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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le rôle de la femme dans l’amour courtois

Le rôle de la femme dans l’amour courtois

La femme sur un piédestal ?

Qui n’a pas entendu parler, lu des ouvrages, ou visionné des réalisations cinématographiques de l’histoire d’amour entre Lancelot, chevalier à la Cour du roi Arthur, et Guenièvre, épouse dudit roi ? Qui n’a jamais entendu les mots « troubadour » et « courtoisie », le nom d’Aliénor d’Aquitaine ? Ces termes et dénominations nous sont familiers. Ils nous parlent, résonnent en nous, dans notre inconscient collectif, mais ô combien ils sont confus ! Comment mettre de l’ordre dans ce champ inorganisé d’allusions à notre culture occidentale, si célèbres et pourtant si mal connues ?

La première chose que l’on peut en dire, c’est que toutes se réfèrent, plus ou moins directement, à un genre littéraire né à la toute fin du XIè siècle dans le sud de ce qui n’était pas encore la France : l’amour courtois ou, en occitan, la fin’amor. Il est bien évidemment nécessaire de contextualiser et définir, avant toute chose, ce terme qui, lui aussi, n’est pas inconnu de notre lexique.

La fin’amor fait son apparition sous la plume de Guillaume IX (1071-1126), duc d’Aquitaine et comte de Poitiers. Seigneur puissant, homme de combat ayant participé à la première croisade en 1101, il établit une des cours les plus raffinées de son époque et écrit à ses heures des poèmes dans sa langue maternelle : l’occitan, langue latine vernaculaire parlée majoritairement dans le Sud de la France. Bien que parfois de consonance crue et érotique, ces poèmes, chantés (au Moyen-Âge, un poème n’est jamais prononcé d’une voix neutre mais toujours mis en musique), sont considérés comme les précurseurs de l’esthétique courtoise, puisqu’ils traitent de la femme et de l’amour, thématiques sur lesquelles nous allons revenir en détail.

Ce genre littéraire va se propager à une vitesse fulgurante au point de devenir une véritable révolution idéologique. Il se répand d’abord en Occitanie grâce à l’intervention des troubadours, ces poètes de langue d’oc s’adonnant à l’art de créer des formes lyriques, et gagne peu à peu le Nord de la France puis l’Angleterre, notamment par l’influence d’Aliénor d’Aquitaine, petite fille de Guillaume IX et successivement épouse du roi de France Louis VII et du roi d’Angleterre Henri II. Et, toujours au centre de la préoccupation créative et artistique, les sujets de la femme et de l’amour.

Mais qu’est ce donc que l’amour courtois ? Quelles en sont les règles ? Quelle place la femme y tient-elle ?

Définition de l’amour courtois et rôle de la femme

Il faut d’abord distinguer, en théorie, deux « types » littéraires de l’amour courtois : celui des troubadours du Sud de la France, et celui des trouvères du Nord.

L’amour courtois, je l’ai dit, est né en Occitanie à la toute fin du XIè siècle. Les troubadours, premiers à chanter le sentiment amoureux, y prônent l’amour et, surtout, la femme.

"Ce n’est pas étonnant si je chante

Mieux que tous les autres chanteurs :

Mon coeur répond plus fort à l’appel de l’amour

Et j’obéis mieux à ses ordres !

Coeur et corps, savoir et sens,

Force et pouvoir : je lui ai tout donné,

Si bien que je ne me l’applique à rien d’autre

(...)

Quand je la vois, tout témoigne de mon désir :

Mes yeux, mon visage, ma pâleur.

Aussitôt je tremble de peur

Comme une feuille dans le vent

Et je n’ai pas plus de sens qu’un petit enfant...

Voilà comment je suis prisonnier d’Amour.

Ah ! Que d’un homme ainsi conquis,

Une Dame peut avoir grand pitié !

 

Bonne Dame, je ne vous demande

Que d’être accepté pour serviteur.

Je vous servirai en bon seigneur,

Quelle que soit ma récompense.

Me voici à vos ordres :

Etre noble et doux, gai, courtois !

Vous n’êtes point un ours ni un lion,

Vous ne me tuerez pas, si je me rends à vous !"

Extrait d’un poème de Bernard de Ventadour (né vers 1125), attaché au service d’Aliénor d’Aquitaine.

