Droit de préférence : abusif dans le cadre de l’édition numérique
Si le droit de préférence, clause de priorité portant sur les prochains ouvrages d’un auteur, apparaît comme abusif dans le cadre de l’édition numérique, ou édition à petits tirages, c’est tout simplement qu’il n’a pas été conçu pour ce mode particulier d’édition que permettent les nouvelles technologies d’impression. Pourquoi les éditeurs ont-ils recours au droit de préférence ? Pourquoi celui-ci est-il beaucoup plus adapté à l’édition faisant appel à des investissements plus lourds, et notamment la technologie offset d’impression ? Explications.
Eh bien en 2004, d’après le Centre national du livre, on recensait 2500 à 3000 points de vente qui avaient le livre pour activité principale. Même si le nombre de points de vente a diminué, il faudrait donc au bas mot une mise en place dans ces points de vente de 2000 exemplaires pour assurer une véritable exploitation au livre. Ce tirage très important requiert donc un investissement à la hauteur, et ce, d’autant plus si l’on prend en compte les frais annexes de stockage des livres, les frais de distribution et de retours de libraires, et les frais de promotion. On comprend mieux qu’avec de tels investissements, un éditeur soit en droit d’essayer de s’assurer une certaine continuité de travail avec son auteur. Et d’inclure un pacte de préférence au contrat qu’il lui fait signer.
Avec l’"édition numérique", on change radicalement d’échelle, puisqu’il s’agit d’éditer des livres à petits tirages à l’aide de la technologie numérique, qui se rapproche de celle des photocopieuses en plus perfectionnée. Les tirages vont entre 1 et 1000 exemplaires. A partir de 1000 livres et plus, c’est l’impression en offset qui va être privilégiée. Un éditeur utilisant la technologie numérique va le plus souvent opter pour des tirages réduits de 50, 100 ou 200 exemplaires, dans le but bien sûr de minimiser le risque financier.
Pour savoir si le droit de préférence est adapté à l’édition numérique, faisons un petit calcul. Si l’éditeur assume un tirage de 100 exemplaires, cela va lui revenir à 4 à 5 euros pour un ouvrage de 200 pages, et cela peut même monter à 7 euros l’exemplaire si l’ouvrage fait environ 400 pages. Donc un investissement, disons de 700 euros. A cela peuvent s’ajouter des frais annexes : frais de référencement du livre chez Dilicom, la base de données des libraires, par exemple, frais de promotion. Il sera rare, toutefois, que l’investissement de l’éditeur excède un SMIC mensuel. Maintenant, prenons l’auteur auquel on va demander de s’engager sur, par exemple, ses trois prochains exemplaires. Le travail sur ces trois exemplaires sera très rarement inférieur à un an, et cela peut demander beaucoup plus selon les auteurs. Donc en échange d’un investissement d’un SMIC mensuel, cet auteur garantirait à un éditeur le fruit de plus d’un an de travail ? Et n’oublions pas que les perspectives de vente seront évidemment limitées puisque le livre ne pourra être présent dans tous les points de vente.
En conséquence, l’application d’un droit de préférence pour l’édition numérique semble tout sauf équitable. On peut même parler d’une clause abusive du contrat, puisque c’est une clause empruntée à un mode d’édition se faisant sur une bien plus grande échelle.
La même chose peut être affirmée, et avec plus de force encore, concernant la cession des droits, qui ne devra jamais être dans l’édition numérique "tout le temps que durera la propriété littéraire de l’auteur", c’est à dire à vie plus 70 ans, mais de préférence pour une durée ne devant pas dépasser, à mon avis, 5 ans renouvelable tacitement.
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