Le Cauchemar de Gutenberg : ebook et décadence culturelle
Apple et Microsoft doivent s’en frotter les mains, tant il devient facile et tentant de ne plus sortir grâce à leurs concentrés de technologie, mais au jour d’aujourd’hui, c’est au détriment des artistes et des majors (sur lesquelles on crache régulièrement du fait leurs aspirations capitalistiques plus qu’artistiques ; mais sans leur argent, il n’y aura sans doute plus de films, plus d’albums, et plus de rémunération des artistes, ce qui serait embêtant pour mettre son Ipod à jour….).
Et comme si le domaine culturel n’était pas suffisamment touché, il a fallu que Sony et Amazon mettent à la mode le livre électronique, l’un avec son « Reader », l’autre avec son « Kindle », histoire de s’attaquer au plus vieux et au plus intouchable des supports, le livre, le bon vieux bouquin ; à l’aide d’une tablette tactile renfermant un disque dur bourré d’une bibliothèque virtuelle.
Certes on pourra mettre en avant le fait que les fichiers à lire sont payants, que cela va sauver la forêt amazonienne, et que la totalité des œuvres ne seront pas transposées, mais là on est dans la même utopie que le téléchargement légal.
Car il est logique que les fichiers ebooks seront disponibles en téléchargement illégal et directement transférables sur supports électronique, que ce soit votre iphone ou votre Kindle. Le monde informatique est peuplé de tellement de petits génies qu’imaginer l’impossibilité de cette supposition relèverait de la boutade, ou bien simplement de la stupidité. Le bon vieux pavé mille-feuilles serait-il donc condamné à être réduit pour toujours à une simple tablette relevant plus de la game boy que de l’encyclopédie ?
L’essence même du débat fait que certains diront oui, d’autres non. Etant donné que notre génération s’est bornée à tout simplifier numériquement depuis l’apparition du câble USB, il est parfaitement logique de penser que le livre pourrait suivre cette même progression, sa numérisation étant lancée depuis le projet Gutenberg de 1971 (projet relativement hypocrite, bien que ne pouvant pas être considéré comme lucratif, mais plutôt comme une sauvegarde éternelle de nos œuvres augurant la révolution du web et des livres électroniques). Certes, Internet et les ebooks n’ont jamais tellement aidé le livre, mais avec ces tablettes, ce n’est pas en colocataire gênant que se présente la technologie, mais en ennemi, même si il permettra une autre forme de rémunération des auteurs dans un certain temps et une sauvegarde numérique des chefs d-œuvres littéraires. A une époque où l’on se borne à tout réduire au plus simple et au plus microscopique, il a semblé alors pratique de compresser une bibliothèque de 1000 œuvres dans une simple plaque de zinc telle une 206 broyée dans une décharge, promettant alors plus de place dans le salon et des kilos en moins dans le sac. Les lecteurs du dimanche et fanatiques de Dan Brown seront aux anges : tant de simplicité, de chic, et de tendance dans la poche ne peut se refuser, surtout quand cela peut permettre de bouquiner en toute tranquillité dans le RER. Mais pas pour les amoureux de la langue et de la bonne littérature.
En effet, pour ces derniers, s’attaquer au papier serait aussi inacceptable que de voir un pentium générer des romans, et c’est tout à fait compréhensible. Ce serait s’attaquer à une tradition, à un mode de transmission, à un objet bien plus ancien que le 33 tours, mettant alors en péril une habitude générationnelle et intellectuelle étant pourtant vouée à durer malgré les fichiers pdf et les google books. Si les tablettes venaient à envahir la société de la même manière que les lecteurs mp3, on ne pourrait qu’être désolés de voir le technologique remplacer l’historique, et une montée au créneau des intellectuels serait des plus justifiée. Heureusement, le prix affiché de ces dernières et leur inutilité aux yeux d’une majorité laissent encore de beaux jours au livre de poche, mais connaissant un système qui a réussit à standardiser le téléphone portable qui était encore réputé futile il n’y a pas 10 ans, on ne peut que penser que tout est possible. Le pauvre Johannes Gutenberg se retournerait alors dans sa tombe, n’ayant pour se rassurer « que » la pérennité multi centenaire de sa création au rayon littéraire (à moins qu’un jour on ne normalise les « e-affiches », qui, après les e-mails et autres e-choses, pourraient peut-être stopper le gaspillage de papier….) Car il est capital de garder les livres tels quels, car ils sont le symbole d’une universalité et d’une soif de culture millénaire, et, même si il n’est pas certain que les ebooks les tueront un jour car la résistance sera forte, cela relève du domaine de la moralité que de les protéger du sort qui a été réservé aux CD et autres DVD. Car si la revanche BluRay et la loi Hadopi sont pleins de bon sens et d’espoirs, il sera d’autant plus dur d’empêcher un piratage littéraire. Va-t-on droit vers d’autres révolutions cuturelles condamnées au piratage, dans lesquelles on pourrait voir un concert de U2 à 360° avec une application Iphone, aller à Gizeh de son lit, ou bien visiter le Louvre via un casque 3D, amenant à une gratuité globale de la culture et reléguant les journées du patrimoine au statut de figurine Kinder ?
Peut-être vais-je trop loin, mais en tout cas, il n’est pas paranoïaque que de prédire le futur de la culture de cette manière, la naissance du ebook pouvant être considéré comme « de trop ». Cela dit, on peut peut-être mettre en cause cette éternelle nature humaine, intéressée et sans scrupules, sans pour autant tomber dans la démagogie, et l’accuser de ruiner ce qu’il reste de concret et de durable dans la culture palpable. Et à ceux qui me diront que révolution ebook et révolution mpeg ne sont pas comparables, je répondrais « oui », car c’est vrai, l’une concerne les livres, l’autre la musique et le cinéma, mais j’ajouterais que ce n’est pas tant le support qui est critiquable, mais son application technologique par l’homme et ses conséquences. Je m’emporte peut-être certes, car la technologie a aussi un millier de côtés positifs, aussi bien au niveau musical que cinématographique, cela va de soit, et cela paraît même hypocrite de l’insulter quand on a déjà pratiqué le téléchargement illégal, qu’on est un artiste, et que l’on a un Ipod. Pour ma défense, je dirais que téléchargement est découverte, et que découverte engendre achat, au même motif que place de cinéma est découverte, et que découverte engendre téléchargement. Sans être exemple, je prescris le juste milieu.
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