Poème traduit de l’occitan

Néanmoins, la dame aimée n’est pas n’importe laquelle : elle est toujours issue de la catégorie sociale la plus élevée. En effet, dans l’amour courtois, il n’est pas mention de la femme du « peuple », la paysanne, la bouchère, la boulangère, mais bel et bien de la femme appartenant à la noblesse. Pourquoi cette discrimination ?

L’explication est que le terme de courtoisie désigne un ensemble de valeurs, une attitude mentale propres à un milieu social particulier : l’aristocratie. L’étymologie du mot courtoisie provient d’ailleurs du nom commun cour. La fin’amor ne peut donc évoluer que dans ce milieu restreint de la noblesse, car il est une manière de s’opposer au monde des « vilains », c’est-à-dire au monde paysan. Un paysan ne peut être courtois, et par conséquent une paysanne ne peut bénéficier de l’attention courtoise. Autre fait notable, dans l’amour courtois chanté par les troubadours, la femme courtisée est toujours socialement supérieure à l’homme qui en est amoureux. Elle est noble s’il est roturier, elle est duchesse s’il est comte, elle est reine s’il est chevalier…

Autre caractéristique : la dame aimée est toujours mariée, et bien sûr elle ne l’est pas à celui qui en est amoureux. La relation courtoise est donc par essence adultère et socialement impossible. Il est important d’ajouter qu’ « adultère » ne signifie pas obligatoirement consommation sexuelle (cela arrive, mais ce n’est pas obligatoire), mais bien sentiment amoureux en dehors du mariage. Ce sentiment peut être partagé par les deux protagonistes du poème ou unilatéral (c’est toujours l’homme qui aime).

Dans la relation courtoise, l’homme amoureux n’agit et ne vit que pour plaire à la dame de ses pensées sur laquelle il fantasme. Cette femme, au fil de l’histoire et si elle partage ses sentiments, lui accorde de plus en plus de faveurs (baisers, caresses, voire relation sexuelle qui est l’aboutissement de la relation et met un terme à la courtoisie). Pour elle, l’amant se surpasse, affronte toutes sortes d’obstacles (des guerres ; des combats ; des ennemis ; un mari jaloux, appelé gilo). La relation courtoise n’est pas de tout repos, l’amant lui-même peut être rongé par une jalousie maladive vis-à-vis de l’époux ou d’éventuels autres prétendants mais il doit mesurer son comportement. En bref, le danger guette constamment l’amour, et l’amant doit y faire face, ne pas s’y soustraire.

Pour les trouvères du Nord de la France, où cette littérature se répand dès la seconde moitié du XIIè siècle et au XIIIè siècle, la fin’amor est avant tout d’essence chevaleresque. En effet, cette région est plus fortement marquée par la féodalité que le sud, par conséquent en Occitanie, si l’amoureux transi était souvent un poète ou un roturier, dans le nord il sera beaucoup plus souvent noble et chevalier, mais de statut toujours socialement inférieur à la femme. On peut reconnaître dans cette description l’histoire célèbre de Lancelot et Guenièvre, mis en écrit dans le roman courtois (en vers octosyllabiques) de Chrétien de Troyes, histoire qui a par ailleurs bénéficié des apports culturels des légendes celtes (le merveilleux, l’imagination, le rêve…) par l’intermédiaire et l’influence d’Aliénor d’Aquitaine, reine d’Angleterre, et de ses filles, Alix de Blois et Marie de Champagne, qui les ont intégrés dans leurs cours françaises.

 alienor-d-aquitaine jean

Aliénor d’Aquitaine et son fils Jean sans Terre

La relation courtoise ayant été définie dans ses grandes lignes, il est maintenant essentiel d’en décortiquer les sous-entendus, les non-dits, et d’en saisir les significations cachées.

Les sens cachés de la littérature courtoise

Première interrogation, pourquoi ce mouvement littéraire est-il apparu ? La relation courtoise, qui en apparence prône la femme de manière si positive, a-t-elle existé réellement, ou s’est-elle limitée au monde littéraire ? Que peut bien cacher cette nécessité littéraire de faire de l’amour courtois un amour adultère ? Pourquoi la « Dame », terme que de nombreux troubadours et trouvères emploient dans leurs poèmes, doit-elle être de catégorie sociale supérieure à celle de son amant et obligatoirement issue de la noblesse ?

