@Eric F Dans une société plus intransigeante sur les manipulations et les mensonges politiques ça pourrait avoir un sens, mais là je suis plus que sceptique. Quand on voit que les manipulations autour de l’affaire Benalla n’ont toujours aucune réelle conséquence alors que dans d’autres pays tout aurait déjà explosé...
Nous vivons dans une société blasée et avec la mémoire courte, même si une chose pareille fuitait je mise tout ce que j’ai sur le fait que ça ne provoquerait pas la moindre réaction digne de ce nom.
« Les jours sont en mesure de vous révéler que la moitié des contributions des Français n’ont pas été analysées pour la restitution du grand débat. Parce qu’ils n’ont pas été numérisés à temps par la Bibliothèque nationale de France (BNF) et parce que n’ont été pris en compte qu’une partie des cahiers citoyens, des comptes rendus des réunions d’initiative locale et des lettres envoyées à la mission du grand débat. Mais, pour ne pas gâcher la fête, ni le gouvernement, ni les garants, ni les prestataires ne l’ont avoué ce lundi, lors de la séance de restitution (lire l’épisode 36, « Le petit débit du grand débat »). De la même façon qu’ils n’ont pas dit que la moitié des textes rédigés sur la plateforme en ligne sont des copier-coller des mêmes remarques, ce qu’a mis au jour Le Monde. Conjuguées, ces deux informations invalident totalement les résultats qui circulent depuis quarante-huit heures sur ce que désirent les Français qui ont participé à cette consultation. »
Il devient de plus en plus clair que la parole du pourtant maigre nombre de participants n’a même pas été prise en compte. Donc dans ces conditions on aurait pu espérer quoi d’une participation bien plus massive d’après vous ? Il aurait pu y avoir 1 million de participants en plus ça aurait changé quoi vu que ce million n’aurait même pas été lu ? Quel intérêt à part donner un max de légitimité au gouvernement qui aurait pu faire encore un peu plus croire que cette « immense participation » serait venue valider de fait le dispositif, et par extension toutes les décisions prises ? (dont on sait qu’elles étaient déjà déterminées à l’avance, là aussi pas de naïveté)
Dans ces conditions là l’équation devient très simple : participer à cette mascarade c’est la cautionner et donner de la force à ce gouvernement, et ce quelquesoit la nature de cette participation, même la plus protestataire possible.
Le meilleur moyen de torpiller tout ça reste encore le boycott, pas de participants = pas de légitimité.
@Eric F Si c’était aussi simple la « tentative manipulatoire » n’existerait tout simplement pas, elle n’aurait aucun intérêt. Si elle existe c’est pour une raison, et à l’échelle visée par le dispositif ça a une importance capitale, sans oublier toutes les techniques issues du marketing cognitif qui ont pour but de conditionner les comportements et les réponses.
On ne peut pas disqualifier ce point simplement en décidant de passer outre, ça ne fonctionne pas comme ça et ça me semble un brin de mauvaise foi, d’autant plus que plus concrètement à part une minorité de champs libres ça ne laisse pas une marge de manoeuvre immense non plus, surtout que derrière il ne faut pas être dupe du fait que ces voix alternatives seront réduites à néant lors de la synthèse, avec un rapporteur réellement indépendant qui ne fait pas à la fois le jeu et les règles du jeu pourquoi pas, mais en l’occurence ce n’est pas le cas ici.
Quant au « tout le monde pouvait participer », là aussi c’est une vision très simpliste du problème, tout le monde était libre de voir sa participation dévoyée au profit des gouvernants en effet, la belle affaire...
Pour ma part je suis très favorable à l’idée d’un grand débat national digne de ce nom... le soucis c’est juste ce débat là qui est une vraie mascarade.
Je rêve de conférences avec des experts au profil hétéroclite, de vulgarisation, d’éducation populaire, de communication et d’événements qui ne sont pas excluant pour une grande partie de la population, de discussions qui osent tout les possibles (dans le cadre de la Loi et du respect de l’autre évidement), qui s’invitent partout, y compris en entreprise ou à la fac, de consultations non-biaisées avec une méthodologie sérieuse, d’un retour transparent et exhaustif des propositions, d’une synthèse construite en toute indépendance des élites politiques et des lobbyistes... c’est à dire tout ce que n’est pas le grand débat national.
Au final, et malgré ma distance avec le mouvement des gilets jaunes, force est de constater que même si tout n’est pas parfait et que le laps de temps est à mon sens bien trop court les « vrais débats » m’ont paru bien plus sains par nature que ce grand débat officiel.
Les shows avec les maires, la consultation en ligne biaisée, les cahiers de doléance remontés sans vraie transparence, les problèmes de doublons et de bourrage massif, tout cela n’aide pas à espérer. Seul point positif, les réunions publiques, mais malheureusement je crains très fort que leur contenu ne remontera jamais au niveau supérieur, et surtout à titre perso j’ai été attristé de n’y voir quasi-exclusivement que des retraités bien propres sur eux (non pas que j’ai un problème avec cette catégorie de la population, juste que c’est difficile d’espérer un vrai retour citoyen dans une configuration aussi peu hétérogène), personne de ma génération et par extension personne pour en porter les problématiques (à commencer par le logement ou encore les études).
Il serait aisé de répondre à ça « tout le monde était libre de venir », mais ce serait plus que simpliste et laisserait de côté toutes les explications structurelles qui expliquent ce déséquilibre et ce manque de représentativité, ainsi que le refus manifeste et conscient d’une partie de la population de participer à cette mascarade de grand débat avec le risque que cette participation soit dévoyée de son sens initial et utilisé à l’avantage des gouvernants.
Dans tous les cas nous sommes en effet à un tournant.
Pour le gouvernement qui a joué la stratégie du pourrissement en espérant en vain que le mouvement des gilets jaunes s’éteigne avant la fin du grand débat, et pour la population qui va devoir se positionner face aux choix qui seront mis en avant suite à la synthèse gouvernementale (et qui sont surement programmés depuis déjà de nombreux mois, que ce soit avec ou sans grand débat).
On peut aussi imaginer que le 1er Mai, dans un contexte aussi incertain qu’actuellement, peut vite devenir un enjeu majeur pour tous...