wilber. L’univers contient bien plus d’informations que ce qui est manifesté dans le monde spatio-temporel. Que j’ai d’ailleurs désigné en d’autres pages comme monde exprimé. On comprend alors l’importance du tropisme végétal du dipladénia qui, s’il se confirme, constitue un fait expérimental dont l’explication fait appel à la nouvelle conception du monde physique.
La surdétermination de l’information doit être discutée avec principe holographique dont voici le principe. Une image tridimensionnelle est restituée grâce à un faisceau laser envoyé sur un hologramme, sorte de négatif photographique contenant la diffraction de ce même faisceau par l’objet irradié. La propriété de l’hologramme est que si on en coupe un morceau, il pourra restituer l’intégralité de l’objet mais avec un peu moins de précision. Ce qui n’est pas le cas d’un négatif photo qui une fois coupé, ne restitue qu’une partie du paysage photographié. Le principe holographique généralisé postule que derrière chaque chose, il y a bien plus de forme que celle exprimée par cette chose. La théorie de la forme doit être cherchée dans la théorie quantique où se dévoile la dualité forme et énergie, avatar contemporain de l’hylémorphisme aristotélicien (voir ma thèse Procès et Miroirs, Poitiers, 1996). Si l’énergie est équivalente à la forme (principe qui sera en vigueur dans le nouveau paradigme) alors il est logique que la mécanique quantique du trou noir (là où l’énergie est condensée) accorde une place éminente à l’information et laisse se dessiner le paradigme holographique. Comme l’a établi Susskind, infirmant Hawking, l’information ne disparaît pas dans un trou noir. D’après mes investigations personnelles, il se peut que le réel visible soit que le résultat de deux mouvements, l’un d’expression, l’autre d’impression, le tout orchestré par deux processus invisibles liés à une super entropie et une super gravité qui lui est contraire. L’entropie physique n’est que la conséquence de la dispersion liée à l’expression, alors que la gravitation classique est la conséquence du processus inverse. Il se pourrait même que notre espace-temps soit le résultat dynamique d’une superposition de trous noirs fusionnant l’espace d’un instant et donc, fournissant une surface d’horizon en trois dimensions. Pas si évident. Il faut penser en quatre, voire cinq dimensions pour se représenter cet ensemble de processus.
La cosmologie relativiste d’Einstein constitue le dernier stade de la physique moderne dont l’un des enjeux fut de cartographier tout ce qui est « en surface et mesurable ». Le monde spatio-temporel est complètement balisé. Se déplacer dans le territoire ne nécessite pas une carte mais un GPS. Tel est l’aboutissement ultime des théories d’Einstein et de la physique héritée du 19ème siècle. La physique a achevé la cartographie de l’univers spatiotemporel, des masses, des processus microphysiques observés dans les dispositifs quantiques et des mécanismes statistiques générant de l’entropie matérielle. La biologie a fait de même pour les mécanismes moléculaires mais compte tenu de l’extrême complexité de la vie, la découverte de nouveaux mécanismes n’est pas prête de s’arrêter. Les scientifiques des laboratoires s’affairent sur le toit des mécanismes, étudiant les phénomènes superficiels, accessibles aux technologies, tout en méconnaissant les fondements du vivant. La biologie s’est égarée en adoptant la solution du tout moléculaire et du tout génétique. Mais elle peut se prévaloir de grands succès dans le domaine thérapeutique. En fait, une méditation sur l’usage de la nature par l’homme livrerait quelque éclairage sur ce qu’il est raisonnable d’espérer et ce qui relève de lubies scientistes. La révolution moléculariste du 20ème siècle est de même essence que la révolution néolithique il y a dix millénaires. L’enseignement à tirer et qu’il y a des limites. On ne peut pas produire plus que ne le permet la surface des terres arables. On ne peut pas octroyer de la médecine au-delà des limites de la chirurgie et des points d’ancrages moléculaires efficaces ayant permis de sélectionner quelques milliers de principes actifs parmi les centaines de millions de molécules testées. On a beau repousser les limites de la technique, on ne peut pas agir plus que ne le permet le domaine de la technique, autrement dit l’opération d’une chose à partir de l’extérieur. Par contre, il existe une efficace liée à l’intérieur et c’est ce champ qui est concerné par la nouvelle théorie de la gravité, avec le domaine de la super entropie et la super gravité, toutes deux étant déductibles de la mécanique quantique des trous noirs. Pourquoi pas employer le néologisme de champ holotropique ?
Phénomènes et perspectives dérivant du principe holotropique
Le processus holotropique lié au principe holographique risque d’expliquer bien plus de phénomènes que le simple infléchissement d’une tige de dipladénia. Les faits d’information à distance décrits par Sheldrake pourraient entrer dans son cadre explicatif, comme du reste d’autres faits assez mystérieux comme l’hypersensibilité de certains animaux capables d’anticiper un séisme quelques heures avant son déclenchement. L’information passant par le canal intérieur des processus holotropiques. A rajouter, les effets biomagnétiques, comme ceux étudiés par Priore et enfin, qui dit nouveau paradigme en physique dit possibilité de manipuler de manière inédite l’énergie. Cette perspective doit être considérée hautement improbable en l’état actuel des recherches ; mais nul n’a les moyens de la réfuter. La mécanique rationnelle est associée à la machine à vapeur, la théorie de Maxwell à la production d’électricité avec les turbines, l’équation d’Einstein explique l’incroyable énergie obtenue par fission nucléaire.