Tout d’abord, répondons à la première question : la naissance de la littérature courtoise. Plongeons dans le contexte historique de la fin du XIè siècle. Le pouvoir monarchique des Capétiens s’affaiblit, le territoire politique se morcèle au profit de seigneurs qui deviennent de plus en plus puissants et qui établissent des cours riches et brillantes. Pour éviter l’anarchie de cette nouvelle organisation politique, un système se met peu à peu en place : c’est ce que l’on appelle le système féodal. Qu’est ce que la féodalité ? La réponse à cette question est vaste, extrêmement vaste, mais l’élément à retenir est qu’il s’agit d’une organisation hiérarchisée des pouvoirs où un « contrat » est établi entre un suzerain (un « maître », socialement supérieur) et ses vassaux (ses « serviteurs »), vassaux qui peuvent eux-mêmes être suzerains d’autres vassaux, et ainsi de suite... Ce qu’il est important de noter, c’est que pour les vassaux ce contrat comprend, parmi d’autres éléments, un devoir de servir dans l’armée de leur suzerain dès que celui-ci entre en guerre : ils forment alors ce que l’on appelle la chevalerie.

Pyramide féodale

Le système féodal

Aux XI et XIIè siècles, la chevalerie telle qu’elle est définie par le système féodal est donc une catégorie militaire toute nouvelle, réservée à la noblesse, qui doit trouver de nouveaux codes et développer un art de vivre qui lui est propre. Et c’est là que la littérature courtoise entre en scène : elle va donner un rituel de conduite à cette nouvelle partie de la société. Par essence, dans l’imaginaire collectif de l’époque où a lieu la première croisade et où la guerre, par l’intervention de l’Eglise, se moralise, un chevalier doit se montrer courageux, faire face aux obstacles, avoir une conduite mesurée, canaliser sa violence : on retrouve bien là une partie de l’esthétique courtoise. Celle-ci est donc un modèle de comportement, un idéal, et la femme est le moteur de ce comportement, c’est par elle, son influence, et pour elle que le chevalier va se surpasser et agir convenablement. En littérature tout au moins… Car dans la réalité, la femme aristocrate est-elle source d’une telle idéalisation et mise sur un piédestal ?

La réponse est non. Concentrons-nous sur sa situation au XIIè siècle. Nous l’avons vu, la carte politique est morcelée en de multiples seigneuries qui sont autant de comtés, de duchés ou de territoires plus modestes. Il est évident, dans ce contexte, que ces fiefs entrent en opposition et se déclarent la guerre. Mais celle-ci coûte cher et on cherche souvent à y mettre fin. C’est là que la femme entre en scène. Objet de paix, elle met, par l’alliance matrimoniale, un terme aux rivalités entre deux familles. Il ne faut bien sûr pas voir cette alliance matrimoniale comme une manifestation de sentiments amoureux mais comme une stratégie politique de premier ordre qui dépasse son destin individuel et ses aspirations personnelles. En effet, le mariage entre deux individus de lignages ennemis permet de garantir les liens de bonne entente entre deux clans opposés. Il rend aussi possible à une famille d’assouvir ses ambitions territoriales en agrandissant ses richesses foncières. Le cas d’Aliénor d’Aquitaine est tout à fait exemplaire : duchesse d’Aquitaine à la mort de son frère, elle devient l’objet de toutes les convoitises, et notamment de celle du roi de France Louis VI le Gros qui, après maintes négociations, la marie à son fils, le futur Louis VII. Autant dire que l’apport de l’Aquitaine, qui à l’époque s’étend de la Loire aux Pyrénées, est un atout considérable pour un roi tentant d’affirmer son pouvoir parmi cette multitude de seigneurs puissants qui lui font concurrence… La femme est donc soumise aux dures lois politiques, et son bonheur ainsi que sa volonté individuelle ne sont nullement pris en compte.

