C’était
un peu (beaucoup) le thème du colloque organisé le 4 mars 2009 à
la Maison de la Chimie à Paris par quelques parlementaires
particulièrement motivés pour cette objectif. Il était organisé
avec la participation (financement) des 4 Grands de la vaccination,
Sanofi, GSK, Novartis, Wyeth, le producteur du Prevenar absorbé par
Pfizer. Ils étaient représentés à un haut niveau et madame la
Ministre était venu y prononcer une allocution. J’y étais aussi...
Tout
ce que nous observons sur l’organisation de la campagne vaccinale
H1N1 illustre à la perfection les orientations définies dans ce
colloques. En voici quelques unes.
Aussi,
pour ces initiateurs il faut "organiser
un
projet étatique fort
autour de la vaccination« et d’abord »établir un
plan
national pour la vaccination
en confiant au médecin traitant le suivi du statut vaccinal, en
renforçant la communication sur les vaccins auprès du grand public
pour rendre
plus accessible l’information officielle
sur les vaccins".
Le
marché mondial c’est 10 milliards d’euros en progression de 15% par
an. Dans le marché du vaccin l’Europe domine : 89,4% des 4 milliards
de doses annuelles sont produites en Europe et au sein de l’Europe la
France domine et exporte 85% de sa production.
En
raison du coût très élevé pour réaliser un vaccin, (plusieurs
milliards d’euros)
les laboratoires demandent
par avance que le marché leur soit ouvert alors que le produit n’est
pas encore élaboré !
Autrement dit, ils veulent une AMM en blanc, voire des
recommandations en blanc !
Il
fut dit en particulier que ’’les vaccins constituent un relai de
croissance important de l’industrie pharmaceutique. Ils représentent
donc une opportunité majeure pour la France’’. D’où plusieurs
propositions afin de conforter la place de l’Hexagone dont ’’la mise
en place d’incitations fiscales (zones franches...) ’’. Il est
également proposé de raccourcir les délais entre l’obtention de
l’AMM et les recommandations d’utilisation formulées par le Comité
technique des vaccinations qui prendrait donc trop de temps pour
étudier le vaccin....
Si
j’ai bien compris, admettons que pour que la vraie grippe devienne
épidémique on estime qu’il faut 60 cas pour 100 000. En septembre
on dépiste 20 cas de fausse grippe, aussi on met le seuil à 80.
Mais en janvier on trouve 100 cas de fausse grippe aussi on met le
seuil à 160.
Dans
son analyse, Bernard Dugué a sans doute oublié de tenir compte de
cela mais son article permet d’en parler et ainsi de progresser.
Cessons de vouloir des auteurs et des articles infaillibles. L’erreur
fait souvent davantage progresser et tout le monde en fait y compris
nos Comités d’experts. Un exemple : il y a près d’un an, pour
contrer l’annonce de l’étude significative de Marc Tardieu sur la
vaccination hépatite B, notre Commission nationale de
pharmacovigilance invoque le risque de première espèce pour
déclarer son résultat fortuit. Mais par un raisonnement qui
annihilerait tous les tests statistique.
J’explique
avec des pièces. J’obtiens 80 piles en lançant 100 fois un louis
d’or, signe que la pièce est sans doute déséquilibrée. On me
rétorque que non car un parisien a obtenu 42 piles avec une pièce
d’un euro, un toulousain 45 piles avec 2 euros, un marocain etc et
qu’en cumulant tous ces résultats, l’ensemble est équilibré et que
c’est cela qui compte !
Chercher
l’erreur. Si on accepte un tel raisonnement on pourra noyer n’importe
quel résultat aussi significatif qu’on voudra dans un flot
d’expériences réalisées dans d’autres conditions. Le problème est
là : le risque de première espèce s’applique dans le cas de la
répétition de la MÊME expérience : toutes les pièces doivent
avoir la même probabilité de tomber sur pile.
Pour
l’étude Tardieu, un groupe avait un risque relatif de 2,77, un autre
0,45. On peut tester que la différence est très significative,
autrement dit que les 2 groupes ne semblent pas avoir le même risque
de sclérose en plaques. C’est comme si le louis d’or et la pièce de
1 euro n’avaient pas la même probabilité de tomber sur pile et c’en
est fini du risque de première espèce, bien entendu.
