Votre raisonnement est séduisant. Cependant, sur un CD, vous payez la fabrication ET les droits d’auteurs (1,25 euros de mémoire).
Ou plutot, c’est le producteur qui les paye (à la SACEM, plus rarement à l’éditeur) pour vous... avant de vous en réimpacter le prix.
Ce paiement rémunère le fait que la reproduction (le pressage du CD) ou la mise à disposition (l’offre de téléchargement) ont été autorisées par l’auteur (ou son éditeur, ou la SACEM, a qui il a fait apport de ses droits), en vertu du monopole que la loi lui confère sur ces actes.
L’économie réalisée par le numérique se fait avant tout sur les couts de fabrication et de distribution, éventuellement sur la valeur incorporelle de l’autorisation (il suffit de réduire son prix), mais le passage au numérique ne supprime pas le droit.
2. Celui qui paye pour la diffusion c’est... le diffuseur, donc la web radio (en théorie). C’est vous même qui le disiez plus haut.
3. Qu’il y ait contournement de DRM ou pas, accès licite ou pas, si vous relisez la loi DADVSI, vous vous appercevrez que le bénéfice effectif de l’exception a pour limite l’atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre.
Accessoirement, ce n’est pas dû à la DADVSI, cette règle est applicable en France depuis les années 70, date à laquelle le test en trois étapes est apparu dans la Convention de Berne, applicable en droit interne (art. 55 de la Constitution).
Donc, une fois encore, et pour recentrer le débat :
a) la diffusion en streaming permet des reproductions en masse via un logiciel ;
b) ces reproductions seraient couvertes par l’exception de copie privée (et encore, c’est discutable) ;
c) sauf si ces copies « privées » portent atteinte à l’exploitation sous forme de « phonogrammes » (CD ou mp3 ou format propriétaire).
A lire l’arrêt Mulholland Drive, à ma connaissance seul arrêt de la Cour de cassation à avoir appliqué le test en trois étapes, le c) ci-dessus est fort probable pour les comportements promus par votre article, que l’appréciation du caractère normal de l’exploitation se fasse d’un point de vue macro (la multiplicité des pratiques porte atteinte) ou micro (« des centaines en une nuit »).
4. Ce que vous appelez « taxe sur les supports » s’appelle « rémunération pour copie privée » (ce qui est d’ailleurs impropre, puisqu’il s’agit d’une indemnité). Elle existe depuis 1985, et a été étendue aux supports numériques récemment, peut-être - effectivement - en 2001.
« Le « Système » comme vous dites ne télécharge pas, il enregistre une œuvre diffusée légalement, comme le magnétophone d’antan sauf que la qualité est supérieure. »
Que le procédé technique « télécharge » ou « enregistre » est juridiquement neutre, il s’agit d’une fixation, couverte par le monopole. C’est d’ailleurs pour cette raison que vous invoquez l’exception à ce dernier.
« Hors cet enregistrement qui était accepté à l’époque ne l’est plus actuellement »
Il ne l’est plus aussi largement qu’avant dans la mesure où le progrès technologique a permis aux copies d’être (i) de qualité identique à l’original et (ii) d’être communiquées à distance en masse, ces pratiques causant aux ayants-droit un préjudice beaucoup plus important que celui résultant des seules copies mécaniques.
« D’ailleurs le texte DADVSI affirme le principe « d’accès licite » à une oeuvre »
Certes, mais ça n’a strictement rien à voir ici. Il s’agit de l’article L. 331-9 du CPI, qui précise que les titulaires de droits peuvent limiter techniquement les copies privées aux seules personnes qui ont un accès licite à l’oeuvre.
Le texte ne dit donc pas que celui qui a un accès licite à l’oeuvre peut bénéficier sans limite de l’exception de copie privée.
« suivant ainsi une récente décision de la Cour de cassation, dans une affaire de téléchargement sur les réseaux peer-to-peer : « Le bénéfice effectif » des exceptions [pour copie privée] peut être subordonné à « un accès licite à une oeuvre (...) », peut-on lire »
Je serais ravi que vous me communiquiez les références de cette décision.