Cependant, on peut tout de même exprimer un bémol dans cette théorie de la femme non libre de sa vie affective. Car qui dit alliance entre deux familles dit mariage imposé de même pour l’époux, lui aussi souvent fils, petit-fils ou neveu d’un des protagonistes du conflit. A-t-il son mot à dire ? Bien souvent ce n’est pas le cas, et lui aussi se plie aux exigences de la politique. Néanmoins, son sort serait plus enviable, car la paix et l’agrandissement du domaine territorial ne pourra lui être que bénéfique lorsqu’il en héritera. D’autre part, la femme a pu bénéficier d’un allié qui, malgré sa portée limitée, n’en était pas moins solide : en effet, dès le XIè siècle, l’Eglise s’est opposée aux mariages arrangés en tentant d’imposer le consentement mutuel. Pour elle, l’union devant Dieu doit avoir lieu à un âge décent et où les deux conjoints sont capables de consentir ou non, car la fondation d’une nouvelle famille ne peut survenir que dans le respect de la liberté des contractants. Cette intervention n’a pourtant pas porté ses fruits autant qu’il y paraît : nombreux sont les textes traitant d’enlèvements de femmes, d’unions forcées, de confinement dans les monastères, et souvent le silence féminin est pris pour un accord.

Autre événement important de la condition des femmes, un changement de grande importance vient limiter encore plus leur liberté pourtant jusque là déjà restreinte : elle perd le droit de disposer de sa dot, apport économique non négligeable. En effet, durant le Haut Moyen-Âge et jusqu’au XIIè siècle, elle pouvait en jouir comme bon l’entendait, du vivant de son mari ou pour son entretien en cas de veuvage. Or ce bénéfice disparaît : la dot devient propriété exclusive de l’époux au point qu’aux XIVè et XVè siècle, elle devient la prestation principale des échanges et la première source de convoitise. Déjà enfermée dans un monde domestique et de reproduction maternelle (autre condition féminine du mariage : faire des enfants pour perpétuer le lignage, et donc le pouvoir politique), la femme perd le faible pouvoir économique dont elle bénéficiait...

Faut-il donc voir dans la littérature courtoise les premiers balbutiements d’une « révolte » contre le mariage arrangé ? Pourquoi pas… La fin’amor est la première expression littéraire du sentiment amoureux, c’est lui qui est au premier plan, alors que dans la vie réelle il n’est aucunement primordial, bien loin de là. Cependant, il serait osé d’y voir une sorte de « féminisme » avant l’heure, d’autant plus que la relation courtoise, et ce sera le dernier point abordé, cacherait, si on l’analyse de plus près, un sens qui ne va pas en faveur de la gent féminine mais qui marque bien, encore une fois, la domination du monde masculin.

En effet, selon Christiane Marchello-Nizia, dans son article « Amour courtois, société masculine et figures du pouvoir » (1981), les poèmes courtois emploient les termes de la relation vassalique dont j’ai déjà fait mention plus haut. La dame est « suzeraine » car, on l’a vu, de catégorie sociale supérieure, et l’amant est son « vassal » obéissant. Or, aux XIè et XIIè siècles, même s’il existe des exceptions, rares sont les femmes suzeraines dans la réalité puisque la politique est un monde d’hommes. Pour Christiane Marchello-Nizia, l’amour que l’amant porte à la femme ne serait ni plus ni moins que la métaphore, la représentation du lien l’unissant en définitive à son véritable seigneur et suzerain : l’époux de la Dame en question. La Dame aimée et épouse du seigneur ne serait donc qu’un « outil » à disposition de son mari pour s’assurer la fidélité de ses vassaux. Un exemple est tout à fait révélateur dans le Lai de Graelent, poème du XIIè siècle. Citons Christiane Marchello-Nizia : « Chaque année à la Pentecôte, le roi Artu rassemble ses barons ; après le repas, il fait monter la reine sur un banc élevé, la fait dévêtir, et demande si quelqu’un, dans l’assemblée, connaît une femme plus belle : la beauté de la reine, la séduction qu’elle peut exercer sur les vassaux, est simplement l’un des attributs, l’un des modes d’exercice de la puissance royale. La femme n’est ici que la médiatrice d’une relation instaurée entre les hommes ».

Elle pousse même sa théorie jusqu’à voir l’amour courtois comme une représentation de l’homosexualité, où la femme, tout simplement, ne serait que l’image de son époux, celui-ci étant la personne véritablement visée par le sentiment amoureux de son vassal : « Ne pourrait-on prendre au pied de la lettre l’utilisation du vocabulaire de la relation vassalique ? (…) Il suffirait (…) de cesser un instant de voir dans l’évocation du lien vassalique la métaphore de la fidélité amoureuse (…) L’hypothèse que j’ai tenté de formuler est la suivante : lire, dans cette figure privilégiée de l’amour courtois, (…) l’expression déplacée, différée, d’un autre type d’amour encore plus transgressif, encore plus occulté : un amour homosexuel>>.

