Vous écrivez : « la plupart des sujets importants
sont en relation directe avec des aspects « existentiels » de l’être
humain : (….) ses croyances et ses valeurs ».
Et : (…) « Nous n’avons aucune certitude sur
l’existence d’entités supranaturelles ».
De fait, si l’on excepte certains neurophysiologistes
canadiens croyants, tels que Mario BEAUREGARD, financé par la Fondation Templeton,
pour chercher dans le lobe temporal droit l’antenne que « Dieu » y
aurait placée pour recevoir sa « Révélation » ( !), ce qui « prouverait »
( !) son existence, les scientifiques s’abstiennent ou hésitent à
s’engager dans une domaine aussi complexe et personnel que la sensibilité
religieuse, à la limite du subjectif et de l’objectif et dont, malgré l’IRM
fonctionnelle, l’essentiel est encore à découvrir.
Au mieux, ils se limitent à étudier par exemple la
sensibilité musicale ou érotique, etc … qui relèvent du même cerveau
émotionnel.
Que pensez-vous d’une approche neuroscientifique du
phénomène religieux ?
N’est-il pas temps de compléter son approche traditionnelle
(philosophique, métaphysique, théologique, anthropologique, sociologique, etc…)
par une approche holistique (psycho-neuro-physio-génético-éducative), aussi
complexe soit-elle ?
Bien qu’encore très partielle, elle me paraît déjà susceptible
de faire mieux comprendre l’origine de la foi et sa fréquente persistance.
Je me permets d’émettre quelques considérations personnelles
à cet égard.
.
Comme vous l’écrivez, « il se pourrait que « les
déterminismes biologiques, psychobiologiques, expérientiels, sociaux et
culturels rendent illusoires le concept de « liberté » ». La
plupart des gens étant convaincus d’être libres, on risque de les
heurter !
Il n’est pourtant pas question de vouloir simplifier ou
réduire l’extraordinaire complexité du psychisme humain, et en particulier le
phénomène religieux, à des « mécanismes » neurobiologiques, ni bien
sûr de prouver l’inexistence de « Dieu » (aucune inexistence ne
pouvant être prouvée). Mais il est vrai que les observations actuelles incitent
déjà certains, me semble-t-il, à conclure à son existence imaginaire et donc
illusoire …
La relativité de la liberté individuelle ne me semble plus
contestable : le neurobiologiste Henri LABORIT disait, à la fin du film
d’Alain RESNAIS « Mon oncle d’Amérique » :
« (…), Je suis
effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le
système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance
exceptionnelle pour s’en détacher, s’il y parvient jamais.(...) Vous n’êtes pas
libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits
dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté ! ».
J’observe que, statistiquement, la liberté de croire ou de
ne pas croire est souvent compromise, à des degrés divers, par l’imprégnation
de l’éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur
l’exemple et la confiance envers les parents, et confortée par l’influence d’un
milieu culturel unilatéral puisqu’il exclut toute alternative laïque non
aliénante.
L’éducation coranique (islam = soumission) en témoigne hélas
à 99,99 % …
Comme l’avait déjà comprisDesmond MORRIS, en 1968, dans « Le Singe Nu », Richard DAWKINS
estime, dans « Pour en finir avec dieu », que du temps des premiers
hominidés, le petit de l’homme n’a pu survivre que parce que l’évolution
animale avait pourvu son cerveau tout à fait immature de gènes le rendant
dépendant, ettotalement soumis à ses
parents (et donc plus tard à un dieu …). Or notre cerveau émotionnel (reptilien
et limbique) n’a quasi pas évolué depuis 10.000 ans au moins, et il influence toujours
le néocortex …
Cela expliquerait que toutes les religions aient réussi
aussi longtemps (mais de moins en moins sous nos latitudes) à imposer la
soumission à un dieu et à des textes « sacrés », et que les sectes
réussissent à exploiter la « quête de sens », etc …
Dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors
professeur à l’Université catholique de Louvain, avait montré, sans doute à son
grand dam, qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas
spontanément, et que la religiosité à l’âge adulte en dépend (et donc aussi,
depuis toujours comme mécanisme de défense, la capacité évolutive du seul cortex
préfrontal humain à imaginer un « Père » protecteur, substitutif et
anthropomorphique, fût-il rationnellement qualifié d’ « authentique,
épuré, présence Opérante du Tout-Autre », etc …
Par ailleurs, j’ai lu que, chez le petit enfant, alors que
les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures, les
amygdales (centres de la peur, dans le cerveau émotionnel) sont déjà capables,
dès l’âge de 2 ou 3 ans, de stocker des souvenirs inconscients (donc notamment
ceux des prières, des cérémonies, des comportements religieux des parents, …,
sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur.
