Si ce dont vous parlez est la reconnaissance par le Conseil constit de la nature de la rétention de sûreté, je vous recommande entre autres l’analyse d’Henri Leclerc, dans le Charlie de cette semaine. A lire, même lorsque ses conclusions sont différentes.
Partisans ou opposants, beaucoup admettent que le Conseil a ménagé la chèvre et le choux. Pourquoi ? Bas les masques.
En la reconnaissant peine, il devait, en vertu de la Constitution, censurer la totalité du projet de loi.
Pour pouvoir le valider, le Conseil a dit que la rétention n’était pas une peine. Dès lors, elle aurait pu logiquement devenir rétroactive. Cependant, les Sages ont estimé -fondant une nouveauté juridique- qu’elle constituait une atteinte suffisante à la liberté pour ne pas être rétroactive. De fait, ils n’en permettent pas l’application avant 2023. Suivez mon regard.
En outre, beaucoup, dont Robert Badinter, pensent qu’en formulant la réserve d’interprétation imposant à la juridiction compétente de « vérifier que la personne condamnée a effectivement été en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre », ils la rendent quasiment inapplicable, même à partir de 2023 si elle n’était pas abrogée d’ici là. Soit les soins n’auront pas été donnés et le détenu ne pourra être placé dans un centre de rétention, soit la prise en charge et le traitement seront intervenus et dans ce cas, la rétention s’avèrera sans doute infondée. Suivez encore mon regard... développement du suivi socio-médical en taule.
Comme dans le cas des tests ADN de l’amendement Mariani, le Conseil a neutralisé le projet, mais sans aller au carton avec le gouvernement. Ou peut être, pour vous citer encore une fois, sans se faire trop d’ennemis parmi les « victimes ».
C’est pourquoi le président, capricieux, a littéralement pété un plomb, par cette démarche hallucinante auprès de la Cour de cassation. Démarche qu’on pourra bien ensuite essayer de justifier ou de ré expliquer, mais qui n’aboutira sans doute à rien.
Alors de dangereux séditieux gauchistes, les Sages ? Bien sûr que non. En revanche, il semble clair maintenant, qu’au delà des clivages politiques -et comme tous républicains un peu cultivés, réfléchis et humanistes-, ils appliquent des coups d’arrêt à l’expression du pire aspect du sarkozysme : la surenchère sécuritaire. Allons, même de droite -nul n’est parfait-, comment peut on supporter un Mariani ou une Morano ?
Pourtant, je ne suis pas satisfait du résultat. Les raisons sont techniques et politiques. Car à chaque fois, en renonçant à la censure formelle, le Conseil contribue à bidouiller un peu plus notre droit, à en faire une usine à gaz. Surtout, il ouvre des boîtes de Pandore.
Votre papier est assez curieux. Du travail, de la cohérence et pourtant... Je crois que le noeud se situe au départ, ce en quoi il est assez bien construit.
Tout d’abord, je ne comprends pas où dans le sujet traité, il serait question « d’interprétation spécifiquement française d’un principe constitutionnel ». Il s’agit plus raisonnablement de LA Constitution française.
Permettez moi donc une légère digression. « Les Français ne comprendraient pas » (incompréhension virtuelle) ? La question porte sur la justice, domaine qui concerne des professionnels, des jurés, des plaignants et des justiciables. Or, la nationalité des deux dernières catégories importe peu. Il faudrait comprendre alors « électeurs » et votre approche se placerait sur le plan politique... soit. Ce dont je suis sûr aujourd’hui, c’est que les Français ne comprennent pas (incompréhension avérée) qu’on ait « soldé » récemment leur volonté exprimée à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne. Non ? Voilà pour la digression. C’était vraiment tentant.
Plus précisément, notre droit n’est pas « l’ennemi » des victimes. Il n’en est pas l’ami d’ailleurs. Dans son volet pénal, je le vois comme un arsenal permettant aux pouvoirs publics de réprimer des comportements qu’on peut qualifier d’antisociaux. Pour les victimes, il existe par exemple la constitution de partie civile, mais fait elle partie de votre sujet ?
C’est vous qui lui opposez des « victimes ». Et qui plus est des victimes virtuelles. Ce qui devient un peu scabreux.
Ou alors, vous lui opposeriez des électeurs craignant d’être victime. En reprenant la loi à la lettre, il s’agirait donc de personnes craignant de devenir un jour la victime (avérée et non plus virtuelle), parmi plusieurs dizaines de millions d’autres individus, d’un acte bien spécifique -et je pense assez peu fréquent- (meurtre, assassinat, torture, actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration), qui plus est commis par un récidiviste, qui aurait déjà été incarcéré -quinze années ou plus- pour des faits similaires.
Eh bien je le déplore. Mais votre démarche n’est pas « citoyenne ». Elle est malheureusement démagogique, car le « risque zéro » est un mirage dangereux. Et ce débat est bien l’expression de sa dangerosité.
Que faire alors pour que les électeurs n’aient pas le sentiment que la « justice ne fait rien pour retenir les pires criminels » ? Développer réellement, en moyens et en ambitions, le suivi socio-médical dans l’univers carcéral. Car la justice retient bien les criminels. Dans le cas présent, elle les retient même quinze ans. Quant à la notion de « pires criminels »... nous ne sommes pas en train de feuilleter le « Petit Journal ». Je pense personnellement qu’un « beau » trafiquant d’héroïne est infiniment plus antisocial, par son impact, qu’un tueur ou violeur psychopathe frappant épisodiquement. Mais bon...
Ou alors, soyons radicaux et supprimons la « peine » pour lui substituer intégralement la « rétention de sûreté ». Je ne sais si toutes les « victimes » apprécieraient, tant il est vrai que souvent, leur « deuil » passe par la « punition ».
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