 

Pour en savoir plus :

L’amour courtois ou le couple infernal - Jean Markale - éditions "Imago", 1988.

L’amour courtois et la chevalerie : des troubadours à Chrétien de Troyes - Estelle Doudet - éditions "J’ai Lu", 2004

Les Troubadours - Henri-Irénée Marrou - éditions du Seuil, 1971

La fin’amor - Jean-Claude Marol - éditions du Seuil, 1998


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9 réactions à cet article    


  • Nicolas 15 juin 2010 11:53

    L’article est une très bonne synthèse de ce qui s’est écrit sur la littérature courtoise, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire. Je lui souhaite beaucoup de succès. J’ai beaucoup apprécié l’exposition de l’idée qu’il faut se méfier d’une interprétation anachroniquement féministe de la littérature courtoise, tout comme de ne pas y trouver de mauvaises grilles de lecture fondées sur la séparation entre un monde du nord brutal et une Occitanie fantasmée. En effet, le thème de la courtoisie et le l’apparition du thème de l’amour dans la littérature occidentales n’ont pas toujours été traités de manière très heureuse, les thèses fausses et orientées qui présupposent une « civilisation occitane » et une antériorité de la courtoisie méridionale (malgré la grande ancienneté d’une oeuvre telle que « Tristan et Iseult »), que celle du nord n’aurait fait que copier, ont trop souvent eu cours par le passé et se retrouvent encore trop présentes, et je trouve que l’auteur a très bien su trouver de bonnes sources d’information. 

    L’émergence de la littérature courtoise est aussi souvent replacée dans le grand mouvement d’essor de l’Occident, difficile à dater avec précision, car les thèses et les expressions se sont succédées ; « mutation de l’an mille », « Renaissance du XIIème siècle ». Ce mouvement qui voit le commencement des croisades, le renouveau du commerce méditerranéen par les ports italiens, le développement des villes et leur affirmation politique, le développement des universités et la rénovation du monachisme et de l’Eglise, tous ces processus s’étendant sur des durées se comptant en siècles. 

    J’ai beaucoup apprécié les fines nuances entre les courtoisies du nord et du midi, qui n’ont pas été sans faire écho à ce que j’avais lu dans « Essai de poétique médiévale » de Zumthor, où l’auteur explique que la courtoisie du nord est plus grave et a moins un caractère de jeu que celle du sud, les différences de structures féodales, que l’auteur a mentionnées, expliquant également cela. 

    Je repense aux passages du « Lancelot, le chevalier à la charette », où le chevalier songe désespérément à Guenièvre, et plus encore à ce splendide passage de « Perceval », quand le héros voit mystérieusement, un matin enneigé, une oie attaquée par un faucon et qui en perd trois gouttes de sang dans la neige, les deux ensemble l’entrainant dans une rêverie en lui évoquant le cher visage de son amie. 

    • morice morice 15 juin 2010 11:57
      la religion change et intègre ce mouvement : la Vierge Marie prend plus d’importance dans le culte. La religion est l’image de la société et des mœurs.

      L’amour courtois qui insiste sur la FDELITE tente aussi de régler le problème des bâtards disséminés un peu partout par le chevalier soudard, et qui vont un jour où l’autre réclamer la part de gâteau... 
      «  Personne ne peut avoir deux liaisons à la fois. »

      les bâtards ou le fléau finalement non endigué des siècles suivants, qui marcheront aisément sur l’amour courtois en s’essuyant les pieds dessus....
      certains seront ...CURES :
      La rumeur publique prêta à Louis XV plusieurs centaines de bâtards. Il semble qu’ils ne furent pas plus d’une dizaine. Pour éviter les troubles qu’avaient causés ceux de son prédécesseur, le roi ne voulut en reconnaître aucun, à l’exception de l’abbé de Bourbon, né de ses tardives amours avec Mlle de Romans. Ce garçon fut élevé par Mesdames, filles du roi, et obligé d’entrer dans les ordres. Il y mourut jeune.

      après, vous aborderez j’espère la naissance de la notion de Purgatoire : vous verrez, c’est lié à l’apparition d"un phénomène de société... très intéressant...

