@ Hermès
Merci pour votre tentative conciliante digne de votre pseudo. Oui, je vois cela, très bien.
Mais je vois tout aussi bien mon incapacité à faire comprendre
qu’Alinéa, Gollum et vous-même êtes chacun à vouloir me faire voir une
frontière radicale tout à fait
évidente car équivalente à celle qui traverse la personne même de Girard
étant donné qu’il est tout à la fois... :
- croyant (en ce plan sacré, transcendant et jugé davantage réel que la réalité manifestée elle-même) et, en même temps...
- rationaliste
qui, sur un mode scieintifique, évolutionniste, essaie d’expliquer
comment l’animal protohominien a pu concevoir une telle réalité
métaphysique en inventant le sacrificiel religieux au travers d’une
dynamique mimétique, donc collective.
Le sacré dont je parle
est ce sacré anthropologique, celui qui émerge de la construction
mimétique de la réalité qui s’opère dans le fait religieux au travers des
pratiques sacrificielles.
Comme je l’expliquais dans la conclusion de
mon précédent article, le paradoxe de la position de Girard
est qu’il donne une explication scientifique du sacré (qui le réduit
donc) en même temps qu’il croit à la réalité de ce sacré et qu’il
postule même le caractère nécessairement divin (non simplement humain)
du Christ.
Il y a donc là une rencontre assez « miraculeuse » en un processus émergeant, immanent et une transcendance toujours-déjà là.
Comme je le disais dans la conclusion susmentionnée, il me
semble que cela peut être rapproché du fait que les abstractions
mathématiques rencontrent elles aussi de manière dit-on aussi miraculeuse le
réel de la physique.
On pourrait penser que l’élaboration
anthropologique du sacré est pareillement venue à la rencontre d’une
réalité (bien réelle, je suis croyant aussi) vers laquelle vous (avec
d’autres) ne cessez de pointer en me disant, gentiment, que ce que je
dis ne colle pas avec cette réalité.
Sauf que ce n’est pas d’elle
dont je parle. Je n’aurais pas cette prétention, en tout cas pas sans
en avoir averti le lecteur avant. Je parle de ce sacré construit par
l’homme au travers du religieux sacrificiel depuis la nuit des temps et
dont vous reprenez le sens en l’arrachant à son histoire ou genèse
collective pour pouvoir vous inscrire dans la perspective d’un rapport
direct à cette réalité transcendantale.
Exactement comme le fait le scientiste qui croit accéder à la réalité
vraie de vraie et oublie complètement que c’est à la méthode
scientifique (collective), à ses représentations convenues et ses outils
tout aussi convenu qu’il le doit. Il se croit en lien direct avec
cette réalité oublieux du fait que chacun de ses instruments de mesure
est un consensus scientifique « cristallisé ». Le social est omniprésent
dans nos représentations.
Le nier c’est verser dans ce que, du temps de Piaget souvent, on
appelait le solipsisme, et on lui en faisait (à raison je crois) le
reproche.
Je
ne traite pas du sacré auquel l’individu seul croit accéder.
Il me semble que cela est du
ressort de l’esotérisme, du mysticisme, des religions, de la foi, etc.
Je
traite de ce qui se passe quand un individu pense accéder à la réalité
(dont le sacré est la forme la plus archaïque).
Il croit
qu’elle s’impose à lui.
Que les autres n’ont rien à y voir car c’est un
rapport direct.
C’est précisément ça une réalité, elle ne dépend pas de qui l’observe.
Elle ne dépend pas des autres.
Sinon ce ne
serait pas la réalité pense-t-on.
Cette posture solipsiste me paraît une complète illusion, dans la mesure où elle nie la construction sociale.
Illusion
de séparation entre les individus, illusion d’autonomie qui manque à
voir le fait que pour vivre ce rapport au réel/sacré, il a fallu
construire tout l’appareil conceptuel et les significations associées.
Cela s’est fait dans le creuset social, et nulle part ailleurs.
Le
sacré est une construction sociale et nous sommes tous historiquement
et actuellement embarqués dans le processus qui l’engendre et le régénère.
A preuve : d’aucuns diront qu’il n’y a plus de sacré.
Si c’est vrai, alors c’est qu’on parle donc bien de celui qui émerge du collectif.
Quoi qu’il en soit, je pense que les croyants dans le sacré transcendant
ne devraient pas penser (chercher à) s’adresser seulement à lui et
qu’il conviendrait plutôt de contribuer à ce que l’immanent, cette
réalité humaine assez épouvantable il faut bien le dire, puisse
rejoindre le transcendant. Bref, un peu de compassion pour les
in-croyants dont il faut, autant que possible, tenter d’attirer le
regard sur la verticale alors qu’il s’égare perpétuellement dans
l’horizontale.
C’est ce que réalise à sa façon le modèle girardien en menant au sacré à
partir de la seule dynamique évolutionnaire et c’est ce que je
m’efforce de prolonger au travers de ma
psychologie synthétique.
Amener la Terre jusqu’au Ciel, voilà l’effort !
Probablement irréalisable avant que le Ciel ne nous tombe sur la tête,
mais il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre.