De L’art au Lard, Du Dollar au Dull Art
Art selon Littré : manière de faire une chose selon certaines méthodes, selon certains procédés.
Art selon Wikipédia : est une activité humaine, le produit de cette activité ou l’idée que l’on s’en fait, consistant à arranger entre eux divers éléments en s’adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l’intellect.
Les sens sont au point de vue physiologique, les organes de perception servant à appréhender le monde qui nous entoure. Classiquement il y a 5 sens. Les sens de "mise à distance" que sont la vue et l’ouïe sont classiquement les sens prédominant dans la création artistique. Les arts touchant le sens de l’odorat, le goût et le toucher ne sont pas considérés à la même valeur que les deux premiers. Je ne sais plus la provenance de l’idée, c’est d’un philosophe français des lumières, mais ma mémoire fait défaut, qui disait qu’il n’y avait qu’un seul sens, le toucher, et que l’on pouvait toucher les choses de diverses façons, et chacune de ses façons était une partie de ce sens primordial du toucher. Cette définition me convient personnellement plus. Mais passons.
Alors où commence l’art ? Selon ces définitions, c’est une chose fait d’une certaine manière, qui arrive à toucher nos sens et peut nous faire réfléchir ou avoir des émotions.
Alors tout est art.
Le dessein de ma fille de 6 ans, gribouillis de couleurs, arrive à véhiculer des émotions à ses parents. C’est de l’art pour ses parents. L’art dépend aussi donc du public à qui il s’adresse.
Un pneu crevé au bord d’une route, peut au premier abord paraître un détritus. Il suffit qu’on le photographie en noir et blanc, selon un certain angle, par un photographe un minimum talentueux pour qu’il devienne un objet d’art. Le même objet au bord d’une route déserte, évoquera peut-être l’envahissement de la nature par l’homme, au bord d’une autoroute vers une mégalopole, la décadence de la civilisation industrielle, dans un désert mauritanien, l’arrogance des occidentaux passant dans leur 4x4 et polluant un endroit plus adapté à la méditation. L’art dépend donc aussi du média utilisé, et le même objet prend diverses significations par le même média selon sa situation.
Puis il y a eu Duchamp et sa fontaine . Sa fontaine a disparu, seule la photographie de cette dernière datée de 1917 persiste, et des répliques, certifiées par l’artiste dans les années 60, le prix de ces dernières pouvant atteindre des millions d’euro… Duchamp a démontré que l’art dépend aussi de la performativité de l’acte (la performativité consiste en le fait que l’énoncé de l’acte constitue par lui-même la chose qu’il énonce, le mariage religieux constitue un exemple type au moment où le prêtre déclare que les conjoints sont maintenant mariés), et de l’endroit où l’objet artistique (j’ai volontairement omis d’écrire objet de la création artistique, car dans le cas des objets ready-made, il n’y a de transformation que conceptuelle de l’objet) se produit.
Puis il y a eu le vingtième siècle, la photographie, les disques, cassettes, CD… La photographie et les transformations visuelles de l’objet ont été un coup quasi-fatal dans le bas-ventre de la peinture classique qui essayait le plus possible de calquer la réalité au niveau des formes. L’ère d’un Bouguereau était finie et l’impressionnisme, le modernisme, le symbolisme, l’art conceptuel et autres en prenaient la place.
Ce même phénomène de transformation a touché toutes les domaines artistiques.
Ce qui me paraît amusant comme réflexion c’est l’absence de questionnement sur la transformation du monde dans nombre de ses aspects et la persistance du questionnement sur tout ce qui touche le domaine artistique, et surtout dans les beaux-arts. L’idéalisme philosophique passe de Platon, à Kant et Hegel, ou à René Guénon. Le matérialisme de Démocrite, Epicure et Lucrèce, à La Mettrie ou à un Onfray. Dans le domaine de la littérature, combien de jeunes lisent encore La comtesse de Ségur comme pendant mes études primaires, et combien lisent Rowling et sa série des Harry Potter. Tout concept se transforme et l’art avec. Toute chose vivante est sujette à l’évolution darwinienne. Ce n’est pas parce que quelque chose est mauvaise qu’elle disparaît, c’est parce que l’évolution "naturelle", due aux mutations et aux forces extérieures l’obligent à se transformer. La peinture classique a disparu en tant qu’espèce dominante en grande partie due à l’avènement de la photographie. La littérature classique se délite peu à peu à cause de la transformation des mots et des langues, de la perte des concepts anciens, de l’internet et des nouveaux modes de communication.
Est-ce mal, est-ce bien ? Je ne pense pas que la question est là. Le déterminisme historique engendre ses transformations.
Le baroque a donné le rococo avant de céder la place au néoclassicisme, du pliage (en reprenant le concept de Deleuze selon lequel le baroque c’est le pli) du baroque, on passe au dépliage austère. Le cubisme déplie tellement qu’il déconstruit en dépliant l’objet initial en le montrant sous divers angles. Et on arrive à des peintures abstraites où seulement l’effet immédiat produit de l’harmonie des formes et des couleurs, cherche à faire vibrer les cordes sensibles de l’émotion de chacun d’entre nous. Kandinsky en est un parfait exemple.
La musique classique a subi aussi de telles mutations. Entre un Bach, en passant par Mozart et Beethoven, elle est transformée par le romanticisme d’un Schubert, d’un Liszt, d’un Chopin pour arriver aux opéras sans fin d’un Wagner. Elle subit les transformations réductrices du 20° siècle par la naissance de la dodécaphonisme d’un Schoenberg, de la musique sérielle, menant à un Milton Babbit et la naissance de la musique électronique.
Pour prendre des exemples modernes, regardons la transformation des médias d’informations. Des articles sur plusieurs pages des journaux papiers, on arrive à des informations ne devant point dépasser un certain nombre de signes sur RUE89. Une sorte de réflexion instinctive me dit que la longueur des articles de l’ami Morice est une des causes de sa dépréciation par certains lecteurs ;-) Et on arrive sur des médias de pseudo-information comme Twitter où il ne faut taper que 140 caractères… Intéressant pour la diffusion des aphorismes, mais pour développer une quelconque information ou idée…
Nostalgie toujours selon Littré du grec nostos (retour) et algie (douleur), dépérissement causé par un désir violent de retour, forme de mélancolie… peut se dire d’un désir insatisfait.
Antalgique : qui calme la douleur.
Le meilleur antalgique que j’ai trouvé pour combattre la nostalgie reste une des maximes de Spinoza : "Ni rire, ni pleurer, mais comprendre".
PS. Un objet artistique est un tout. J’ai inclus l’école d’Athènes de Raphaël dans les images de cet article. Si on omet le titre de l’œuvre dans l’œuvre combien d’entre nous pourrons deviner que l’homme qui présente le ciel est Platon, celui qui montre la terre est Aristote, ou que le vieil homme nonchalamment allongé sur les marches est Diogène.
Les œuvres présentés :
La Fontaine de Duchamp
La Vague de Bouguereau
Dora Maar au chat de Picasso
Lys de Kandinsky
L’école d’Athènes de Raphaël
Rickshaw de Banksy (artiste de rue, spécialiste de graffiti)
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