Tout d’abord, je suis étudiante en troisième année de russe.
Pour ce qui est du mouvement, on parle sans cesse de mai 68, mais rappelons que le mouvement étudiant dure plus longtemps. Pour ce qui est des revendications, elles sont multiples : -la masterisation. Un futur prof n’aura plus de stage rénuméré, donc bonjour le prix des études, et aussi, comment aller enseigner pour la première fois si on ne sait pas comment ça se passe ? De plus, en créant deux masters, un pour la recherche, un pour l’enseignement, et bien on va vider celui de la recherche, donc la mort d’une filière qui forme les futurs doctorants. Et, le plus important, les oeuvres majeures ne seront plus étudiées à l’université puisqu’on ne les étudie pas au collège ou au lycée... Bonjour le niveau ! -la modulation des services des profs. On en a beaucoup parlé, c’est le point de départ du mouvement. Un mauvais prof (mais y en a pas tant que ça) ferait moins d’heures d’enseignement et plus de recherche et un mauvais chercheur moins de recherche et plus d’enseignement. Un bon prof, c’est quelqu’un qui enseigne et qui cherche bien, et un bon chercheur, c’est quelqu’un qui cherche et qui enseigne bien. C’est indissociable. Moi je pense aux pauvres thésards qui vont se taper de mauvais chercheurs, puisque c’est eux qui les encadreront, si on peut parler de mauvais profs. Je pense juste que certains sont jaloux qu’un prof n’enseigne « que » 192h, pensant que le reste du temps, le prof part pêcher... Tous mes profs sont sérieux et je les admire, et je pense qu’ils n’ont pas fait une thèse puis un post-doc pour se tourner les pouces... -la loi LRU. C’est la base de tous les problèmes. L’hyper-présidence, un président qui touche 40 000 euros de prime et qu’il distribue à tous ses copains, et la notion même de rentabilité. Ce sera comme à l’hôpital. Si une filière n’est pas rentable, et bien on ferme. C’est ce que je trouve le plus regrettable. Bien sûr qu’on ne gardera pas les filières telles que le russe, l’allemand ou l’hébreu parce qu’on est peu et parce qu’on coûte cher. Devrais-je culpabiliser ? Non, bien sûr. J’étudie des matières peu enseignées, et j’ai un savoir que peu de personnes ont, parce qu’on est peu à l’étudier. Et puis, comme l’Etat s’occupera moins des affaires des universités, l’université devra compenser les pertes d’argent par l’augmentation des frais d’inscription. La mission du service public tel que l’université, c’est de former tout le monde sans sélection et à moindre frais. C’est cela qu’on casse. Tout le monde ne peut pas faire HEC et payer 12 800 euros l’année, tout le monde ne peut pas être excellent et aller en prépa. Certains sont juste passionnés par les langues, l"histoire ou la socio et ont pensé que la fac était la meilleure solution pour leur formation.
La fac de lettres de toute manière, grève ou pas, est désertée, parce que les gens veulentse faire de l’argent plus vite et au diable le savoir et l’ouverture d’esprit. Les étudiants vont vers les BTS et IUT parce que c’est mieux encadré et parce qu’il y a moins d’échec. Vos enfants sont juste des assistés qui ont besoin que les profs soient aussi des assistantes sociales. Enfin, c’est le signe du mal-être des jeunes, dans un pays en crise, qui n’aide pas les jeunes question emplois, des jeunes en stage perpétuellement et qui ne savent pas de quoi demain est fait...
Je trouve dommage qu’on casse notre université, qu’on barre l’accès au savoir avec des frais d’inscription élevés, qu’on allonge les études des profs qui sont déjà longues, qu’on tape sur les Enseignants Chercheurs et sur les étudiants en lettres. Quant à ces gens qui se plaigent que c’est toujours bloqué, vous vous réveillerez enfin quand vous ne pourrez plus payer vos études, vous qui vous vous plaignez déjà du coût de la vie.