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Commentaire de Luc-Laurent Salvador

sur Lettre à René Girard sur le 11 septembre 2001


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 16 septembre 2013 18:22

@ Hermès

Merci pour votre tentative conciliante digne de votre pseudo. Oui, je vois cela, très bien.

Mais je vois tout aussi bien mon incapacité à faire comprendre qu’Alinéa, Gollum et vous-même êtes chacun à vouloir me faire voir une frontière radicale tout à fait évidente car équivalente à celle qui traverse la personne même de Girard étant donné qu’il est tout à la fois... :

  •  croyant (en ce plan sacré, transcendant et jugé davantage réel que la réalité manifestée elle-même) et, en même temps...
  • rationaliste qui, sur un mode scieintifique, évolutionniste, essaie d’expliquer  comment l’animal protohominien a pu concevoir une telle réalité métaphysique en inventant le sacrificiel religieux au travers d’une dynamique mimétique, donc collective.
Le sacré dont je parle est ce sacré anthropologique, celui qui émerge de la construction mimétique de la réalité qui s’opère dans le fait religieux au travers des pratiques sacrificielles.

Comme je l’expliquais dans la conclusion de mon précédent article, le paradoxe de la position de Girard est qu’il donne une explication scientifique du sacré (qui le réduit donc) en même temps qu’il croit à la réalité de ce sacré et qu’il postule même le caractère nécessairement divin (non simplement humain) du Christ.

Il y a donc là une rencontre assez « miraculeuse » en un processus émergeant, immanent et une transcendance toujours-déjà là.

Comme je le disais dans la conclusion susmentionnée, il me semble que cela peut être rapproché du fait que les abstractions mathématiques rencontrent elles aussi de manière dit-on aussi miraculeuse le réel de la physique.
On pourrait penser que l’élaboration anthropologique du sacré est pareillement venue à la rencontre d’une réalité (bien réelle, je suis croyant aussi) vers laquelle vous (avec d’autres) ne cessez de pointer en me disant, gentiment, que ce que je dis ne colle pas avec cette réalité.

Sauf que ce n’est pas d’elle dont je parle. Je n’aurais pas cette prétention, en tout cas pas sans en avoir averti le lecteur avant. Je parle de ce sacré construit par l’homme au travers du religieux sacrificiel depuis la nuit des temps et dont vous reprenez le sens en l’arrachant à son histoire ou genèse collective pour pouvoir vous inscrire dans la perspective d’un rapport direct à cette réalité transcendantale.

Exactement comme le fait le scientiste qui croit accéder à la réalité vraie de vraie et oublie complètement que c’est à la méthode scientifique (collective), à ses représentations convenues et ses outils tout aussi convenu qu’il le doit. Il se croit en lien direct avec cette réalité oublieux du fait que chacun de ses instruments de mesure est un consensus scientifique « cristallisé ». Le social est omniprésent dans nos représentations.

Le nier c’est verser dans ce que, du temps de Piaget souvent, on appelait le solipsisme, et on lui en faisait (à raison je crois) le reproche.

Je ne traite pas du sacré auquel l’individu seul croit accéder.
Il me semble que cela est du ressort de l’esotérisme, du mysticisme, des religions, de la foi, etc.

Je traite de ce qui se passe quand un individu pense accéder à la réalité (dont le sacré est la forme la plus archaïque).
Il croit qu’elle s’impose à lui.
Que les autres n’ont rien à y voir car c’est un rapport direct.
C’est précisément ça une réalité, elle ne dépend pas de qui l’observe.
Elle ne dépend pas des autres.
Sinon ce ne serait pas la réalité pense-t-on.
Cette posture solipsiste me paraît une complète illusion, dans la mesure où elle nie la construction sociale.

Illusion de séparation entre les individus, illusion d’autonomie qui manque à voir le fait que pour vivre ce rapport au réel/sacré, il a fallu construire tout l’appareil conceptuel et les significations associées. Cela s’est fait dans le creuset social, et nulle part ailleurs.

Le sacré est une construction sociale et nous sommes tous historiquement et actuellement embarqués dans le processus qui l’engendre et le régénère.

A preuve : d’aucuns diront qu’il n’y a plus de sacré.
Si c’est vrai, alors c’est qu’on parle donc bien de celui qui émerge du collectif.

Quoi qu’il en soit, je pense que les croyants dans le sacré transcendant ne devraient pas penser (chercher à) s’adresser seulement à lui et qu’il conviendrait plutôt de contribuer à ce que l’immanent, cette réalité humaine assez épouvantable il faut bien le dire, puisse rejoindre le transcendant. Bref, un peu de compassion pour les in-croyants dont il faut, autant que possible, tenter d’attirer le regard sur la verticale alors qu’il s’égare perpétuellement dans l’horizontale.

C’est ce que réalise à sa façon le modèle girardien en menant au sacré à partir de la seule dynamique évolutionnaire et c’est ce que je m’efforce de prolonger au travers de ma psychologie synthétique.

Amener la Terre jusqu’au Ciel, voilà l’effort !
Probablement irréalisable avant que le Ciel ne nous tombe sur la tête,
mais il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre.

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