Le paradigme holotropique offrira surtout un nouveau cadre ontologique, une manière de voir l’univers différemment, avec en plus des explications inédites de la vie et la conscience. La constante G renvoie à la puissance d’impression, la constante h désigne le quantum d’expression, k désigne la constante de dispersion et c la vitesse maximale reliant deux événements exprimés sur un même horizon. Reste à comprendre et formuler comment cet agencement des processus peut participer à l’émergence de la vie, à l’adaptation et l’évolution des espèces, à l’émergence de la conscience.
Holotropie, autrement dit le global et l’orientation, ou si l’on veut la disposition dans un environnement dont la maîtrise s’effectue par un processus d’essence entropique, d’essence informationnelle. Le paradigme holotropique permet de comprendre cette connivence entre l’humain et la nature qu’on entrevoit lors de l’usage de plantes médicinales. La médecine chinoise est basée sur le principe holotropique. La physique moderne rencontre, à travers la mécanique quantique du trou noir, de vieilles connaissances issues de la conscience analytique utilisée par les sages savants de l’époque antique. Ce détail étant loin d’être anodin. Les populations avaient des savoirs assez limités mais appropriés pour un usage prosaïque du monde. A notre époque, les gens ont un savoir approximatif de la science. En vérité, personne n’a vraiment besoin de connaître les lois de la cosmologie relativiste et de la mécanique quantique pour utiliser un GPS calculant les corrections relativistes ou un lecteur numérique doté d’un faisceau laser. La connaissance du paradigme holotropique est tout aussi superfétatoire pour l’homme qui veut parcourir le monde et en faire un usage tout en échangeant avec son prochain en toute convivialité, tout en usant des nouvelles technologies après avoir consulté le mode d’emploi. Les lois de Newton n’étaient connues que d’une minorité, ce qui n’a pas empêché les sociétés industrielles de se développer et la république de s’instaurer.
Finalement, à quoi servirait de développer les connaissances en jouant du paradigme holotropique ? Je n’ai pas la réponse et c’est ce qui rend passionnant la recherche. Si on savait où l’on aboutit, l’expérience (matérielle ou de pensée) n’aurait aucun charme. Descartes, Galilée et Newton n’auraient jamais imaginé les incroyables découvertes effectuées en sciences physiques entre 1830 et 1970. Un seul mot d’ordre, cherche ! Les découvertes scientifiques sont à l’image des gagnants du loto. Seuls, ceux qui ont cherché ont trouvé ! L’un des ressorts les plus efficaces en science est le doute. Ne pas savoir où l’on aboutit et pourtant se persuader qu’il faut y aller. En ce sens, le paradigme holotropique fournit un puissant prétexte heuristique pour mettre en doute la vision mécaniste issue de la science moderne. Rien de bien nouveau dira-t-on depuis la dualité sensible intelligible proposée par Platon, suivie du dualisme corps pensée élaboré par Descartes. Car ce qui se dessine, c’est une nouvelle forme de dualisme, confirmant les précédents tout en les élargissant. D’un côté le monde mécanique, monde d’action, exprimé, projeté, réuni en un horizon d’événements, émergeant avec le champ spatiotemporel, produisant de l’entropie mécanique ; de l’autre, le monde renversé intérieur aux corps, un monde qu’on peut penser en analogie avec le trou noir quantique, un monde où une information superdéterminée se condense sur une surface telle une super néguentropie contenant une masse considérable d’informations agencées selon un mode différent de l’information physique que la mécanique étudie et formalise.
Pour résumer un peu, disons qu’il faut scinder le monde en deux domaines, l’un exprimé, où les événements se déroulent dans un horizon, ou même avec cet horizon, l’espace-temps étant une sorte d’écran naturel reliant par le mode « inter-actif » les différents individus du monde, et notamment l’homme et la nature. Ce monde exprimé n’est qu’un théâtre de figures qui apparaissent, dirait Platon. Mais c’est un monde d’action. Avec le quantum de Planck, l’action en mécanique rationnelle et le principe de moindre action qui gouverne une sorte de comportement téléologique de la matière. La gravité émerge avec l’univers matériel. Derrière l’horizon se tient le monde des informations surdéterminées, le monde de l’holoentropie, des formes non exprimées mais qui déterminent lors de la rencontre des horizons le monde des événements exprimés. Dualité entre monde d’action et monde de formation, deux des quatre mondes de la quadripartition ontologique de la Kabbale, héritée du reste de Plotin puis de Jean Scot Erigène. Le monde créé qui crée et le monde créé qui ne crée pas.
Que dire de plus sinon qu’il faut chercher. La connaissance de l’univers pourrait alors voir un troisième basculement après celui de la période axiale (Confucius, Platon, Zoroastre, Védas) et celui de la période moderne où le savoir devient savoir faire et savoir mesurer et calculer (Descartes, Galilée).
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