Il faut séparer l’Internet et l’Etat
Parmi les principaux dangers que risque cet extraordinaire organe démocratique interactif sans frontières, est celui qu’il soit régulé par une autorité centralisée, alors qu’il peut très bien l’être par les principaux acteurs en interne. Tous les internautes peuvent très bien signaler les abus rencontrés parfois par hasard et par devoir, en envoyer l’adresse vers un site corbeille qui se chargerait de les virusser ou les faire disparaitre. Ce travail peut s’effectuer avec l’aide d’une simple police informatique voire entièrement numérique, quelques personnels de maintenance et un numéro vert.
Agoravox est un exemple de l’efficacité du procédé. En notant la tendance de l’article, des meilleurs commentateurs intervenants et en rejetant à la longue les trolleurs signalés comme abus, il y règne souvent des ensembles tous azimuts de haute qualité.
Premier danger, le communautarisme, pèse sur chaque site qui se referme sur lui même avec deux groupes unis s’auto-congratulant entre eux et divisés, fustigeant le camps d’en face. L’ensemble des fils se traduit par un radical manque de disparité d’opinions et découle sur un dialogue très souvent houleux. Moins les noms et pseudos des membres inscrits n’apparaissent dans les fils et plus le site peut s’agrandir de lecteurs externes. La communauté ainsi ne se referme pas sur elle-même et l’efficacité des fils en devient la richesse, puisque les réponses aux articles se tournent résolument vers le sujet que l’auteur a pris soin de développer et non vers les tendances entre commentateurs. De plus, la starisation et la cour du roi règne rapidement sur ce genre de site et le schéma trame ressemble vite à ces journaux pipole dont l’on ne devient que le fanatique nourrisseur, la fourmi ouvrière sans espoir de promotion qu’à coup de lèche botte humiliant. Dans ce cas de figure n’importe quel nouveau lecteur peut rapidement comprendre la tendance du site et des articles, s’il s’engage dans une discussion, c’est soit pour enrichir le fil et donc le site, soit pour troller.
Un site qui, par exemple, traite de tout le cinéma s’attache à un domaine où règne un éclectisme total et donc peut afficher une profonde culture générale où chacun peut y trouver son compte. Alors qu’un site qui ne traite que de musique de « rave party » sans la moindre parole hormis « baby baby », déclare une pauvreté sans fond qui se traduit souvent par un dialogue de sourds. Les quelques commentaires qu’il génère ne sont que des évaluations de puces déclarant sur quelle battement elles ont sauté le plus haut pour atteindre enfin une transe moyenne au regard de celles que révèlent les tribus africaines, celles dont les rythmes sont bien plus riches et variés, puisque non binaires.
C’en est même fou à quel point une grande star mondiale du communautarisme musical peut ne représenter aucun intérêt sur un site vraiment éclectique, surtout en musiciens. Pire encore, la même grande star, vénérée quelques secondes plus tôt par des cris de joie et de bonheur partagé, peut se voir hué quelques secondes plus tard dès le moindre écart...fragilité d’un succès éphémère, et preuve que le risque du communautarisme et de starisation sur les sites internet est semblablement bien réel.
Un nouveau danger pèse désormais sur les sites généralistes autonomes qui ont échappé à cet enfermement mais sont quand même menacés par une récente décision de l’Etat de subventionner une certaine presse en ligne. Les principaux sites internet, premiers bénéficiaires (Rue89, Mediapart, Slate) sont ceux qui les ont le plus critiqué par le passé quand ils ne pouvaient pas en bénéficier et qui ont toujours crié à l’indépendance de la presse. A cette question soulevée dans un article précédent voici ce qu’un internaute a répondu : « Il est bon à ce sujet de rappeler la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui précise ce qu’est l’impôt : Article XIII : " Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés. " Un journal , fût-il internétique, n’est ni une dépense pour la force publique, ni une dépense d’administration. Le contribuable n’a donc pas à le subventionner. Le subventionner revient à imposer à chaque citoyen d’être un acheteur obligatoire de journaux avec l’opinion desquels il peut parfaitement être en désaccord. Ces subventions sont donc anticonstitutionnelles , car en désaccord total avec l’esprit de la déclaration des droits de l’homme ».
Au regard d’une constitution juste, les subventions devraient être naturellement réparties sur tous les sites sans exceptions au-delà d’un certain seuil d’audience, et au pro-rata de celle-ci ET de leur importance.
Seuls l’indépendance des sites, l’égalité des aides externes et la liberté d’internet autorise à voir naitre ce genre de réaction, et ce n’est pas la première à constituer ce puissant pare feu que recèle l’internet libre, rappelant à l’ordre les transformations des règles du jeu qui peuvent lui nuire, et notamment en matière de constitution. C’est l’absence d’indépendance de la presse papier qui a entrainé sa chute, accentuée par le retrait progressif de la pub qui les finançait, et la pauvreté des contenus laminés par les grands groupes proches du pouvoir après avoir tué la concurrence. Il ne serait pas étonnant que les subventions de l’Etat profitent indirectement en grande partie vers cette même pub, se refaisant ainsi une santé sur le dos du contribuable aux profits des plus grands annonceurs.
Ce matin, au réveil, j’entends à la radio qu’un fils de grand star va sortir un cd prochainement, et qu’il est déjà disponible dès aujourd’hui sur le site de fcbk ( la meilleure façon de ne pas donner plus d’audience sur le web à des sites déjà influents est de ne pas reproduire leur nom en intégralité, ou en les falsifiant ; kerpo, monsantrop ou NS, notre seigneurie... ). Pour écouter le produit il faut donc s’inscrire sur le site et donc par ce biais renforcer son flux déjà assez influent et augmenter à la fois, la pub gratuite pour le chanteur et les retombées publicitaire désormais subventionnées pour le site, le tout véhiculé par les radios.
Tout l’intérêt de ce nouveau mode d’interactivité participative est la richesse des propos et pensées pures qu’il génère et si ce critère comptait dans la répartition, les plus gros sites seraient les moins concernés par ces subventions, mais n’en souffriraient pas puisqu’ils le sont déjà par la pub.
Il est temps résolument de séparer l’internet de l’Etat.
En matière de musique, il devient supportable que les paroles soient obsolètes : raoul Petite
En matière d’éclectisme, il est utile de défendre la variété des arguments et des thèmes à débattre
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