L’Art Contemporain et le sens perdu de la Beauté
Souvent, je vais au musée revoir mes classiques (on ne s’en lasse pas) et voir des expos d’art contemporain, avec des amis aimant l’art contemporain ou ne l’aimant pas (ce qui rend la visite plus mouvementée). Ces derniers me demandent toujours, à moi qui aime l’art contemporain : « Pourquoi l’Art Contemporain est-il si laid ? Regarde ! C’est du foutage de gueule….. ».
Comment en est-on arrivé là ? Que certaines œuvres soient vraiment laides, c’est indéniable (il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour dire le contraire) mais il faut alors expliquer que dans l’art contemporain le Beau a été banni au profit de l’expression, de la communication, quelle qu’elle soit, pour faire ressentir une émotion à celle ou celui qui regarde : une indignation justifiée (« c’est du foutage de gueule ») et l’artiste a réussi son pari de provoquer une émotion : l’indignation.
Cela peut aussi provoquer le rire car souvent l’art contemporain est drôle : voir les œuvres de Paul Mc. Carthy (le roi du kitsch américain) par ex. celle ou un lapin et un ours batifole ensemble : c’est ridicule ! on rit donc de bon coeur ! et l’émotion est passée. Voir aussi les provocations souvent borderline de Maurizio Cattelan (le roi incontesté de la provocation), comme celle des enfants de cire pendus à un arbre à Milan : ils semblaient tellement vrais que les gens ont exigé au Maire de la ville qu’ils soient retirés car c’était insoutenable : provocation réussie, ou bien toujours du même Cattelan, comment ne pas oublier son œuvre fameuse où l’aimé Jean-Paul II est frappé par un météorite ("la nona ora") ? Et j’en passe.
Désormais, l’heure n’est plus à la représentation du Beau, mais à celle de la communication par n’importe quel moyen : la peinture est de moins en moins utilisée au profit des médiums technologiques : art vidéo, art informatique, art numérique, bio-art, qui généralement filme le présent et le retransmet dans une installation spécifique qui le met en valeur (lumières, sons etc.). J
Je précise que tous les artistes qui ont fait l’école des Beaux-Arts sont capables de peindre aussi bien (ou presque !) que Raffaello ou Ingres, car le dessin et la peinture sont les premières choses qu’on leur enseigne mais qu’ils ne le font pas car c’est « dépassé », non parce qu’ils n’en sont pas capables . Le sens de l’Art a changé et il n’est plus au goût du jour de représenter la nature (le fait la Photographie artistique élevée au rang d’Art) ni le beau car l’art moderne a libéré les artistes des contraintes classiques de la représentation.
Désormais l’art est conceptuel (on veut exprimer une idée voire un concept à travers une installation, une vidéo etc.) et veut explorer des idées et des formes nouvelles d’expression, sans se soucier des canons de la beauté classique.
Si cela a permis de nouvelles façons de s’exprimer et d’envisager l’art, cela a aussi ouvert la porte à pas mal d’ excès : comment oublier l’urinoir de Marcel Duchamp et encore plus loin dans cette lignée, la « Merde d’artiste » de Piero Manzoni…. Bien sur, c’est de la provoc, et il faut en rire et non s’en indigner, car l’art n’est plus le Beau.
D’ailleurs l’indignation vient du fait que les non-artistes (99% de la population donc) attendent toujours du Beau de l’Artiste alors que cette notion a été volontairement enterrée depuis longtemps par nos artistes contemporains. Triste divorce sans consentement mutuel…..
L’idée du Beau : voir du beau nous fait du bien, nous fait momentanément oublier nos soucis, nous fait voyager au-delà de notre propre corps : l’expérience du beau est inoubliable et irremplaçable. Or, l’art contemporain nous nie généralement cette expérience du beau. Pour la vivre, nous devons revoir nos classiques ou aller voir les quelques francs-tireurs qui continuent à faire du Beau…oui, ils existent encore, y compris dans l’art contemporain, vous en aurez certainement vu vous aussi : par exemple « Axial Age » de l’Allemand Sigmar Polke qui vous fait voyager dans l’infini de l’espace avec ses couleurs mystiques et ses matières alchimiques, ou bien un Agoraphile me citait Rotko avec ses chaudes couleurs primaires qui vous enveloppent dans un bien-être primordial et il y en aura d’autres, qui vous auront touché au cœur par leur Beauté.
Nous tous (c’est-à-dire la grande cohue des non-artistes incapables de produire du Beau, pour leur plus grande tristesse) avons besoin du Beau mais on fatigue à le trouver car cela ne figure plus comme prioritaire dans l’art contemporain, toutefois, étant interdit d’interdire, les artistes peuvent aussi produire du Beau car cela reste leur droit même si cela n’est pas « in »…..Actuellement reste à la mode l’ironie et la provoc en plus de tout ce qui est techno. Nous avons encore devant nous un long chemin de croix……jusqu’à ce que le Concept de Beau revienne à la mode, finalement. La vie est un cercle, cela reviendra aussi. Patience.
J’ai bon espoir car je constate ces derniers temps un léger retour du beau dans les Arts (par ex. la Performance des Anagoor de Castel Franco Veneto, mélange d’ancien et de nouveau, avec un résultat merveilleux) et en parlant avec des jeunes artistes (ramant pour se faire connaître, mais qui ont tous fait les Beaux-Arts) je constate qu’ils pensent à réintroduire le beau dans leurs œuvres, en tout cas, cela ne semble plus impensable.
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