      • ZEN ZEN 15 juin 2010 12:10

        Trés intéressant
        Cela donne envie de se replonger dans Legoff et Duby
        ’Les mariages nobles n’étant pas une affaire de sentiments, la passion ne peut être trouvée qu’ailleurs. L’échange des coeurs, la fidélité promise, n’engage alors plus les biens, mais les personnes’


        • Lisa SION 2 Lisa SION 2 15 juin 2010 12:26

          Bonjour,

          « la dame aimée est toujours mariée, et bien sûr elle ne l’est pas à celui qui en est amoureux. » Le troubadour, qui vit de l’aumône que lui rendent ceux qui l’écoutent, et va ainsi de village en village répandre sa poésie ludique, rencontre toute sa vie des quantités de femmes dont il narre les beautés et les tourmentes. Sa récompense n’est pas cette adorable beauté qui lui a sourit de sa plus belle manière mais est promise à un rustre propriétaire terrien, mais cette trainée qui se couche la dernière, enfin la première d’un certain point de vue...

          « C’est là que la femme entre en scène. Objet de paix, elle met... » Sa vision de recul lui permet de voir clair dans les mécanismes sociaux qu’il dépeint avec assiduité. Nul ne peut en savoir autant que lui et sa broderie verbale est très appréciée dans les soirées qu’il théâtralise avec succès. Objet de paix, mais objet avant tout. Tout détaché qu’il est puisqu’il repars seul dès le matin avec un bon repas dans le ventre, il en est néanmoins libre de chanter dès le lendemain, la comédie de ces objets...

          Quand cette femme, a connaissance, qu’elle est avant tout objet et prend sa revanche, elle se régale. La duchesse de Chartreuse http://www.alalettre.com/stendhal-oeuvres-chartreuse-de-parme.php extrait : " Antoinette est jeune, très belle, loin de son mari... Elle séduit tout Paris, mais ne se donne pas, par respect des conventions, pour sa réputation, pour ses principes. C’est ainsi qu’elle s’amuse de voir le marquis de Montriveau tomber éperdument amoureux d’elle... mais on ne se joue pas du cœur des autres en toute impunité. "

          Combien de chevaliers, qu’un seul mot d’une belle ont envoyé à cheval à travers le pays infesté de brigands, pour finir à ses pieds avec pour simple mission d’aller renverser je ne sais quel autre prétendant, lui même sis à l’autre bout de la France...Combien d’hommes, valeureux combattants, ont été mordre la poussière pour le beaux yeux d’une femme qui en fit leur objet...jamais atteinte. 


          • Lucien Denfer Lucien Denfer 15 juin 2010 12:32

            Cette évocation de chrétien de Troyes me rappelle le spectacle de Fabrice Luchini, « Le point sur Robert ». 


            • Suldhrun Suldhrun 15 juin 2010 13:37

               Le bonjour .

              Article de bonne facture sur la courtoisie... profane . Cependant il existe un aspect , autrement plus curieux , voire hermétique, des trouveurs ou troubadours .

              La Dame , dans ce cas , représente la Nature universelle des Alchimistes...


              • rocla (haddock) rocla (haddock) 15 juin 2010 16:45

                Excellent article .

                J’ ai néanmoins du mal à imaginer grimper une fille qui s’ appelle Guenièvre  smiley


                • rocla (haddock) rocla (haddock) 15 juin 2010 18:12

                  Ceux qui m’ ont moinssé n’ ont qu à s’ en charger ..... smiley


                  • Hieronymus Hieronymus 15 juin 2010 23:20

                    interessante analyse sur les fondement de l’amour courtois en occident
                    derriere une apparence que l’on qualifierait de nos jours de « romantique », ce dernier est en fait tres codifie socialement, obeit a des regles precises, constitue une forme d’epreuve superieure pour le chevalier, rien n’est en fait laisse au hasard ..
                    desole de pinailler historiquement mais j’ai ete etonne de lire ceci :
                    « Plongeons dans le contexte historique de la fin du XIè siècle. Le pouvoir monarchique des Capétiens s’affaiblit, le territoire politique se morcèle au profit de seigneurs qui deviennent de plus en plus puissants et qui établissent des cours riches et brillantes. »
                    je serais tente de dire exactement l’inverse, a la fin du XI siecle il commence a se renforcer avec des souverains comme Louis VI le Gros, auparavant il etait purement virtuel, quasi inexistant et ce depuis l’ecroulement de l’empire carolingien ds la II moitie du IX siecle ou alors je n’ai rien compris a la genese de la feodalite ?
                    cordialement

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