En tout état de cause, à supposer qu’elle soit en relation avec votre article, il n’en demeure pas moins qu’en l’état du droit, le « bénéfice effectif » peut être écarté par application du test en trois étapes.
Donc je veux bien retourner le problème dans tous les sens, mais au regard de la loi, l’utilisation de stationripper et consorts est probablement illicite. Le problème est que la réponse certaine sur ce point résultera d’une appréciation des juges, ce qui n’est jamais heureux. Cependant, en application de cette jurisprudence (http://www.p-s.fr/index.php?2006/08/02/3-28-fevrier-2006-civ-1ere-mulholland-drive), l’optimisme de la solution préconisée dans votre article me semble compromis.
Reste la suite de votre commentaire, que je comprends mal :
« Actuellement, des millions de titres, clips et autres films et vidéos. Leur durée de vie, quelques jours, quelques semaines, à peine plus pour la majorité des films, souvent de qualité artistique discutable dont on voudrait faire payer la diffusion à prix fort... »
D’abord, vous ne payez pas la diffusion des oeuvres, cf. votre premier commentaire. Vous seriez seulement susceptible de payer pour leur reproduction.
Ensuite, l’argument qualitatif est étrange, puisqu’il revient à dire, en substance, « je vois pas pourquoi je paierai pour de la merde ». On est alors tenté de répondre qu’on ne voit pas très bien non plus pourquoi vous souhaitez posséder des oeuvres de piètre qualité. Reste encore à savoir, accessoirement, qui juge de cette fameuse qualité, le juge judiciaire lui-même n’y étant pas autorisé (art. L. 111-2).
« A cela s’ajoute les taxes sur les supports de stockage. La bibliothèque est hors de prix en tenant compte de l’offre des facilités de créations et des possibilités de stockage ».
La taxe sur les supports, vous la payiez déjà avant que le fichier mp3 n’apparaisse.
Quant au prix de la bibliothèque idéale, au contraire, le prix de vente unitaire d’une oeuvre dématérialisée est moins important que celui de son équivalent physique, avec en outre la possibilité de choisir les contenus plus précisément.
En d’autres termes, une fois l’argument juridique chancelant, le propos semble plutôt inspiré par le courant de pensée selon lequel, en prenant prétexte de la « révolution numérique », et sur la foi du principe de l’accès à la culture (comme si auparavant, en invoquant ce même principe, on pouvait aller se servir à la FNAC sans payer), il serait désormais légitime de jouir à l’oeil des créations d’autrui.
Pardonnez moi, mais je crains que la problématique ne soit pas résolue par votre réponse.
La question n’est pas de savoir si la radio est, ou non, une exploitation normale, mais si l’usage d’un outil informatique reproduisant les contenus diffusés par une web radio porte atteinte à « l’exploitation normale » de l’oeuvre.
Reste alors à savoir si la commercialisation de supports (au sens large) est une exploitation normale, au même titre, par exemple, que la télédiffusion ou les concerts.
Je pense que la réponse va de soi.
Donc, à partir de là, le système qui permet de télécharger nombre de morceaux, « des centaines en une nuit », comme vous le dites, sur la foi de l’exception pour copie privée, n’est pas nécessairement licite, puisque par exception à l’exception, cette pratique porte atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre, dont l’une des formes est la commercialisation de supports.
Il est sans doute optimiste d’affirmer que la solution proposée est conforme aux dispositions de l’article L. 122-5, car la loi DADVSI a également conféré au juge la possibilité d’écarter l’application d’une exception lorsqu’elle ne répond pas au « test en trois étapes », introduit à la toute fin de l’indigeste article.
Pour mémoire, cet alinéa précise que « Les exceptions énumérées par le présent article [et donc la copie privée] ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ».
Or, il y a fort à parier que l’exploitation normale des oeuvres musicales soit encore la vente de supports physiques, ou de fichiers numériques, que la pratique présentée dans cet article permet de « court-circuiter ».