L’essentiel
n’est pas de ne jamais faire d’erreur mais de savoir les gérer. Nos
Comités d’experts qui jugent les études se présentent comme
infaillibles. Ils ne le sont pas bien sûr. Faut-il ne rien dire
quand on risque de faire des erreurs ? Non car alors ce serait
silence total à tous les niveaux. Mais il faut qu’au plus haut
niveau ils acceptent de reconnaître aussi leurs erreurs et à notre
niveau, plus modeste, de corriger mutuellement les nôtres pour progresser ensemble
plutôt que de profiter d’une erreur pour écraser par des
’’taisez-vous si vous n’êtes pas expert’’.
Les nombres données par l’OMS sont-ils
fiables ? C’est une question posée.
La polio ne peut se comparer au cancer
en terme de dépistage car une paralysie se repère immédiatement.
Les chiffres de l’OMS sont les cas notifiés et non pas les cas réels
qui pourraient être plus important, on ne peut l’exclure a priori.
En réalité, on part des cas de PFA (paralysies flasques aiguës)
qui sont assez faciles à repérer puisque la personne est paralysée.
Pour plus de 80% des cas de PFA, 2 échantillons de selles doivent
être recueillis à plus de 24h d’intervalle et dans les 14 jours qui
suivent le début de la paralysie. Ces échantillons sont ensuite
expédiés dans de la glace à un laboratoire agrée auquel ils
doivent parvenir en bon état. Le laboratoire détermine alors la
nature du virus en cause.
Je pense qu’on peut dire de façon
certaine que tous les cas déclarés à polio à virus sauvage de
type 3 par exemple sont bien de ce type. De même pour ceux qui
dérivent d’une souche vaccinale de type 2 comme au Nigeria.
Les cas sont-ils tous connus ? En fait,
la définition de l’élimination du virus dans une région est assez
inattendue : il est considéré comme éliminé quand on ne le
rencontre plus chez les malades ET que le système de surveillance
est capable de dépister chaque année au moins 2 cas de PFA non
poliomyélitique pour 100 000 enfants de moins de 15 ans. Autrement
dit, pour pouvoir affirmer qu’il n’y a plus de polio il faut trouver
suffisamment d’enfants paralysés comme le ferait la polio mais sans
que ce soit un virus polio ! Cette condition vise à mesurer
l’efficacité du système de surveillance : si celui-ci ne fonctionne
pas, il pourrait ne trouver aucun cas de polio mais cela ne
prouverait rien quant à sa disparition.
Le nombre de doses reçues par les
victimes est sans doute plus difficile à évaluer avec certitude
mais l’OMS n’a pas de raison particulière de majorer ce nombre, bien
au contraire, dans ses publications officielles. Elle nous a
suffisamment habitué à faire preuve de discrétion sur les cas
vaccinés et de tapage sur les non vaccinés pour douter du
contraire. Quand de nombreux cas de polio dérivés de souche
vaccinale de type 2 étaient apparus au Nigeria en 2007 elle avait
d’abord envisagé de n’en rien dire et n’avait révélé l’affaire
que de nombreux mois après. Ces révélations assez inattendues sur
le nombre considérable de doses reçues par un nombre très
important de victimes sont faites au moment où la situation est
devenue meilleure en Inde et où de nouvelles stratégies laissent
quelques espoirs à l’OMS.
L’OMS a sans doute aussi pris
conscience que l’éradication de la polio ce n’est pas pour demain et
que pour pouvoir maintenir encore longtemps à bout de bras son
programme d’éradication il fallait lâcher une partie de la vérité.
Car là aussi l’OMS nous a habitué à quelques manipulations : en
novembre 2002 elle affirmait que l’élimination du virus polio
sauvage était réalisable pour janvier 2003 à condition de disposer
de tant de millions de dollars et que si ces sommes n’étaient pas
immédiatement trouvées elle serait repoussée à Pâques 2003 et
couterait beaucoup plus cher. Pâques, la Trinité...ça rappelle une
chanson ! En fait l’OMS savait.. Mais que ne fait-on pas pour avoir
des fonds...