A propos de l’INSEE, il me paraît opportun de citer ici un extrait de l’excellent ouvrage de Laurent Mauduit, « Les imposteurs de l’économie » : « La puissance publique n’a souvent pas fait son devoir [...] Dans une course aux économies budgétaires, elle ne veut, ou ne peut plus assumer ses responsabilités. C’est l’une des innombrables conséquences de l’Etat pauvre : de nombreuses missions ont été rognées. Et les organismes publics un peu trop indépendants ont souvent été les premiers à en faire les frais. Que l’on observe par exemple les mauvais coups en cascade dont l’INSEE a pâti ces dernières années. Réductions drastiques de de crédits, remise au pas de l’institut au prétexte fallacieux d’une délocalisation[...]. En fait, l’Etat a parfois achevé le travail entrepris par la finance pour qu’il n’y ait plus de recherche économique indépendante. Et pour qu’en bout de course, la société soit, si l’on peut dire, aveugle sur elle-même. Car sur une longue période, il n’y a pas eu que l’INSEE que lon’ a cherché à démembrer et dont les moyens ont été amputés. Il y a eu aussi le célèbre et fâcheux précédent du centre d’étude des revenus et des coûts (Cerc), purement et simplement supprimé [...] Et le résultat et celui que l’on sait. Si l’INSEE a repris une partie des études de l’ex-Cerc, il en est beaucoup d’autres qui ont été abandonnées ou sont désormais beaucoup moins complètes. Sur les inégalités, sur la pauvreté, sur les travailleurs pauvres... ».
C’est d’ailleurs une belle bombe à retardement. Les média allemands font de plus en plus état d’un phénomène fort préoccupant, la pauvreté des personnes âgées, qui prend visiblement de l’ampleur. Et ce n’est pas fini : ceux qui, au bas de l’échelle, voient aujourd’hui leurs salaires réduits sont les candidats de demain à cette fameuse « Altersarmut ». Au point d’appréhender le moment de la retraite.
Excellent article ! Il révèle un aspect supplémentaire de la désagrégation du monde occidental tel-que-nous-l’avons-connu-jusqu’ici. Cette érosion n’est pas arrivée par accident. Elle est le résultat d’une lente gangrène, qui ronge notre monde depuis une trentaine d’années, et qui prend sa source aux US. Mon analyse est la suivante : à partir de l’arrivée de Reagan, les Etats-Unis ont retrouvé une croissance qui s’amollissait dangereusement, à l’aide d’une série d’ingrédients dont : - le désengagement de l’Etat et la « dérégulation », qui visait à permettre aux entreprises américaines les plus puissantes de retrouver de la vigueur sur leur base arrière (les US) pour ensuite mieux attaquer le reste du monde - un activisme forcené pour la mise en place des outils du « libre-échange » (OMC), dont l’objectif était de fournir les armes économiques aux mêmes entreprises pour conquérir les marchés extérieurs. - au delà - peut-être - de son illusoire tentative pour restaurer l’hégémonie US, la guerre en Irak participera pleinement à cette goinfrerie par les compagnies américaines (qui ont totalement noyauté l’administration américaine) : lobby pétrolier et lobby militaro-industriel. La guerre privée en fait partie : elle joue le rôle de pompe à fric pour transférer l’argent du contribuable dans la poche des actionnaires (et surtout des dirigeants) des compagnies qui décrochent ces mannes qui sont des « chasses gardées ». Rumsfeld est un des principaux acteurs de ce mouvement, ainsi que Cheney, qui tous deux ont des intérêts importants dans ces opérations (comme les Bush d’ailleurs). - la finance par ailleurs, qui trouve dans des opérations de type subprimes le moyen de siphoner encore plus d’argent du bas vers le haut.
Outre le court-termisme des dirigeants (qui les amène à caresser dans le
sens du poil la majorité, ou à ne pas entrer en rupture avec une
situation bien établie - dans notre cas, la dominance de l’électricité
nucléaire en France), on ne peut écarter une suspicion d’influence
significative de la part du lobby du nucléaire. De nombreux articles
mettent en évidence la puissance de ce lobby, qui aurait par exemple
réussi jusqu’ici à tuer dans l’œuf tout émergence (et tout
subventionnement sérieux) d’une filière de production d’énergie
renouvelable digne de ce nom. A long terme cela nous pénalisera
sérieusement via-à-vis de nos voisins (Danemark, devenu leader mondial
de l’éolien, mais aussi Allemagne).
Un de mes amis, éminent
professeur de finances, me disait, il y a quelques mois : "La question
n’est pas de probabiliser un accident nucléaire (car faible proba x fort
coût = faible coût en espérance), mais de savoir si le pays pourrait
survivre à une catastrophe nucléaire - c’est à dire regarder le coût
total d’un tel accident". Il prédisait que si la France vivait un
Tchernobyl (donc un accident), le pays (le gouvernement, l’Etat) n’y
survivrait pas, le coût étant impossible à supporter...
Ce à quoi
j’avais répondu : "On peut aussi prendre le problème sous l’angle du
coût réel du kWh, lequel devrait comprendre le remboursement des sommes
très lourdes investies par l’état pour développer le nucléaire
(amortissement), le coût du traitement et du stockage des déchets, les
coûts environnementaux (qui ne sont d’une façon générale que très
rarement pris en compte), le coût de démantèlement futur des centrales,
et... la prime de risque. La prime de risque ? Supposons qu’on arrive
à calculer ce qu’il en coûterait d’assurer le pays contre une
catastrophe de type Fukushima en vallée du Rhone ou à Nogent sur Marne.
Est-ce qu’une telle prime au kWh aurait un sens ? Autrement dit, est-on
prêt à échanger notre vie actuelle perdue (évacuation totale et durable
de Paris, par exemple) contre de l’argent ?
On notera d’ailleurs
qu’en ce qui concerne Fukushima, le gouvernement japonais a reconnu
récemment qu’il avait sérieusement envisagé la perte de Tokyo. Ca fait
froid dans le dos..."