Gatsby le magnifique serait-il un plagiat du Grand Meaulnes ?
Une impression de "déjà connu".
J'ai pu voir cette année la nouvelle adaptation cinématographique du roman de F.Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique, avec Di Caprio dans le rôle de Gatsby. Au fil de la projection, une étrange impression de "déjà vu" ou de "déjà connu" s'est emparée de moi..."Mais c'est le Grand Meaulnes !" réalisai-je tout à coup, mi incrédule et mi amusé...
Cette idée par la suite m'est sortie de l'esprit, et je me suis employé surtout à lire le livre de l'auteur américain pour juger de la fidélité de son adaptation au cinéma. Fidélité dont j'ai pu constater la réalité.
Ressemblances troublantes.
Quelque temps plus tard, cette idée d'une parenté entre les deux œuvres a recommencé à me trotter dans la tête, et plus j'y réfléchissais, plus l'évidence de cette parenté s'imposait.
Tout d'abord une remarque : le titre américain du livre de Scott Fitzgerald est "Gatsby the Great", le décalque parfait du titre du roman français !
Chronologiquement, S.F a très bien pu connaître le Grand Meaulnes, paru en 1913 : Gatsby date de 1925.
L'assez bonne connaissance que j'ai du roman d'Alain-Fournier , que j'ai eu l'occasion d'étudier de près en tant qu'enseignant à l'occasion de projets scolaires, me permet de cerner plus précisément les points communs.
La narration par un personnage masculin fasciné par un autre personnage masculin hors normes , assez imprévisible, et auréolé de mystère est le premier trait commun le plus évident des deux œuvres ; dans les deux cas ce narrateur n'est que le spectateur de l'histoire d'amour impossible de deux êtres, ne s'impliquant personnellement que comme entremetteur (sollicité dans Gatsby ,volontaire dans Le Grand Meaulnes) : dans les deux cas, c'est grâce à l'aide du narrateur que les "amants" se retrouvent.
Rien de plus "couru" certes qu'une histoire d'amour impossible.
Néanmoins, concernant cet élément de l'intrigue, des ressemblances troublantes là encore entre les deux œuvres : l'idée dune jeune fille idéalisée perdue (Daisy/Yvonne de Galais), puis recherchée, et enfin retrouvée bien plus tard est commune aux deux romans.
Evidemment , l'explication de la séparation initiale par la différence sociale, et la présence du thème de l'argent qui intervient lourdement dans l'œuvre (l'idée qu'il doit faire fortune pour se présenter devant elle et la mériter) sont totalement absents du roman d'Alain-Fournier : Fitzgerald "américanise" l'intrigue en quelque sorte.
La luxueuse demeure de Long Island où le mystérieux Gatsby -que beaucoup de ses invités ne connaissent pas - laisse entrer qui veut pour participer à de brillantes fêtes n'est -elle pas le pendant du "domaine mystérieux" du GM qui accueille tous les gens du pays, où les enfants sont rois, le temps d'un noce dont on ne connait les protagonistes que tardivement ?
Et puis, quand tout tourne mal , la fête prend fin dans l'amertume...
Fitzgerald transpose, mais les fils principaux de son intrigue sont bien les mêmes que chez Alain-Fournier.
Les retrouvailles dans les deux romans se ressemblent assez : on dirait que Gatsby comme Meaulnes fait tout pour les gâcher , pour se persuader que rien n'est plus possible ; et pourtant, dans un deuxième temps, il se reprend et l'horizon s'ouvre.
La présence d'une intrigue amoureuse annexe , sur fond de trahison : Tom, le mari de Daisy, a une maîtresse (à demi tolérée d'ailleurs) ; dans le GM c'est Meaulnes qui en désespoir de cause a une liaison avec Valentine , qui s'avère être la fiancée perdue d'un autre personnage, Frantz de Galais. Dans les deux cas, les situations seront source de souffrance et de drame.
Le caractère fantasque de Gatsby, qui ouvre sa maison à qui veut et gaspille sa fortune dans de folles fêtes, qui remplit de fleurs la maison du narrateur où se dérouleront les retrouvailles, qui a des fréquentations un peu douteuses, renvoie d'ailleurs à la personnalité de Frantz de Galais dans le Grand Meaulnes.
L'auteur américain paraît avoir davantage inventé pour la fin de l'intrigue, avec la mort de la maîtresse de Tom écrasée involontairement par Daisy au volant de la voiture dans laquelle elle part avec Gatsby, suivie de la vengeance du mari garagiste, attisée par Tom, qui finit par tuer Gatsby.
Dans les deux cas l'amour reste impossible, chez Fitzgerald par l'assassinat de Gatsby et le repliement de Daisy sur sa famille (elle a une petite fille, comme Yvonne de Galais), chez Alain-Fournier par la mort d'Yvonne en couches.
Autre point commun : des récits à péripéties plutôt complexes, pour ne pas dire rocambolesques, remarquons-le !
En conclusion, on ne peut pas ne pas parler d'un large plagiat : Fitzgerald a peu inventé concernant l'intrigue de son roman, et les traits de caractère de ses principaux personnages paraissent largement empruntés à l'auteur français.
Il a su opérer des transpositions suffisamment efficaces pour que son œuvre apparaisse comme le roman d'une génération en Amérique, celle des années 20.
JMS
ps : un petit tour sur internet a confirmé mes doutes.
Plusieurs documents confirment que Scott Fitzgerald "est parti du Grand Meaulnes".
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