Ces « traces » neuronales, renforcées par la
« plasticité synaptique », sont indélébiles …
L’ IRM fonctionnelle tend, me semble-t-il, à confirmer que
le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre
ultérieurs s’en trouvent anesthésiés à des degrés divers, indépendamment de
l’intelligence et de l’intellect, du moins dès qu’il est question de religion.
Cela expliquerait la difficulté, voire l’impossibilité, pour
bien des croyants de plus de 25 ans environ, fussent-ils d’éminents
scientifiques, de remettre leur foi en question, sans doute pour ne pas se
déstabiliser (cf les créationnistes).
On comprend que, dans ces conditions, certains athées comme
Richard DAWKINS, ou certains agnostiques, comme Henri LABORIT, au risque de
paraître intolérants, aient perçu l’éducation religieuse précoce, bien qu’a
priori sincère et de « bonne foi », comme une malhonnêteté
intellectuelle et morale. Bien que les religions, et a fortiori leurs dérives
(inégalité des femmes, excisions, …) soient plus nocives que bénéfiques, à tous
points de vue, il va de soi que la foi restera toujours un droit élémentaire,
d’autant plus respectable qu’elle aura été choisie en connaissance de cause,
plutôt qu’imposée.
Même si, pour s’adapter à l’évolution des mentalités,
l’enseignement confessionnel
a récupéré certaines valeurs laïques, iln’a pas renoncé à maintenir sa mainmise sur
les consciences ... Son « projet éducatif » en témoigne. Il reste
élitiste et inégalitaire, il favorise le repli identitaire, le communautarisme,
et est donc obsolète. Dans un souci de neutralité et de qualité, n’est-il pas
grand temps, en France et en Belgique, qu’il fusionne avec l’enseignement
officiel, à tous les niveaux (et d’ailleurs pour d’évidentes raisons
économiques) ?
Mieux : dans un souci de réduire les inégalités
socioculturelles, l’école - enfin devenue pluraliste - devrait compenser
l’influence des parents, certes légitime et constitutionnelle mais unilatérale,
- ne leur en déplaise ! - par une double information minimale, objective
et non prosélyte :d’une part, au
cours d’histoire, sur le « fait religieux » (certes
« l’amour du prochain », mais aussi la soumission inhérente à toutes
les religions, la part de responsabilité des trois religions monothéistes dans
l’origine de l’intolérance, de la violence et des guerres, …), ET d’autre part,
sur le « fait laïque » (l’humanisme laïque, ses principes de libre
examen, d’esprit critique, d’autonomie et de responsabilité individuelle, ses
valeurs universalisables - puisque bénéfiques à tous, telles que le respect de
la dignité humaine -, ses options, ses objectifs, la spiritualité laïque, …,
actuellement occultés).
Cela permettrait enfin à chacun de choisir, en connaissance
de cause et aussi librement que possible, ses convictions philosophiques OU
religieuses, d’améliorer l’adaptation des jeunes à l’actuelle pluralité des
cultures et des convictions et de tendre ainsi vers un meilleur
« vivre ensemble » et vers une citoyenneté responsable.
Je lirai votre commentaire avec le plus vif intérêt !
Je vous en remercie déjà.