emile wolf
Emile est de
basse extraction. Bâtard tardif d’une vieille et digne famille française, ses parents adoptifs ont tous deux franchi la nonantaine
et survécu les aléas de 40 sans dénoncer leurs voisins. Du reste, lors de la rafle,
les autorités de Vichy évitèrent de leur arracher les ongles pour qu’expatriés ils
grattassent en possession de toute leurs facultés tactiles leur terre d’accueil.
Peu d’études, sans le moindre certificat, Emile
expédie, l’un après l’autre, des petits métiers pour subsister, puis il chavire dans la
clandestinité du travail. Tour à tour, le voici laveur de voitures, plongeur au
noir dans une boîte de nuit, et même distributeur de « gratuits ». Ignorant
immeuble après immeuble, l’ouverture étriquée des boîtes à lettres, ses maigres
gains suffirent à peine à en couvrir les effractions. Las de barboter dans ces combinaisons
obscures, un soir il rend service aux Balkany. Vu ses références, la promotion ne
tarde pas : il devient employé municipal. Préposé à l’hygiène de la
voirie, il est en charge de la propreté
des trottoirs et de la libre circulation des égouts. Sur le plus noble des pavés
de Levallois, prestige de l’uniforme vert aidant, il épouse une écologiste ramassée
dans le caniveau.
Celle-ci, ayant
glissé sur une méprise canine, avait
promis de lui mener la vie dure. Elle tint parole ! L’heureux époux ne
connut de la vie en rose que le refrain d’Edith ! Séparé puis divorcé avec
saisie sur salaire, notre sujet a désormais tout compris. A l’insu de la sauvageonne,
il met les bouchées doubles.
Parallèlement à
son sacerdoce communal, il décide de profiter, lui aussi, de la candeur
publique. Il s’engage dans la politique. Un responsable de haut niveau, dont, chafouin,
il astiquait particulièrement le bateau, remarqua qu’il avait le bras long. Il
devient colleur d’affiche pour la municipalité d’une commune limitrophe, puis
pour le compte du maire lui-même à l’arrivée des panneaux électroniques d’informations municipales. Il grave
alors avec humilité sur son bristol l’impressionnante qualification de factotum du bourgmestre, son « impérium »
à lui. Avec un tel profil l’avenir, sans rien promettre, lui sourit enfin.
« T’a pas cent balles ? » Hors,
des périodes électorales, son employeur lui confie la noble charge, dotée d’intéressement
durable, de récolter des fonds pour les associations finançant ses campagnes. Mais
Emile ne sait rien de la campagne, c’est un citadin. Aussi ne tarde-t-il pas à se
rendre compte que parmi les bouseux la compétition est impitoyable. A peine
promu « receveur des largesses privées », il laisse ses dernières
dents sur le parquet de celui de Nanterre et son bonus extraconjugal est englouti
par le fisc. C’est donc un repenti ayant lourdement péché qui aujourd’hui s’adresse
à vous et sollicite vos suffrages. A en juger par Juppé et consorts ceci ne devrait
poser aucun problème.
Alors, entre
nous : ne le répétez pas à son patron, vu les circonstances, Emile
pourrait être viré sans indemnes pour concurrence déloyale. Cela ferait un
chômeur de plus.
Pour le reste, l’individu
fort civil est d’une éducation exquise. Un brin séducteur, il salue et présente
ses excuses courtoises à ces « Messieurs-dames » quand, histoire
de leur faire un brin de cour électorale,
il souille leurs escarpins d’un coup de balai malencontreux : « Ben quoi ? T’as pas chouffé que j’
bosse ! Non mais des fois… ». Des propos qui lui valent un
respect inégalé parmi ses collègues et un détour de la part des administrés
dont il espère un jour rassembler les voix. Comme il confie à ses proches « Si
le dialogue a réussi à m’sieur Sarko, pourquoi pas à moi ? Faudra bien qui
s’en aille un jour. Non ? ». C’est quelqu’un l’Emile !